Petite question: faire parvenir une nouvelle à Saez

A l'heure de la guerre, des champs d'horreur, faire de la terre un champs de fleurs.
Venez partager votre Art.
Oliv
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Inscription : 24 janv. 2023, 14:18

Bonjour à tous!
Suite à recherches infructueuses et discutions sympas sur le forum petite questions il semble improbable d'envoyer quoi que ce soit à Saez... Je résume ce que j'ai écrit là: je commais une nouvelle destinée à un concours, dans laquelle je cite l'oiseau liberté. J'aimerais bien avoir l'avis de la communauté faute du siens. J'y connais rien en réseaux sociaux, mais pas la peine de faire le troll car j'avais déjà plus de dignité à perdre avant de me lancer, donc plus rien à en foutre. Voyez!
Oliv
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Sainte Liberté

Elle se rappelle son arrivée au village, pleine d’enthousiasme et de projets… Qu’est-ce qui a bien pu dérailler ? Elle chantait L’oiseau liberté de Saez en reprenant la route :
« …S'il faut mourir d'amour mourir de liberté
Partir comme un oiseau qui s'en est envolé
Alors oui que je meure comme un drapeau dressé
Une rose tendue face aux fusils pointés
Une rose en martyr pour nos humanités… »
Elle se savait belle, grande et mince, le teint très pâle que contrastait ses cheveux noirs et bouclés. C’était une des raisons pour laquelle il lui avait toujours fallu mettre de la distance avec les mâles. Ils sont bien trop nombreux à être incapables de faire la différence entre désirer et s’emparer… Dés son plus jeune âge elle avait souhaité apprendre des sports de combats afin de garantir son indépendance. Elle se faisait appeler Sauterelle lors de ses rares relations avec l’espèce humaine, n’ayant pas de famille ni d’attaches. Enfant de l’orphelinat, elle l’avait quitté à sa majorité sans se retourner. Elle était nomade en marge, se lassant vite, elle reprenait sa marche libre et sauvage. Ayant peux de besoins, peu d’envies en fait, le reste lui importait peu. Au fond, quand le monde avait basculé dans la panique généralisée par le Grand Blackout, elle était déjà prête à faire avec. La disparition totale des réseau électriques avait généré l’effroi collectif, alors qu’internet avait été coupé, interdisant toute communication. Que cela soit la faute de hackers Russes ou Chinois, d’une ou l’autre de ces guerres, elle s’en foutait. En revanche, le dernier qui avait tenté de profiter de son corps dans le chaos ambiant avait été laissé pour mort d’un coup de tatane au crâne contre une poubelle qui débordait. Elle lui avait remis les idées en place. Définitivement. C’est parce qu’ils étaient trop nombreux à se comporter ainsi qu’elle avait quitté la ville pour s’engager sur les coteaux. Manger était moins facile mais elle avait des réserves dans son sac à dos, et puis il y avait moins de gens, donc d’abrutis. C’était l’eau qui était la plus dure à trouver. L’eau potable, car elle en avait déjà bu dans un ruisseau qui l’avait rendue malade. Ce qui l’inquiétait le plus, c’était les miliciens qui s’étaient armés dans les stocks stratégiques de la police. Ils devaient y avoir quelques complices, et confisquaient les ressources tout en enfermant les étrangers et les récalcitrants dans des camps réputés mortels. Aussi, quand elle apprit qu’un village du Lauraguais résistait à leur emprise arbitraire, elle s’était dirigée vers ce havre pour savoir de quoi il en retournait. Il lui fallut quelques jours de marches, à zigzaguer seule sur les coteaux. Elle arriva enfin en vue d’un village perché sur une colline, au milieu des champs et des forêts. Il avait été rebaptisé Sainte Liberté sur le panneau tagué et un immense fossé antichar le protégeait à l’entrée. C’était le printemps, le blé poussait dans les champs et le soleil magnifique lui donnait de l’élan. Elle ne savait pas vraiment si la compagnie de ces gens serait supportable, mais à vingt-cinq ans on a le droit d’essayer, et de se planter, car il sera toujours possible d’aller plus loin.
