
Blanche ou l'oubli (édition folio)
(ou la poésie à tous les étages!)
chapitre changer de Dieu:
p.136
Un nom comme en affuble d'un les comètes: IKeya-Seki.
Spoiler
p.150
Parce-que, si c'est moi qui parle, Périgueux est un souvenir. Si c'est Marie-Noire, qui est une créature de l'oubli, alors je disais bien, dans ce cas, Périgueux devient un roman. C'est à dire une méditation entre la vie et moi. Quelque chose qui se forme au niveau de la conscience que je prend du monde, au niveau du langage. Une énorme unité sémantique. Quelque chose qui me rend la vie possible. Je ne me passe pas des romans. Le roman c'est le langage organisé pour moi.
Parce-que, si c'est moi qui parle, Périgueux est un souvenir. Si c'est Marie-Noire, qui est une créature de l'oubli, alors je disais bien, dans ce cas, Périgueux devient un roman. C'est à dire une méditation entre la vie et moi. Quelque chose qui se forme au niveau de la conscience que je prend du monde, au niveau du langage. Une énorme unité sémantique. Quelque chose qui me rend la vie possible. Je ne me passe pas des romans. Le roman c'est le langage organisé pour moi.
Spoiler
p.184/186
Qu'est-ce que tu fais dans le noir à écouter Brel? Agnès n'est pas encore là?" dit Philippe, qui allume et jette ses provisions sur la table, toute la couleur de ses provisions, le papier roux des biscottes, les sachets de soupe à chromos, le carton bleu mou du sucre, le sac de pommes. Tiens, c'est vrai, c'était Brel. Marie-Noire ouvre difficilement les yeux et l'électricité l'éblouit. Elle baisse les paupières et voit danser la couleur subjective, une forme déchirée d'un jaune pâle et brillant avec un cerne orange sur la nuit. Un halo qui joue avec l'autre, et s'efface. Le mauve est revenu à sa place, il s'y forme et s'y déforme, flotte, fond, flambe, fait comme une nacelle sur des flots foncés. Puis c'est à nouveau les ténèbres où cherche son chemin une vieille feuille verte, mouillée, roulée, recroquevillée. Marie-Noire vient de comprendre quelque chose: la couleur qu'elle cherche, ce n'est pas Périgueux, c'est elle-même, la couleur que son oeil invente (nous ne sommes rien, ce que nous cherchons est tout) tout se passe comme s'il y avait entre elle et la lampe une rivalité de lumière. Et brusquement elle s'écrie: "mais qu'est-ce que c'est ces pommes rouges Philippe? (..........) Je t'avais dit de prendre des golden."
Qu'est-ce que tu fais dans le noir à écouter Brel? Agnès n'est pas encore là?" dit Philippe, qui allume et jette ses provisions sur la table, toute la couleur de ses provisions, le papier roux des biscottes, les sachets de soupe à chromos, le carton bleu mou du sucre, le sac de pommes. Tiens, c'est vrai, c'était Brel. Marie-Noire ouvre difficilement les yeux et l'électricité l'éblouit. Elle baisse les paupières et voit danser la couleur subjective, une forme déchirée d'un jaune pâle et brillant avec un cerne orange sur la nuit. Un halo qui joue avec l'autre, et s'efface. Le mauve est revenu à sa place, il s'y forme et s'y déforme, flotte, fond, flambe, fait comme une nacelle sur des flots foncés. Puis c'est à nouveau les ténèbres où cherche son chemin une vieille feuille verte, mouillée, roulée, recroquevillée. Marie-Noire vient de comprendre quelque chose: la couleur qu'elle cherche, ce n'est pas Périgueux, c'est elle-même, la couleur que son oeil invente (nous ne sommes rien, ce que nous cherchons est tout) tout se passe comme s'il y avait entre elle et la lampe une rivalité de lumière. Et brusquement elle s'écrie: "mais qu'est-ce que c'est ces pommes rouges Philippe? (..........) Je t'avais dit de prendre des golden."
