Le questionnement sur l'écosystème économique de l'Art (avec pour priorités de préserver l'autonomie, l'indépendance, l'authenticité et l'humanité) me semble être central pour DS depuis un peu avant le projet du Manifeste surtout.
Pour en citer quelques extraits.
"l’Artiste est libre. (...) il est là pour surprendre. faire patienter. faire réfléchir. (...) l’idée même de se poser la question sur le prix de l’Art est une aberration de pensée. dans quelle mesure un seul texte ne vaudrait-il pas tout l’or du monde ? selon quelles règles ? ce texte tapissera peut-être la chambre d’un gamin pendant des années ? qui sait, il mènera peut-être à une nouvelle façon de voir l’Homme ? (...) l’art n’a pas de prix. ça c’est certain. il vaut l’infini ou ne vaut rien. mais une chose est sûre, il n’est plus Art s’il est gratuit."
"la tournure d’ignorance et de cacophonie qu’a pris ta toile m’oblige à protéger le sacré de mes mots. en cette période de désacralisation de tout, sauf de l’inculte, il m’est plus que nécessaire de protéger l’essentiel de ce qui fait mon existence, et donc de ce qui fait ces partages extraordinaires d’amour que nous avons pu connaître ensemble et que nous connaîtrons encore. et s’il est certain que ma vie, je n’ai plus besoin de le prouver je crois, n’a jamais été et ne sera jamais la quête de l’argent mais plutôt son dégoût, il est tout aussi certain que je ne laisserai pas l’antre de la bête prostituer mon âme, même seul, contre les grandes machines des nouvelles industries de la perfusion populaire, contre les grands macs de la profusion du tout n’importe quoi,
toutes les grandes offres d’abonnements pour avoir sur la table à manger, le plus possible, toujours plus, (...) eh bien il est l’heure de m’écarter de ces schémas pour protéger mon sacré à moi, les mots et les musiques."
""depuis quand a-t-on estimé qu’on pouvait mettre sous tous les formats la musique au prix du vent ?…au prix du vent ? pourquoi pas ! j’adorerais !!!! mais au prix du vent fasciste qui exploite et ne mène qu’à la disparition de cette espèce autrefois connue sous le nom de poète, artisan etc… pas sous mon toit, société. qu’on ne s’y méprenne pas, avant d’y revenir encore et toujours"
Et mon impression est qu'il tâtonne depuis pour voir ce qui correspond le mieux à ses valeurs, tout en lui permettant de rentrer dans ses frais et surtout de pouvoir dire "Au suivant" pour ses projets. Pas de se faire de la thune mais juste de pouvoir financer la suite. Il me semble qu'il est en permanence et entièrement dans un processus de création, que le reste n'a pas beaucoup d'importance. Il choisit de travailler de telles manières (indépendance, qualités, justes remunerations des personnes avec qui il travaille, etc) ben ça a un prix qui réduit son bénéfice et donc ses possibilités de financer son projet suivant. Mais c'est son choix de bosser de cette manière. On est qui pour se permettre de dire comment il devrait bosser? Quelles valeurs il devrait suivre? Si on est pas en accord avec ce qu'il fait, on suit pas, on passe notre chemin, venir chouiner pour ça c'est des enfantillages, non?
Y'a eu Requiem, puis CCC... Puis les doux mots infantilisant de son avocat... Puis plus grand chose ensuite qui nous laisse croire que c'est un projet qu'il veut encore laisser naviguer.
Y'a eu Mélancolie et La symphonie des siècles, avec un financement qu'on pourrait dire participatif. Et malgré l'ensemble des balbutiements et des casseroles qui s'y sont associé en chemin, c'était plutôt très réussi (j'ai trouvé). C'est le moment éphémère en lui-même (l'expérience du concert) qu'il fallait savourer, celui qu'on ne pourra pas revivre (ndl les concerts et toutes les émotions que ces moments ont déclenchés, comme l'a dit
@Céline), bien que la lecture des recueils ait un effet madeleine de Proust de ouf, un puissant goût de de nostalgie de ces deux concerts émotionnellement incroyables.
Telegram et son histoire de NFT (à laquelle j'ai pas tout compris, mais je peux pas dire que j'y ai mis beaucoup de bonne volonté pour essayer de comprendre ) je le vois différemment. À chaque fois que je l'écoute, j'ai toujours un p'tit sentiment de culpabilité, à savoir c'est quand même hyper égoïste d'apprécier des chansons (aussi magnifiques soient elles) qui n'auraient pas vues le jour sans cette guerre et les souffrances qui en découlent. Du coup, je le comprends dans le sens il veut juste rentrer dans ses frais, et ne pas récupérer de la thune sur le dos de torrents de sang.
Puis y'a Apocalypse, un superbe projet de financement participatif et solidaire (le projet Robin des bois comme l'a dit
@Luc ). On va bientôt découvrir ce que ça cache...
Et puis y'a ce livre, une première édition numérotée, qui semble répondre à une demande de son public vu ce qu'on voit depuis l'arrivée des recueils. Comme Céline, je suis bien loin de cet aspect de collection que je ne comprends pas, mais ça a l'air d'intéresser pas mal de monde! Alors tant mieux si ça lui permet de financer ses projets de cette façon, ça convient aux deux côtés!
Pour ma part, j'ai très (très très) envie de l'ouvrir, de le lire, de découvrir son contenu (c'est quand même pas loin de la culture de consommation qui crée des désirs, et des pulsions consommatrices)...Mais c'est bien le contenu qui m'intéresse et qui fait sens à mes yeux, pas le contenant, c'est l'âme de ce livre, pas l'objet de collection numéroté. Mon désir attendra!
(Et avant de me faire limoger sur la place, cette réflexion n'engage que moi, mes valeurs et mon histoire, je me garderais bien de juger quiconque ayant un avis différent et achetant ce livre de collection).
En aparté, je ne pense pas qu'il n'y ait que les textes de ses cds, ce livre doit contenir d'autres textes (lesquels?) car quand il avait sorti le coffret du Manifeste, il avait été honnête en nous précisant qu'il ne comprenait rien d'autre !
En tout cas, il a l'air de se chercher dans la façon de vivre de son Art, ou plutôt de continuer à faire vivre son Art.
Et tout ce débat m'a fait repenser à ce postcast sur l'économie de l'Art (il commence à dater de quelques années) , que j'avais trouvé hyper pertinent à l'époque.
https://www.radiofrance.fr/francecultur ... me-8625149