Elle déboucha dans la rue principale qui serpentait entre deux rangées de maisons cernées de hauts murs. Des zones calcinées, des douilles et des cratères sur le bitume, ainsi que des taches plus sombres sur le sol suggéraient que le sang avait coulé. Cent mètres plus loin se trouvait un grand bâtiment dont la pancarte annonçait : Salle des Fêtes, mais d’où ne sortait pas de musique, plutôt des bruits de débats animés. Elle en poussa la porte pour voir plusieurs centaines de personnes de tout âge se quereller. Son arrivée eu plus d’effet, que la femme qui leur criait de se taire. D’autant que sa taille avait l’avantage, et l’inconvénient, de la rendre facilement visible. Elle faillit se retourner pour s’enfuir face à cette foule qui la dévisageait, quand la cheffe se leva de son bureau pour l’accueillir en souriant : « Bienvenu à Sainte Liberté. Je suis Françoise, la Maire. Nous sommes entrain d’essayer de nous accorder pour assurer notre défense face à la milice. » Elle répondit nerveusement qu’elle était venue voir ça : « Je sais me battre », répondit-elle simplement en faisant glisser le sac de son épaule. Puis elle effectua un coup de pied sauté rotatif, très allongé. Elle se rétablit très droite, altière, et reprenant son sac descendit les quelques marches qui la séparait du public. Un gars en profita, la voix forte mais posée, et leva la main pour proposer de démonter les clôtures afin de fabriquer des barbelés. « C’est du boulot, mais si on en met derrière les fossés ils pourront pas passer. Alors ils vont bien en chier sous nos tirs ! » Il y eu pas mal de boucan, mais la proposition obtient la quasi-unanimité des participants. Le problème principal fut de déterminer qui devait sacrifier la sienne, chacun ayant une raison pour ne pas le faire. Il fut le premier à la donner, puis sortir droit dans ses bottes.
Fatiguée de tout ce bruit, intriguée par l’individu, elle sortit aussi. « Bonjour », fit-il en la voyant, « moi c’est Alex, et toi ? » Sauterelle répondit-elle, « sympa ton idée, mais ça va être un joyeux bordel dans le bled. » « Sûrement, mais c’est parce qu’on est solidaire et malins qu’on tient depuis le début. On se laisse pas faire. C’est ce qui attire les gens comme toi… » Elle écoutait son discours passionné, stoïque et détachée, quand un grand gars tout maigre, au cheveux bruns, court et rare sur le haut du crane sortit avec un grand sourire : « T’as gagné, on va arracher les clôtures. ils passeront pas ces mabouls ! Quel taf de ouf ! » conclua-t-il en agitant ses longs bras comme s’il mimait la masse de travail. Il y avait une profonde complicité dans la façon dont les deux compères, visiblement quadras, envisageaient le process de travail, tandis qu’un troisième, plus petit et râblé, munis de rouflaquettes improbables, apporta des bières artisanales pour un apéro improvisé. Leur amitié sincère : le grand Max, Ju les rouflaquettes et Alex la grande gueule, semblait cimenter l’ensemble par cet exemple naturel et lui donna envie de rester. Elle écoutait chacun émettre des idées au sujet du prochain combat pour protéger le village. N’étant pas du genre à poser des questions, elle finit par s’agacer de n’y rien comprendre : « Hey les guerriers ! Bla bla bla… J’comprends rien et j’ai faim ! C’est possible d’avoir un casse dalle et un endroit tranquille ? » Alex la prit par le bras, qu’elle refusa d’un réflexe agressif : « Je veux juste de quoi bouffer et un coin pour me pieuter. ¡Comprendo ! Il ne s’offusqua de rien, ayant l’air d’accepter la situation, et l’invita gentiment à le suivre, ce qu’elle fit avec méfiance faute d’autres solutions. Elle avait en horreur l’air compassé des gens serviables, ils avaient toujours une idée derrière la tête… Elle le suivit pourtant quand il l’emmena cinq ou six mètres plus loin en ajoutant d’une voix posée : « C’est au bout de la rue. T’inquiète, on en a vu d’autres… » Il lui montra alors l’école de musique, lui disant que d’autres réfugiés mangeaient et dormaient dans ce dortoir et la confia à une bénévole qui l’accueilli très gentiment. Il lui dit qu’ils se verraient demain : « j’habite en face, la porte grise là. T’as qu’à toquer, on te fera manger si ça te va. » Elle s’endormit rapidement après avoir mangé, vaincue par la fatigue du trajet, un peu étonnée elle-même de cette agressivité disproportionnée envers celui qui l’accueillait.