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p214/215
Ah toutes les langues humaines, langues de chasseurs, de trafiquants, de chercheurs de camphre, de hauts fonctionnaires dont est le syllabaire à l'épreuve du feu, langue du bagne ou des barques, langue des longs cheminements au désert ou du temps perdu dans les forêts, langue de tromperie ou langues de troc, langues de sommeil et langues de langueur, langue du prince et langue du mépris, langue de cour ou langue de cérémonie, langues de circoncision, langues de cruauté, échos, appels, cris de haleurs, geindre des porteurs d'eau, ahan des sculpteurs de pierre, ô chose gutturale dans la nuit des hommes! toutes les langues dans toutes les bouches, leur impuissance à dire la femme...ce vent du torse en moi qui monte et vire et ne trouve point issue...et toi douceur qui n'as d'autre loi qu'un vertige, syntaxe que babultiement, vers qui les mots prennent chant de liturgie, confondant le plaisir et le sanglot, ô disparue, et ma vie à tâtons n'est que vain espoir de toi...cet évanouissement de toi...ce monument d'absence où tout n'est plus que symbole, abstraction tombale, croix, colombes, fleurs de perles, inscriptions d'audelà, langage infernal..."allô, allô...crie Marie-Noire, que dîtes vous , là-bas, je n'entends pas, y a toute sorte de bruit dans l'appareil, comme si quelqu'un pleurait...parlez-plus fort!"
Ah toutes les langues humaines, langues de chasseurs, de trafiquants, de chercheurs de camphre, de hauts fonctionnaires dont est le syllabaire à l'épreuve du feu, langue du bagne ou des barques, langue des longs cheminements au désert ou du temps perdu dans les forêts, langue de tromperie ou langues de troc, langues de sommeil et langues de langueur, langue du prince et langue du mépris, langue de cour ou langue de cérémonie, langues de circoncision, langues de cruauté, échos, appels, cris de haleurs, geindre des porteurs d'eau, ahan des sculpteurs de pierre, ô chose gutturale dans la nuit des hommes! toutes les langues dans toutes les bouches, leur impuissance à dire la femme...ce vent du torse en moi qui monte et vire et ne trouve point issue...et toi douceur qui n'as d'autre loi qu'un vertige, syntaxe que babultiement, vers qui les mots prennent chant de liturgie, confondant le plaisir et le sanglot, ô disparue, et ma vie à tâtons n'est que vain espoir de toi...cet évanouissement de toi...ce monument d'absence où tout n'est plus que symbole, abstraction tombale, croix, colombes, fleurs de perles, inscriptions d'audelà, langage infernal..."allô, allô...crie Marie-Noire, que dîtes vous , là-bas, je n'entends pas, y a toute sorte de bruit dans l'appareil, comme si quelqu'un pleurait...parlez-plus fort!"
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p.232/233
Dans ma vie...comme pour Hypérion, Diotima morte, le printemps...l'équinoxe du printemps. (...) A Bali, j'ai vu une grande statue ainsi prise dans les lianes d'un waringhin (...) le langage comme le vent qui effrite la pierre oublieuse du volcan.
p.238
Didongs (...) Qu'y vînmes -nous chercher? Je me le demande parfois avec une inquiétude sourde, au fond de ce pays où le soleil pèse sur les têtes, et qui n'a d'air qu'à remonter là-haut, sur les plateaux au pied des volcans nonchalants. Tout d'un coup les yeux de Blanche se sont tournés vers le ciel et je les suis où la nue se déchire. "Tjeléret" dit une voix profonde d'homme et nous respirons tous comme si, d'avoir nommé l'éclair, la pluie était proche. (...) Et revenant du ciel, les yeux de Blanche semble porter blessure de l'éclair.
Dans ma vie...comme pour Hypérion, Diotima morte, le printemps...l'équinoxe du printemps. (...) A Bali, j'ai vu une grande statue ainsi prise dans les lianes d'un waringhin (...) le langage comme le vent qui effrite la pierre oublieuse du volcan.
p.238
Didongs (...) Qu'y vînmes -nous chercher? Je me le demande parfois avec une inquiétude sourde, au fond de ce pays où le soleil pèse sur les têtes, et qui n'a d'air qu'à remonter là-haut, sur les plateaux au pied des volcans nonchalants. Tout d'un coup les yeux de Blanche se sont tournés vers le ciel et je les suis où la nue se déchire. "Tjeléret" dit une voix profonde d'homme et nous respirons tous comme si, d'avoir nommé l'éclair, la pluie était proche. (...) Et revenant du ciel, les yeux de Blanche semble porter blessure de l'éclair.
p301
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Un homme, ça entre dans votre lit, mais pas dans ce qu'on pense. (...) Autant être jaloux d'Holderlin. Un livre ou un homme, c'est pour le temps perdu. Puis j'arrive. Elle le pose. Le livre, s'entend. L'homme, elle l'oublie. Le livre. C'était peut-être Trilby. Et quand ça serait Sjekspir!
