Charlotte a écrit : ↑12 avr. 2020, 11:16
À l’exception d’un accident nucléaire majeur, ou d’un virus que l’on contracterait par simple respiration dans l’air, aucune crise sanitaire ne peut justifier l’interdiction de promenades solitaires en forêt, sur des plages, dans les rues… Aucune crise sanitaire ne peut justifier que l’on désigne les citoyen·ne·s comme des coupables en puissance (lorsqu’Édouard Philippe annonce que le gouvernement prend des mesures de confinement drastiques car les citoyens ne sont pas suffisamment dociles, il transforme tout un chacun en délinquant). Aucune crise sanitaire ne peut justifier une politique hyper répressive incluant le survol d’une plage par des hélicoptères, l’interdiction de sortir plus de 20 minutes de chez soi, de s’éloigner de plus de 1km. Aucune crise sanitaire ne peut justifier que l’on ferme les parcs et les jardins publics. Aucune crise sanitaire ne peut justifier que l’on punisse des citoyen·ne·s d’amendes lourdes (jusqu’à 3 500 €) et de prison (six mois) en cas de promenades solitaires. N’importe quel gouvernement soucieux du bien-être de la protection de sa population en cas de crise sanitaire devrait au contraire prendre acte des difficultés personnelles, familiales, psychologiques, sociales considérables qu’entraîne un confinement, et le rendre supportable en invitant largement la population à s’aérer et à sortir se promener, à condition de respecter les mêmes règles de gestes barrières qui sont demandées pour le travail qui, lui, non seulement n’est pas solitaire, non seulement esst autorisé, mais est rendu obligatoire sur rappel du Medef.
Au risque du sentiment d’une humiliation collective, aucune population ne peut comprendre qu’elle soit obligée d’utiliser les transports en commun pour aller travailler, à condition de respecter une distance d’un mètre, mais qu’elle risque la prison si elle va se promener sur une plage, en ne nuisant à personne, en ne mettant personne en danger dans la mesure où elle respecte les mêmes règles que celles imposées dans l’utilisation des transports en commun.
Mais tellement. Mais c'est totalement mais alors pour le coup totalement à l'image de l'organisation interne de l'Etat et tout particulièrement du Ministère de l'Intérieur, contractions à gogo et décisions prises par des incompétents.
A ce jeu-là le peuple français, héritier des lumières, n'est pas le dernier des idiots. 60 millions de marathoniens en devenir, qui, dans cette tyrannie sans limite, trouvent leur liberté dans la jouissance de leur droit fondamental latent : faire du jogging. Pas de démesure à avoir dès lors. Nous serons, à défaut de contracter des cancers de la peau sur ces fameuses plages, à défaut de récolter des champignons radioactifs dans ces belles forêts, tous joggeurs sur la promenade des
anglais idiots. Voilà qui réconfortera nos nouveaux athlètes amateurs.
Ne demandons pas à nos concitoyens de comprendre que l’économie a un enjeu sobrement supérieur à de la bronzette printanière. Après tout, il faut sauver le métier de maître-nageur, actuellement touché de plein fouet par ce confinement injustifié. N’hésitons pas aussi à leur montrer les gestes barrières, à nos sauveteurs : le massage cardiaque s’effectue à un mètre de distance ; le parisien en perdition dans les déferlantes atlantiques doit être rapporté sur la plage sans contact physique.
L’athlète français, égoïste par nature, privilégie sa santé, son bronzage, et sa musculature à toute autre forme de vie. Il défend son obligation gastronomique à ingérer 5 fruits et légumes par jour, justifiant ainsi la visite quotidienne des épiceries du quartier. Rue dl’a faim. L’athlète français est également sujet à des troubles de la mémoire, probablement en conséquence des carences accumulées liées à ses privations, oubliant qu’il avait moqué les « gestes barrières » il y a deux mois, enserrant la vie et propageant son amour jusqu’aux chambres à pressions négatives des hôpitaux. L’athlète français, conseillé par son intelligence supérieure et son expérience soutenue, n’a guère à faire des épidémiologistes, des spécialistes, et des infirmières. Son domaine de compétence, du nutritionnisme à la politologie sans oublier bien évidemment la mycologie, prouve que la liberté personnelle de chacun prévaut sur le bien commun. Adam Smith évoquait la main, le pangolin citerait plutôt le poumon invisible.
Goutons ces bonnes paroles :
« Avec Emmanuel Todd, nous rappelons que « faute d’avoir prise sur l’Histoire, les gouvernants français sont passés « en mode aztèque ». Ils se vengent de leur impuissance au niveau international en martyrisant leurs concitoyens… ». »
Peuple martyrisé, fauché dans son engouement pour les promenades solitaires, conspue le politique quand il le force à courir plutôt que de marcher. Pleure sa liberté quand il ne peut sortir en laisse son lapin de compagnie, s’inquiète de la bonne nutrition des canards sauvages et donc, par extension, de son repas de fin d’année. Applaudit le soignant droit dans les yeux avant d’aller admirer l’architecture « postmodernisme » de son quartier.
L’athlète français, nationaliste dans l’âme, est bien plus arrogant que les 4 milliards de confinés mondiaux. Il sait que le gouvernement français, à l’instar des 80 pays mimétiques, érigera une dictature dès la crise sanitaire passée. Il ne pleure pas ses morts, non, il pleure son amende de 135 euros, il pleure ce jeune de 18 ans condamné à de la prison pour avoir enfreint 14 fois ces règles liberticides, et pour avoir conduit une voiture sans permis et sans assurance alors que la liberté de chacun assure que tout déplacement doit être autorisé (et qu’il ne risquait manifestement rien puisque les routes sont désertées). Pleurons nos amis tombés pour si peu.
Et n’oublions pas que des jours meilleurs se dessinent : nous serons, pour le rendez-vous japonais de 2021, les grands champions des compétitions d’athlétisme, à défaut de d’exporter quelques girolles aux peuples libres.