Elle se réveilla seule et crevée, la route l’avait mis sur les rotules en fait. Trouvant une gourde à côté de son matelas elle s’en saisit. Sa bouche sèche et pâteuse accueillit l’eau fraiche avec délice. Regardant autour, elle se rendit compte qu’elle avait zappé son sac hier soir, quelle connerie ! En plus il n’y avait plus personne. Elle finit donc par sortir, et fut aveuglée directement par la lumière intense. Elle reconnut la rue d’hier, se rappelant vaguement qu’il fallait aller en face et toqua à la vielle porte. Une forte odeur de nourriture mijotée au feu filtrait entre les planches disjointes. Entendant des pas lourds sur le plancher, le gars d’hier apparu de l’autre côté du couloir de l’entrée et lui posa la question consacrée : « ça vas ? » Elle répondit qu’oui, qu’elle les remerciait pour la nuit mais qu’elle cherchait son sac. « On vas le trouver, t’inquiète pas. Viens manger et on verra après comment ça se passe. » « Non mais sérieux, je vais déranger... Il faut que je trouve mon sac et que je me casse. Ça vaut mieux comme ça… » Il l’étonna grandement en insistant. « Reste au moins pour le repas, tu rencontreras ma famille. Après on ira chercher ton sac à la mairie et tu ferras ce qui te plaira. On est peu nombreux à savoir se battre... » En plus de l’accueil, c’était la première fois qu’on la valorisait, qu’elle avait une mission en quelque sorte. Cela donnait un autre sens à sa « sur-vie ». Elle répondit « OK » avec un sourire un peu forcé qui éclaira néanmoins son visage fatigué, « en plus ça sent trop bon et j’ai sacrément faim. » « Allez, viens ! » dit-il, et il l’entraina, sans qu’elle oppose de résistance cette fois, dans une grande salle à manger qui sentait le plat mijoté, peuplée d’enfants qui jouaient à cache-cache en riant. Enfin, il l’a fit entrer dans la cuisine et lui présentât sa femme « Bonjour madame, je m’appelle Sauterelle. J’allais partir mais il fait tout pour que je reste manger. Je ne veux pas déranger… » La femme de toute petite taille comparée à elle, châtain clair aux grands yeux bleu, arborait un sourire franc d’une oreille à l’autre. « Pas question, le bourguignon est prêt. » Tout était tellement chaleureusement simple que ses réticences tombèrent comme si elles n’avaient jamais existé. Un verre à la main, l’estomac plein de bonnes choses, elle n’aurait pu rêver existence plus saine, tranquille et paisible. Nostalgie du repas de famille idéal qu’elle n’avait jamais connu. Elle se rappela néanmoins le contexte, c’est-à-dire la nécessité de contribuer à protéger ce havre de paix des milices qui voulaient le piller et imposer leur iniquité. « comment vous découpez les grillages ? » demanda-t-elle à Alex en partant. Il lui expliqua qu’ils avaient remplacés l’électricité par des pédaliers de vélos en utilisant un bouquin de lowtechs. Il lui raconta aussi comment ils filtraient l’eau avec des systèmes d’osmose inversée qui ne laissaient passer que les molécules, ainsi il n’y avait aucun risque pour la santé. Avec de l’ingéniosité il était bien plus facile d’être résiliant dans un village agricole. Alex racontait tout ça en la guidant vers la mairie, saluant au passage des gens qu’il connaissait, ce qui contrastait profondément par rapport aux villes et villages qu’elle avait traversé ces derniers temps. La résistance active soudait visiblement le collectif. Ils passèrent par le jardin fleuri du monument aux mort, sur le socle duquel cinq noms avaient été ajoutés au pinceau rouge au-dessous du titre Guerre pour la liberté. Il devait avoir surpris son regard et lui dit droit dans les yeux, un peu grave : « Tu sais, nous on sait pourquoi on se bat et on accepte les risques. T’es pas obligée de venir. Mais si tu le sens on va prendre nos instructions et nos armes à la Mairie. » Elle acquiesça gravement et ils entrèrent alors dans la salle du conseil qui était une vraie fourmilière, au contraire du silence compassé habituel à ce genre d’édifice. C’était le centre névralgique d’une guerre tactique conçue à l’ancienne. Les talkies-walkies d’enfants grésillaient d’instructions, rechargés grâce aux vélos qui grinçaient. Au milieu se dressait une table avec un plan du village conçu comme un train électrique. « Pour l’instant ils n’ont attaqué qu’au nord », fit-il en montrant la tranchée par là où elle était passée. « Mais on a peur qu’ils s’en prennent à Noueilles », au nord-ouest de l’agglomération, où se trouvait une autre barricade. C’est alors qu’un grand barbu, brun et souriant, s’approcha et vint ajouter une barrière de cure-dents