en train de lire "plonger" de Christophe One-dit-Biot, le requin est partout, p.88 et p.282/284 entre autres (éd folio) , connexions subliminales avec le titre de la chanson "le requin" antifa...
p.88
Elle conduisait sans un mot. Avec, toujours, montant dans l'habitacle, le requiem de Mozart. Requiem, dont dériverait le mot requin. Requiem est un gros poisson de mer qui dévore les hommes, écrivait Furetière, qui est ainsi nommé parce que, quand on est mordu, il n'y a rien d'autre à faire qu'à chanter le requiem..."
p.282/284 chapitre le polémiste
J'ai regardé Henri. Je ne voulais pas éclater la tête de son invité sans sa permission. Il est intervenu, à nouveau: "on va s'arrêter là, peut-être non?
-Mais pourquoi?" Le polémiste était en transe, le corps baignant dans la marée d'endorphines que secrétait son cerveau dopé au conflit. J'ai dit: "oui on va s'arrêter là."
(...)
Mais il a continué:
"Il faut nettoyer, Et qu'on ne vienne pas me parler d'écosystème. Si les requins disparaissent, ça fera plus de place, après tout, pour les autres prédateurs marins...
- Mais le principal prédateur du requin, c'est l'homme, osa le centriste. On les chasse pour leurs ailerons, n'est-ce pas?...
- ça va, pour dix Chinois qui n'arrivent plus à bander et qui pour se soigner mangent trois ailerons, on va pas appeler Brigitte Bardot...Il faut nettoyer" a t-il dit encore.
Mon seuil de tolérance était enfoncé. Ces mots. Je n'en pouvais plus. Table rase de tout. Les types comme lui n'étaient pas seulement pathétiques, ils étaient dangereux. J'ai explosé. D'une voix calme, mais j'ai explosé. "Avec toi c'est pas compliqué, il faut toujours tout nettoyer: les requins, les bobos, les soixanteshuitardes, les trentenaires...Les Roms, aussi, faut les nettoyer, n'est-ce pas? Et les musulmans? Tu trouves qu'il y en a trop?"
Henri s'est figé. Un silence monumental venait de s'écraser sur la table. J'étais allé trop loin, je le savais. (...) Le polémiste était blême. Il parvint à articuler: "tu ne dis rien Henri?"
Trop facile. J'ai repris la parole. Il était temps de devenir punk, et de l'écraser à coups de tatane.
"J'ai de la peine pour toi, tu sais. Oui, quand je te vois raconter tes conneries, à longueur d'antenne, matin, midi et soir, sur toutes les chaînes, et te gonfler de tes mots, de tes provocations minables, j'ai vraiment de la peine, tu dois souffrir énormément. Alors que quand je regarde un requin, je vois le contraire de la souffrance. Je vois de la liberté, de la beauté, de la fluidité, de l'action, et pas du blabla. Il n'argumente pas, le requin, tu vois. Il ne polémique pas, le requin. Il veut plonger tout au fond de la mer, il plonge. Il veut manger un surfeur, il le mange. Le requin, il est tellement subtil qu'il peut déceler une goutte de sang dans quatre millions de litres d'eau, alors que toi tu te rues toujours sur les mêmes arguments, lourd, grossier, toujours dans la haine."