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p304 à 307 c'est parti, (on croirait un essai de Claude Hagège l'homme qui parlait 80 langues) (on croirait à du Roland Barthes)
Toute ma vie n'aura été qu'un jeu prolongé. Ce goût que j'ai des parlers humains...et même j'ai eu la tentation d'aller au-delà, de proche en proche. Il ne me suffisait pas d'abord de comprendre les hommes que je pouvais rencontrer par leur langage, comme un joueur de ping-pong que ronge l'ambition de se faire champion de tennis, je prolongeais les routes de la connaissance, de mon parler natal, aux autres parlers par les veines des mots, leurs modifications, leurs parentés, puis je m'étais mis à provoquer mon ignorance, à me consterner de mes frontières, à secouer les bornes de mon pauvre savoir, à interroger d'autres groupes humains, leurs yeux devant moi vides, l'incompréhensible du bruit qu'ils font avec leurs lèvres, qu'aucun lexique ne permet de comprendre, si d'abord on ne connaît pas leurs moeurs, leurs religions, leurs rêves, le sol de leur pays, leurs volcans, les catastrophes des eaux, les bêtes inimaginables de leurs forêts, les oiseaux de leur ciel...et puis même à distinguer les dialectes d'une île, les vocabulaires mêlés, les reflets de sociétés dont la coexistence est comme le kaléidoscope des siècles, les centaines, les milliers de langage dont le vertige me prenait non pour l'étendue de leur domaine, mais des écarts comme crevasses entre eux, et j'étais devenu cette passion, cette soif sans limites, j'étais la victime consentante d'une drogue sans nom, d'un besoin vital, lequel ne me permettait jamais de m'arrêter, de me reposer l'esprit à faire halte entre deux tribus quelques part, dans une oasis sans paroles, où j'aurais pû regarder un instant le monde comme une bande dessinée. Je ne pouvais plus passer la main. Je criai banco à tous les mystères de l'homme, et je n'acceptais pas de perdre.
J'avais dans mon propre pays des retours d'épouvante: une absence de trois ou quatre ans et déjà mon propre langage, celui de mon enfance, était de partout lézardé, les mots avaient changé de sens, il en était poussé de nouveaux devant qui je m'interrogeais, jamais sûr de comprendre pleinement, comme des chemins ouverts pour lesquels il n'y a pas encore de cartes géographiques. Tous les phénomènes du langage, ceux de la syntaxe, les variations orthographiques, me jetaient à la terreur. En vain, j'essayais de me tromper, à établir des règles à mon jeu, à feindre qu'elles avaient toujours existé, une sorte de hiérarchie des problèmes, distinguant entre les langues à proprement parler, à la rigueur les dialectes, mais rejetant dans une zone sans noblesse les milliers et les milliers d'argots, décidant de négliger ces langues de Sioux des voleurs, des artistes, des étudiants ou des métiers. Et puis je me rendais compte de la tromperie que cela constituait de ma part à mes propres yeux. Tout le reste, tout ce que j'avais acquis, tout ce que j'avais pénétré, était miné par ce manque à savoir, perdait toute valeur réelle, j'étais envahi par les sables d'un désert, je me sentais le sauvage qui croit connaître les mathématiques parce-qu'il s'est donné un nom numérique pour chacun de ses doigts. Il m'arrivait de penser que ce n'était pas seulement dans le groupe humain qu'il décrit qu'un langage a sa raison d'être, mais plus sûrement dans sa valeur de communication? Je veux dire, probablement, je veux dire que je me sentais comme l'enfant, constamment comme l'enfant qui apprend à parler sa première langue, encore chargée de rien de ce qu'elle sera pour lui, adulte ou avant de l'être, puisqu'il est en réalité réduit à quelques fonctions naturelles, qu'il n'a accès à aucun des concepts sociaux ou sexuels qui sont la syntaxe mentale de l'homme partout. Devant chaque langage, et devant chaque convention d'échange, imposée par des conditions de vie différentes, les révolutions ou les machines...je n'en finirais pas. (...)