devant la fosse. Il expliqua en souriant : « ça y est, ta barrière est finie ! on va aussi miner les accès des maisons indéfendables » Il s’appelait Antoine, son fils mangeait aussi chez Alex ce midi d’ailleurs. Ils semblaient tous élever leurs gosses en commun ici… Ils lui trouvèrent un logement vacant chez Odette, la voisine d’Alex, et l’embauchèrent dans son équipe, vu qu’il se connaissaient un peu. La vielle dame l’accueillit sans faire de manière, la mettant en confiance, puis lui présenta sa modeste demeure en lui expliquant les horaires de repas. Ils la remercièrent pour avoir le temps de s’équiper avant l’entrainement. La logeuse, assez âgée, gâtisa sur le sport qui était une bonne chose pour les jeunes, surtout avec un bon entraineur… Ils n’eurent pas le cœur de la contredire et partirent en pouffant, déjà un peu complices, faisant des blagues sur leur différence d’âge. Ils se marraient encore en arrivant à l’atelier municipal où était stocké les armes fabriquées au village. C’était un bâtiment exigu, devant lequel trois ouvriers sur des outils-vélos meulaient et découpaient des pièces de métal et de bois dans de grandes gerbes d’étincelles et de copeaux. Il y avait là des rangées d’arcs, d’arbalètes et d’épées de toutes tailles. On se serait crus au moyen-âge. D’autant qu’il se trouvait aussi quelques engins plus gros qui ressemblaient à des catapultes miniatures, et de grosses arbalètes qui ressemblaient à des buggys rétro-futuristes à la Mad Max, faits de pièces de bois et d’aciers de récup sur la base de vélos d’enfant. Alex lui expliqua que ces derniers étaient les balistes dont ils parlaient avec Max et Ju, si elle s’en souvenait. Petit sourire en coin qui lui donnait envie de le frapper. Il ajouta qu’ils avaient imaginés tout ça pour s’opposer aux fusils des milices. Mais qu’ils avaient des projectiles explosifs, fabriqués avec des engrais et des produits chimiques, pour pénétrer les casques et les gillets que la milice avait piqué aux flics. « On serait comme des indiens sinon… mais là on est pas loin d’être à égalité, sauf pour la cadence de tir, accélérée grâce aux pédaliers » lui expliqua-t-il. « Moi, depuis le début je combats avec un vieil arc, et la machette de Guyane que m’a offert un pote. Tu veux faire comment ? » Elle réfléchit un instant, et lui demanda un arc et deux lames courtes. « Ah ! en fait il m’en faut deux de plus pour faire du lancer, j’adore ça… » ajouta-t-elle avec un sourire espiègle. Il sourit lui aussi, conquis, « on vas faire une belle paire au combat, j’ai hâte de voir ça ! » Ils se dirigèrent alors vers le stade de sport, transformé en terrain d’entrainement pour les équipes qui s’y succédaient par roulement. Elle contempla sept hommes et quatre femmes armés de façon hétéroclite, cela ne tenait pas vraiment de la chose militaire…. Ces dernières géraient plutôt les armes lourdes et les soins au combat. comme Caro, la compagne de Max, qui tirait une petite charrette bourrée de flèches, de carreaux et de bandages. On sentait à leur air féroce qu’ils avaient déjà subi l’épreuve du feu. Les hommes portaient arc ou arbalète à l’épaule, et tous avaient une lame plus ou moins longue au côté. La tactique générale était de s’abriter autant que possible derrière les barricades, figurées ici par des bottes de pailles, et d’employer au maximum les armes lourdes et légères que les munitions explosives rendaient bien plus efficace que leurs ancêtres. L’objectif des troupes de chocs était de protéger les tireurs d’un franchissement de la barricade. L’exercice constitua à coordonner les exercices de tir collectifs, rechargement à l’abris, puis nouveau tir, en avançant ou en reculant. Au corps à corps, sa coordination affinée par la pratique lui permettait de parer tout en attaquant, dans des gestes pleins de souplesse et d’aisance qui impressionnèrent. Seuls Alex et Grégory, karatéka blond et sec avaient pratiqué suffisamment pour être efficaces au corps à corps. Après deux heures d’entrainement intensif, il fut vraiment agréable de partager une petite bière ensemble. Les enfants étaient arrivés en sortant de l’école pour encourager leurs parents. C’était très vivant, et cela lui permis de commencer à tisser des liens, même si elle n’était pas la plus douée pour ça. C’était la première fois qu’elle sentait cette camaraderie avec d’autres humains, pensa-t-elle en rentrant chez la petite mamie. Celle-ci avait préparé un repas chaud et roborant et elle se coucha avec un bon livre piqué chez Alex, qu’elle lut à la bougie avant de s’endormir.