p 308 Le langage, j'ai beau me jurer qu'il ne relève pas de la sorcellerie
p309 Devant l'être le plus proche, la créature ouverte à mon âme, ou je le croyais, ma tentation du jour et de la nuit, mon but, ma femme, j'étais soudain comme la main devant le miroir qui croit toucher une main et ne touche que le mur de verre. Même ce langage de nous, celui qu'a formé le vivre à deux, au bout du compte était un mur de verre, un trompe-l'oeil (ou l'oreille) par quoi l'échange est feint, les mots ne vont qu'à mi-chemin et me reviennent, humiliés, comme d'avoir heurté la cloison qui nous sépare. J'ai mis longtemps à le comprendre. Et que parler même était silence. (...)
Avoir ainsi cru tenir, savoir démonter, remonter le mécanismes des paroles, découvrir le Sésame variable d'autrui, des millions d'autrui, les modes à l'infini variés de l'expression des choses d'où qu'on les voie, pour éprouver l'impénétrabilité du seul être qui semblait partager mon être.
Toute ma vie n'aura été qu'un jeu prolongé. Ce goût que j'ai des parlers humains...et même j'ai eu la tentation d'aller au-delà, de proche en proche. Il ne me suffisait pas d'abord de comprendre les hommes que je pouvais rencontrer par leur langage, comme un joueur de ping-pong que ronge l'ambition de se faire champion de tennis, je prolongeais les routes de la connaissance, de mon parler natal, aux autres parlers par les veines des mots, leurs modifications, leurs parentés, puis je m'étais mis à provoquer mon ignorance, à me consterner de mes frontières, à secouer les bornes de mon pauvre savoir, à interroger d'autres groupes humains, leurs yeux devant moi vides, l'incompréhensible du bruit qu'ils font avec leurs lèvres, qu'aucun lexique ne permet de comprendre, si d'abord on ne connaît pas leurs moeurs, leurs religions, leurs rêves, le sol de leur pays, leurs volcans, les catastrophes des eaux, les bêtes inimaginables de leurs forêts, les oiseaux de leur ciel...et puis même à distinguer les dialectes d'une île, les vocabulaires mêlés, les reflets de sociétés dont la coexistence est comme le kaléidoscope des siècles, les centaines, les milliers de langage dont le vertige me prenait non pour l'étendue de leur domaine, mais des écarts comme crevasses entre eux, et j'étais devenu cette passion, cette soif sans limites, j'étais la victime consentante d'une drogue sans nom, d'un besoin vital, lequel ne me permettait jamais de m'arrêter, de me reposer l'esprit à faire halte entre deux tribus quelques part, dans une oasis sans paroles, où j'aurais pû regarder un instant le monde comme une bande dessinée. Je ne pouvais plus passer la main. Je criai banco à tous les mystères de l'homme, et je n'acceptais pas de perdre.
J'avais dans mon propre pays des retours d'épouvante: une absence de trois ou quatre ans et déjà mon propre langage, celui de mon enfance, était de partout lézardé, les mots avaient changé de sens, il en était poussé de nouveaux devant qui je m'interrogeais, jamais sûr de comprendre pleinement, comme des chemins ouverts pour lesquels il n'y a pas encore de cartes géographiques. Tous les phénomènes du langage, ceux de la syntaxe, les variations orthographiques, me jetaient à la terreur. En vain, j'essayais de me tromper, à établir des règles à mon jeu, à feindre qu'elles avaient toujours existé, une sorte de hiérarchie des problèmes, distinguant entre les langues à proprement parler, à la rigueur les dialectes, mais rejetant dans une zone sans noblesse les milliers et les milliers d'argots, décidant de négliger ces langues de Sioux des voleurs, des artistes, des étudiants ou des métiers. Et puis je me rendais compte de la tromperie que cela constituait de ma part à mes propres yeux. Tout le reste, tout ce que j'avais acquis, tout ce que j'avais pénétré, était miné par ce manque à savoir, perdait toute valeur réelle, j'étais envahi par les sables d'un désert, je me sentais le sauvage qui croit connaître les mathématiques parce-qu'il s'est donné un nom numérique pour chacun de ses doigts. Il m'arrivait de penser que ce n'était pas seulement dans le groupe humain qu'il décrit qu'un langage a sa raison d'être, mais plus sûrement dans sa valeur de communication? Je veux dire, probablement, je veux dire que je me sentais comme l'enfant, constamment comme l'enfant qui apprend à parler sa première langue, encore chargée de rien de ce qu'elle sera pour lui, adulte ou avant de l'être, puisqu'il est en réalité réduit à quelques fonctions naturelles, qu'il n'a accès à aucun des concepts sociaux ou sexuels qui sont la syntaxe mentale de l'homme partout. Devant chaque langage, et devant chaque convention d'échange, imposée par des conditions de vie différentes, les révolutions ou les machines...je n'en finirais pas. (...)
p 308 Le langage, j'ai beau me jurer qu'il ne relève pas de la sorcellerie
p309 Devant l'être le plus proche, la créature ouverte à mon âme, ou je le croyais, ma tentation du jour et de la nuit, mon but, ma femme, j'étais soudain comme la main devant le miroir qui croit toucher une main et ne touche que le mur de verre. Même ce langage de nous, celui qu'a formé le vivre à deux, au bout du compte était un mur de verre, un trompe-l'oeil (ou l'oreille) par quoi l'échange est feint, les mots ne vont qu'à mi-chemin et me reviennent, humiliés, comme d'avoir heurté la cloison qui nous sépare. J'ai mis longtemps à le comprendre. Et que parler même était silence. (...)
Avoir ainsi cru tenir, savoir démonter, remonter le mécanismes des paroles, découvrir le Sésame variable d'autrui, des millions d'autrui, les modes à l'infini variés de l'expression des choses d'où qu'on les voie, pour éprouver l'impénétrabilité du seul être qui semblait partager mon être.
Quelques illustrations des passages

ikeya Seki

à Périgueux

waringhin à Bali

waringhin en France


chapitre un perpétuel mourir
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p391
Vieil homme, quel tourbillon t'abat, quelle violence du temps sur toi soudain, qui te prend au cou des idées comme un étrangleur, un jeune étrangleur de passage, entre deux train. L' heure de la violence carillonne où meurent et naissent les mots.
p.392
Il s'est consumé dans moi, depuis que je n'ai plus écrit un mot de cette histoire un temps que je mesure mal, comme à rentrer chez soi quand l'horloge électrique, pendant qu'on était dehors, a subi des pannes, dérangements ou grèves, un temps inégal, un temps à extra-systoles, un temps de sommeils hors du temps, d'insomnies qui dilatent les heures, un temps sans repères, inutile un temps bafouillé, un temps d'oubli en oubli, un temps (à croire les journaux à leur date) qui peut bien être cinq mois? Cinq mois d'amnésie, dont rien ne reste, pas même la cendre, avec ce vent que cela fait d'ouvrir les yeux, un temps comme une longue respiration retenue. Sans doute ai-je été malade. Jusqu'à la fin mai; semble t-il, ou qu'est-ce que cela chante en moi:""""" c'était à la fin de mai quand rougit l'ancolie"""""".
Ce vers que j'ai dans la tête...De quel mai, de quelle fin de mai s'agit-il, c'était à la fin d'une guerre, autant que d'un mois de mai. Quelle guerre? J'ai oublié quelle guerre. Il y en a tant pendant la vie de Geoffroy Gaillier, des guerres...et que peut-être n'est pas besoin d'un mai finissant pour rougir l'ancolie qui vient d'Aquilée et qu'on nomme aussi bien gant de Notre-Dame ou fleur du parfait amour. L'angorie; disait Eustache deschamps, comme d'une gorge soudain où je porte la main d'angoisse...