Au petit matin elle monta à la suite d’Alex tout en haut du clocher de l’Eglise pour son premier guet. Ce fut éprouvant, en revanche la vue dégagée sur les collines était à couper le souffle. Mais que c’était long et monotone de scruter ainsi des routes vides… Elle chantonnait la chanson qui lui trottait dans la tête depuis un moment :
« Un jour l'oiseau m'a dit comme un souffle printemps
Qu'un jour prochain oui sur la terre de nos enfants
Il n'y aura plus la guerre il n'y aura plus le sang… »
Elle fredonnait en regardant de temps en temps dans les jumelles, presque pour faire semblant vu qu’Alex faisait pareil. Elle se demandait d’ailleurs s’il lui faisait confiance, vu qu’il passait derrière elle, ce qui la mit en colère. Qui était-il pour douter d’elle ? Elle s’usa alors tant les mirettes qu’ils finirent par lui brûler. Alex se détendit en la voyant se frotter les yeux et la fin de leur garde se passa bien plus vite tandis qu’ils échangeaient des bribes de leurs vies, ce qui les rapprocha. Elle trouvait bien agréable de marcher en silence avec lui pour récupérer leurs affaires et rejoindre le front où les attendaient le reste de l’équipe. Ils étaient déjà sur place derrière les barbelés, chacun à son poste, détendus mais prêts à tout. Des blocs de bétons et des rangées de sacs de sables étaient entassés au sol comme les bottes de pailles à l’entrainement. Deux triangles de trois rangs parallèles pour former une ligne de replis au cas où... La catapulte que servait Lucie, la compagne de Ju était à l’abris derrière la pointe du premier. La baliste se trouvait devant, et pointait vers le haut de la pente. Soudain le talkie-walkie grésilla, pour annoncer d’une voix laconique, déformée par le haut-parleur de ce jouet d’enfant : « deux camionnettes attaquent Noueilles par Pouze, je répète, deux camionnettes attaquent Noueilles par Pouze. J’envoie Sud-3 en renfort. Françoise, terminé. » Bientôt surgit le bruit sourd d’une forte explosion qui fit sursauter tout le monde, puis deux plus faibles. Lucie était blême, car c’était son compagnon qui dirigeait la troupe se dirigeant vers ce front animé. Les tirs se firent plus sporadiques, puis cessèrent tout à fait tandis qu’une colonne de fumée s’élevait dans le ciel paresseux. « Des nouvelles ? » demanda Alex dans le talkie. Quelques minutes d’attente anxieuses avant la réponse concise : « Ils ont détruit une camionnette, fait six morts et perdus trois des leurs… » Après ce test, les milices les laissèrent tranquille quelques semaines, peut-être parce que jugé trop bien défendu… Les journées se poursuivirent ainsi tranquillement, d’entrainements en guet, puis en garde, de rencontres en découvertes des habitants grâce aux repas partagés qui les soudaient corps et âmes. Elle eut le temps d’être apprivoisée par son équipe, de se rapprocher de plus en plus d’Alex aussi, avec qui elle avait de longs débats littéraires enflammés sur les livres qu’il lui prêtait, parfois des conflits tactiques qui faisaient jaser : « C’est qui cette nouvelle qui contredit le chef ? Elle a du toupet, mais pas toujours tort la Sauterelle… » Quand elle sortait de sa coquille c’était une vraie teigne, elle le savait car cela l’avait souvent desservi dans le passé. Pourtant Alex avait suffisamment de recul pour la prendre telle qu’elle était : Passionnée, entière, malgré la remise en cause de son autorité pour prouver sa valeur. Cela était parfois source de tensions qu’apaisaient Lucie, la maman du groupe, fine psychologue. Son bon sens, son empathie et l’expérience nécessaires à la survie en famille aidait toute l’équipe à se souder.
Un matin de Mai, le rossignol aurait pu chanter. On n’entendit qu’une voix tendue sur le talkie annoncer que six fourgons de CRS se pointaient au Nord. En arrière-plan ça criait : « Putain, y’en a aussi plein vers Noueilles ! » le petit village attaqué appela à l’aide désespérément sur la ligne pleine de fritures. « Le temps que les renforts arrivent il faudra tenir en sous-effectif », voilà la sentence terrible d’Alex, avant qu’il distribue rapidement les ordres à la troupe, visiblement angoissée : « ils ont décidé de nous briser une bonne fois pour toute ?» ajouta-t-il, puis gueula : « ¡No pasarán!», les galvanisant de leur cri de combat. C’était leur guerre d’Espagne personnelle, ils se battaient pour leurs terres, leurs enfants et leur avenir à tous. Pourtant, quand les fourgons apparurent dans le virage ils n’en menaient pas large. La catapulte, pointée par Lucie, fit des miracles, ce qui libéra les vivats libérateurs des barricades. La baliste détruisit sa cible comme à l’entrainement. Sauterelle étreignait son arc à en avoir les phalanges roides, il en restait encore beaucoup trop par rapport à eux. Elle en avait des sueurs froides. Le reste de l’action passa comme dans un rêve, se relever pour tirer puis se cacher, aveugles, derrière le parapet pour recharger. Il y eu des morts et des blessés des deux côtés... Puis les miliciens eurent l’idée de sacrifier les fourgons foutus en les poussant dans le fossé pour leur permettre d’avancer en se protégeant. Ils parcoururent ainsi les vingt mètres qui les en séparaient. Des balles la frôlèrent alors qu’elle touchait peut-être un homme vu les cris de douleurs. Au loin, la canonnade de Noueilles ajoutait un bruit de fond plus sourd sur lequel retentissait le son aigu du tir de la catapulte qui provoquait des dégâts vu les cris d’agonie qui suivirent le fracas de l’explosion. Loin de faire reculer ou se débander les assaillants, il sembla que la colère les fit se reprendre. Sauterelle, excitée comme une puce, réclamait un tir massif pour faire cesser l’avancée tandis qu’Alex, les sourcils froncés, lui fit le geste de se calmer et faire silence. C’est alors qu’il dégaina sa lame en hurlant « ¡No pasarán! », ça galvanisa ce qui restait d’orgueil à leur maigre troupe. Il était bourré d’adrénaline jusqu’à la garde, le regard presque perdu dans un esprit de sacrifice ultime et dérisoire et se relevait pour charger. Sauterelle le retint en lui disant : « Attend qu’ils arrivent, on va les saigner », un air terrible sur son visage d’ange saccagé par les éclats et les fumées. Il lui prit la nuque d’une main ferme puis l’embrassa maladroitement, comme un adolescent. Elle se dégagea de l’étreinte, et ajouta mi-figue mi-raisin : « on verra ça après » tandis que raisonnait l’explosion proche d’un tir. Elle était totalement déstabilisée par ce geste gauche, dont elle avait ressenti toute la tendresse sincère. Soudain, retentis le bruit de tôle froissée du basculement d’un véhicule et celui de leur charge, accompagnée de cris glaçants. Les visages blêmes des quelques premières lignes confirmaient qu’il n’était plus question de reculer sans se faire allumer. Le premier ennemi, baissant la tête derrière son bouclier métallique mit un pied devant le parapet pour l’enjamber. L’explosion pulvérisa son membre en centaine de morceaux de chair et d’os qui arrosèrent tout le monde. Des tirs paraient encore jusqu’à claquer dans le vide. « C’est le moment … » gueula Alex, « Allez !» Il sauta alors sur le parapet, suivis de Sauterelle et de Grégory. Ils attaquèrent en hurlant les cinq ou six qui rechargeaient tous leurs flingues, le premier fut transpercé par une lame lancée par Sauterelle d’un geste fluide. Précise comme si elle dansait, elle abattit sa lame sur un casque et allait l’achever quand le suivant lui donna un coup de matraque sur le haut de sa tête. La longue lame de son voisin le plantât sous le bras et il mourut en crachant du sang. Les derniers semblaient affolés, appelant à l’aide alors qu’une nouvelle explosion ravageait leurs arrières. Alex se jeta alors devant Sauterelle, détournant l’arme de son adversaire et plantât sa lame dans sa gorge. Bref vision d’œil révulsé, puis jet de sang sur son visage. Sans état d’âme, ils se conduisaient comme des machines, ramassèrent les flingues par terres et s’avancèrent rapidement pour achever sans pitié ceux qui courrait en criant derrière la dernière camionnette qui démarrait en faisant crisser l’embrayage. Ils tirèrent tous jusqu’à épuisement des balles…