p.404
Quand j'étais jeune, je me plaisais à dire que toute pensée est une bouteille à la mer. Elle prend le temps comme une voile le vent. Les aléas de la vague. La traversée sans port que d'échouer. Toute ma jeunesse, je l'ai jouée sur le geste de la bouteille lancée. Même avec Blanche.
p422
Les phrases défaites comme des chevelures, les syntaxes brisées, la chanson morte, kaléidoscope des cris, douleurs comme un pain partagées, apocalypse dans une goutte d'eau
Vieil homme, quel tourbillon t'abat, quelle violence du temps sur toi soudain, qui te prend au cou des idées comme un étrangleur, un jeune étrangleur de passage, entre deux train. L' heure de la violence carillonne où meurent et naissent les mots.
p.392
Il s'est consumé dans moi, depuis que je n'ai plus écrit un mot de cette histoire un temps que je mesure mal, comme à rentrer chez soi quand l'horloge électrique, pendant qu'on était dehors, a subi des pannes, dérangements ou grèves, un temps inégal, un temps à extra-systoles, un temps de sommeils hors du temps, d'insomnies qui dilatent les heures, un temps sans repères, inutile un temps bafouillé, un temps d'oubli en oubli, un temps (à croire les journaux à leur date) qui peut bien être cinq mois? Cinq mois d'amnésie, dont rien ne reste, pas même la cendre, avec ce vent que cela fait d'ouvrir les yeux, un temps comme une longue respiration retenue. Sans doute ai-je été malade. Jusqu'à la fin mai; semble t-il, ou qu'est-ce que cela chante en moi:""""" c'était à la fin de mai quand rougit l'ancolie"""""".
Ce vers que j'ai dans la tête...De quel mai, de quelle fin de mai s'agit-il, c'était à la fin d'une guerre, autant que d'un mois de mai. Quelle guerre? J'ai oublié quelle guerre. Il y en a tant pendant la vie de Geoffroy Gaillier, des guerres...et que peut-être n'est pas besoin d'un mai finissant pour rougir l'ancolie qui vient d'Aquilée et qu'on nomme aussi bien gant de Notre-Dame ou fleur du parfait amour. L'angorie; disait Eustache deschamps, comme d'une gorge soudain où je porte la main d'angoisse...
p.404
Quand j'étais jeune, je me plaisais à dire que toute pensée est une bouteille à la mer. Elle prend le temps comme une voile le vent. Les aléas de la vague. La traversée sans port que d'échouer. Toute ma jeunesse, je l'ai jouée sur le geste de la bouteille lancée. Même avec Blanche.
p422
Les phrases défaites comme des chevelures, les syntaxes brisées, la chanson morte, kaléidoscope des cris, douleurs comme un pain partagées, apocalypse dans une goutte d'eau

chapitre tout l'orge de l'avenir
p.453
Spoiler
Le problème, c'est le poème ou le roman, ça, c'est un grand ensemble! et pour arriver de bout en bout, faudrait pas souffrir d'amnésie sémantique, sans quoi, "A la recherche du temps perdu"...vous voyez ce que ça donne? Le temps perdu, cette expression a changé de caractère depuis Proust.
p596 la dernière page
Spoiler
Pas besoin de s'appeler Thérèse. Ou Blanche. Toutes ces Thérèse ne sont qu'affaire de rêves. Tout dans la vie n'est qu'affaire de rêves. Les rêves sont à l'image fuyante de ce que nous cherchons. Les rêves sont peut-être tout. Les rêves qu'on écrit dans des cahiers d'écoliers, même en ayant passé l'âge. Et rien, à partir d'un beau jour, un jour de la mi-juin, n'est plus que rêves. Ne sera jamais rien d'autre, jamais plus que des rêves? Avez-vous déjà rêvé de la douleur? La douleur est une hypothèse...j'ai dit quelque part quelque chose de ce goût là. Il y a des hypothèses à quoi l'on tient, d'autres qu'on abandonne...à toi, bonsoir bonsoir, Thérèse! Les plus belles hypothèses sont des rêves abandonnés. Comme des enfants au porche des églises. Ou, sur un banc d'une plage un gant, et la mer à marée basse au loin refait le bruit éteint des baisers.