Alex tomba alors à genoux, épuisé. « Putain ! C’était fou… » dit-il à côté de Sauterelle qui s’était espatarrée. Ils étaient victorieux, mais avec un gout amer dans la bouche, celui de la boucherie. Il tourna la tête vers elle, regardant la blessure qui saignait sur sa tempe. « ça va la belle ? » Elle fit oui du menton, puis lui souris bizarrement, ouvrant la bouche sans que rien ne sorte, et finalement l’embrassa sauvagement comme si rien n’était plus important. Ils fermèrent les yeux, savourant cet instant fugace, hors du temps, où ils ont cru mourir, où ils ont tué ensembles. Cela les rapprochait plus que n’importe quoi d’autre. Ils ne voyaient plus ce qui se passait. Au début personne ne se souciait d’eux, mais Caro ayant fait le tour des blessés et des morts s’approcha lentement, les aperçus s’enlacer passionnément, baissa les yeux puis les laissa en paix. On dit que la proximité de la mort renforce la libido, ça ne rend pas plus malin non plus… Sauterelle lui dit : « Vient, maintenant ! Il faut que je le fasse avec toi, que je sache pourquoi je t’aime autant… » Elle lui prit la main, lui qui ne savait quoi répondre, et l’attira vers la maison piégée la plus proche, qu’ils connaissaient bien pour l’avoir fait. En courant, main dans la main, ils s’échappèrent de ce monde si dur, si cruel, pour entrer au plus vite dans le paradoxe sensuel qui s’était tissé. Evitants les cadavres déchiquetés, ils contournèrent la baraque en ne se lâchant point, même pour ouvrir la porte de la cuisine. Avant de se jeter l’un sur l’autre en une nouvelle étreinte passionnée et désespérée, mêlant les sangs qui les recouvraient avec leurs doigts, leurs langues. Toute l’envie profonde de découvrir leurs corps et leur amour les faisait vibrer d’une impatience malhabile. L’embrassant toujours aussi sauvagement, elle le dirigea résolument vers le canapé poussiéreux qui trônait au salon, dont les volets fermés laissent filtrer deux grands trais de lumières. Elle le jeta alors dessus en riant, provoquant une nouvelle neige qui dansait dans les rayons, tandis que leurs yeux se dévoraient de passion. Dépassés par leurs pulsions primitives, éros et thanatos, leurs deux corps s’harmonisèrent dans un rythme parfait. Comme deux aimants s’attirant violemment, puis se repoussant difficilement avant de se retrouver dans la position initiale, presque soudés. Anéantis, ils restèrent ainsi enlacés un moment avant que, vaincus par la fatigue de tous ces évènements, ils s’endorment ainsi, formant un tableau très beau, peau sombre sur peau claire.
Ils se réveillèrent transits, penauds. Sans un mot malgré un regard doux et complice, ils s’habillèrent et sortirent de la maison par les champs pour éviter celui de la bataille. Sans se concerter, ils ne voulaient juste revoir ce charnier maintenant. Alex pris néanmoins la parole après quelques pas : « Sache que quoi qu’il arrive je t’ai désirée dés le premier jour, sans avoir même l’idée de me l’avouer… » Elle lui prit la main, l’arrêtant dans son élan, au propre comme au figuré, puis le força à la regarder en face : « Je t’ai choisi parce que j’ai écouté mon instinct. Tu m’as fait changer d’avis sur les mecs. Je sais que tu vas en chier, mois aussi, mais y’a rien à regretter, sauf que ce soit trop court… Je t’aimerais toujours quelque part tu sais… » finit-elle en lui mettant la main sur le cœur. Puis elle se mit à pleurer et s’agrippa à lui comme à une bouée, c’est alors qu’il eut un sanglot, en la serrant très fort dans les bras, conscient de l’impossibilité totale de changer quoi que ce soit. Tous ses rêves à s’enfuir avec elle se heurtaient à une notion profondément ancrée de ses responsabilités envers sa femme, ses enfants et le village, même si tous le jugeaient déjà forcément. Elle ne lui avait d’ailleurs rien demandé, consciente que si ce n’était pas mal en soit, cela ne serait pas accepté aussi simplement qu’ils l’avaient vécus. Il faudrait en assumer les conséquences sociales bien assez tôt… Ils ne s’attendaient pas à un comité d’accueil, mais arrivant vers la salle des fêtes, ils trouvèrent un grand feu entouré de nombre d’habitants. Ils déjoignirent leurs mains, saisis par cette incongruité alors que les gens s’étaient rassemblés pour pleurer leurs morts. Elle resta en retrait, contrite, tandis qu’il se faufilait vers la salle, lui jetant un regard gêné. Voyant la tonsure de Max dépasser d’un groupe, il se dirigea vers lui en ignorant ceux qui le regardait de travers pour ne pas s’enfuir. Celui-ci se retourna, sûrement avertit, et lui dit d’une voix basse et étouffée : « Alex, qu’est-ce t’as foutu ? » Il chuchota : « On a manqué un épisode Sauterelle et moi… » Max sortit en lui racontant à voix basse que Noueilles était tombé, que ça avait été un massacre car ils les avaient contournés par les champs. « ça a fait vingt morts chez nous, et plein de blessés… » ajouta-t-il la mine grave. « Mais qu’est-ce que t’as foutu avec la fille ? Ta femme te cherche partout, t’as grave déconné mec ! » avec un petit sourire coquin qui disparut vite quand ils furent interrompus par une voix furieuse, aigüe, au bord de l’hystérie qui hurlait : « Il est où mon mari, qu’est-ce t’as fait salope ?» faisant se retourner toutes les têtes de l’assemblée, grave et réservée jusqu’à présent. A la lumière du feux, Alex voyait sa femme se hausser de toute sa petite taille, penchée vers Sauterelle qui accusait le coup, victime désignée de la vindicte publique, voutée, les yeux pleins de larmes. Il semble que la femme en colère n’ait pas entendu les excuses proférées par la jeune sorcière adultère. Max se reprit en premier et réclama de sa voix tonnante le silence. Reprenant confiance, Sauterelle se redressa, digne, ses larmes ruisselantes reflétaient la lumière fauve des flammes, en arrière-plan d’un ciel écarlate où tombaient les derniers rayons de l’aurore. Elle regarda comme au travers d’Alex et clama d’une voix forte et brisée par l’émotion : « J’ai fauté dans le feu de la bataille, tout est de ma faute. Je m’en vais pour vous laisser en paix. Désolée… » finissant sa phrase, la gorge serrée sur un sanglot, elle tourna les talons, attrapa son sac et pris la route sous le regard d’une assemblée qui ne trouvait pas de mots. Les derniers rayons obliques l’illuminait encore d’une couleur orangée lorsqu’elle tournait vers l’est. Nul n’entendit les profonds sanglots silencieux qui tordait les entrailles d’Alex, nul n’entendit les siens non plus. Effectivement ses projets si magnifiques, si beaux et qui lui avaient tant donné envie de se dépasser avaient d’éraillés. Peut-être trouverait-elle un nouveau départ plus loin, en Ariège, là où on l’avait assurée que la liberté régnait sans concessions... Elle commença alors à chantonner sa chanson préférée, puis l’entonna à plein poumons pour se libérer :
« Ce n'est pas un adieu c'est juste un au revoir
Nos Internationales battront toujours l'espoir
Et si nos frères tombent nous chanterons leur mémoire
Et si c'est sous les bombes que s'écrit notre histoire…»
Oliv
Messages : 7
Inscription : 24 janv. 2023, 14:18

J'ai pas réussi en pièce jointe... Si jamais, j'ai 26000 caractères et il faut que j'en envoie 15000... Je suis ouvert à tous les avis sur ce sujet. L'original en fait 83000 et est prévu pour un roman. J'ai raboté tout ce que je pouvait, maintenant il faut que je coupe. Il parait qu'il y a des plumes ici ;)
J'espère que ça vous plaira :happy4:
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Meduse
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Inscription : 23 nov. 2019, 14:28

J'ai bien aimé le début. Ça m'a rappelé la première fois où je suis allée rencontrer la communauté anarchiste de Longo Maï.

Moins fan de l'ambiance guérilla mais ce n'est qu'une question de goût et d'imaginaire (car dans ce genre de contexte supposé, je pense plus efficace de transformer l'agresseur en allié. Plus il y a de monde dans les champs, plus il y a à bouffer pour tout le monde ! Les armes en dernier recours, avec les plus récalcitrants... la vraie résilience est là. Le "survivalisme" je n'y crois pas.)

J'ai remarqué plusieurs fautes d'orthographes que nous pouvons te corriger déjà. Mais alors pour le cut, va falloir nous mettre une limite, car nous sommes très friands des jeux littéraires ici, faudrait pas que tu te sentes dépossédé de ton histoire :happy5:

Il y a aussi des mots étranges, soit que je ne connais pas, soit qui ne sont pas correctement employés. Des mots soutenus alors qu'une grande partie du texte est trivial, avec de l'argot dans les dialogues... Ça fait bizarre. D'après moi faut choisir un style pour fluidifier la lecture.

Il y a un thème à l'origine de ce concours ou c'est libre ? Quels ont été tes consignes ? (À part le nombre de caractères)
Oliv
Messages : 7
Inscription : 24 janv. 2023, 14:18

Coucou Méduse,

Merci pour ta lecture.
Les règles du concours sont libres à part l'inquipit :
"Elle se rappelle son arrivée au village, pleine d’enthousiasme et de projets… Qu’est-ce qui a bien pu dérailler ? "
Je suis dysorthographique, depuis tout petit on m'a dit que je ne pourrais jamais faire plein de choses, dont mon rêve d'écrivain, mais je m'accroche. Rien à foutre! D'où les fautes sûrement bizarres...

Pour le mélange de langage soutenu et populaire c'est mon côté paradoxal. Normalement ce n'est que le narrateur. Fait-moi des copier collé à la rache des phrases qui te choquent le plus?!

Pour le cut, je sais pas si l'histoire d'amour à l'arrache, qui est le centre de l'intrigue avec l'entrée dans la communauté, sera compréhensible sans Lee guet et l'entraînement. Je ne suis pas sûr que ça suffise d'ailleurs...

Pour la bataille contre les nazillons, c'est un rêve de grand gamin 😊 sûrement partagé par pleins d'autres. Mais t'as raison je garde ton idée pour la suite vu qu'au fond c'est la deuxième partie d'un roman que je profite pour avancer avec le concours 😉
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