Anatoline est un prénom provenant de ἀνατολή soit anatolê en grec ancien. Anatolê est une Heure de la mythologie grecque, celle du Lever du Soleil, personnification de l’Aurore. Les Heures étaient les filles de Chronos (le Temps), Anatolê est la deuxième sur douze.
Apollon et les Heures par Georg Friedrich Kersting
Le suffixe -ine signifie « ce qui est issu de », Anatoline veut donc dire qui est issu de l’Aurore, par extension Anatoline est donc celle qui est issu de l’Aurore.
L’aurore est la première lueur du jour, le commencement.
Anatoline peut être aussi apparentée au mot anatole, qui est une succession d'accords musicaux, venant du surnom donné autrefois au squelette des facultés de médecine (de nos jours : Oscar). Ce terme est principalement utilisé dans le jazz où il désigne soit une forme musicale de 32 mesures, soit une progression d'accords sur 2 mesures, appelée cellule-anatole.
Premier sens de lecture : l’amour homosexuel
Dans cette chanson nous baignons dans les Fleurs du mal, d’abord par le rythme semblable à la récitation d’un poème de Baudelaire, ensuite par les multiples références au poème Femmes Damnées sous-titré Delphine et Hippolyte que Damien Saez a déjà partiellement mis en chanson dans Ébauche n°2.
En effet, dans le premier sens de lecture, nous avons là une ode à l’amour homosexuel et des références subtiles dans l’emploi des mots au poème de Baudelaire.
Charles Baudelaire a écrit :Avons-nous donc commis une action étrange ?
---Damien Saez a écrit :Moi j’emmerde tous ceux qui trouvent ça étrange
Charles Baudelaire a écrit :Je frissonne de peur quand tu me dis : "Mon ange !"
---Damien Saez a écrit :Il n’est pas de Dieu mon ange qui condamne le frisson
Charles Baudelaire a écrit : Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer ?
---Damien Saez a écrit :En Enfer avec toi j’irai mille fois plus qu’une
Charles Baudelaire a écrit :Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulut le premier, dans sa stupidité,
S'éprenant d'un problème insoluble et stérile,
Aux choses de l'amour mêler l'honnêteté !
Damien Saez a écrit :Oh non Anatoline l’amour n’a pas de sexe
Que celui de l’amour et tant pis si ça vexe
Les tristes conformismes des coutumes des moutons
Tous les impérialismes de la pensée des cons
Mais se glisse aussi la référence à Rimbaud, et fort probablement à la relation amoureuse que Rimbaud a eue avec Verlaine.
Puisque Une saison en enfer est un recueil de poèmes en prose d'Arthur Rimbaud, et nous avons, notamment dans la seconde partie de la chanson, l’utilisation du champ lexical du diable et du péché tout comme Rimbaud utilise ce champ lexical dans les poèmes de ce recueil.Damien Saez a écrit :Sait faire de l’univers une simple saison
En Enfer avec toi j’irai mille fois plus qu’une
Il est aussi à noter que Rimbaud aurait envoyé un exemplaire du recueil Une saison en enfer à Verlaine alors en prison.
Damien Saez a écrit :D’aimer à cœur ouvert le même sexe que moi
Comme on aime la beauté de retrouver en soi
La liberté d’aller au delà les prisons
Pour faire du verbe aimer oui toujours l’horizon
Deuxième sens de lecture : l’Amour fusion
Par delà l’interprétation du premier sens, on distingue entre les lignes un second sens : l’Amour fusion. Le féminin utilisé pour le féminin des âmes sœurs, des flammes jumelles. La symbolique de l’Amour véritable et du mythe originel de l’Androgyne. La réunion d’une seule âme séparée en deux par l’éclair de Zeus.
Au cœur du ventre, il y a le nombril, et dans le mythe de Platon, c'est qui subsiste de la forme originelle de l’Homme, d’avant la séparation (l’Homme était une boule avec quatre mains et quatre jambes). Puisqu’en remodelant le corps de l'Homme divisé, Apollon laissa les plis de la peau à ce niveau afin de commémorer l’ancienne forme de l’Homme, celle unifiée.Damien Saez a écrit :Dans ce monde qui bat jusqu’au cœur de mon ventre
Petit nombril, que mon penser adore,
Et non mon oeil qui n’eut onques le bien
De te voir nu, et qui mérites bien
Que quelque ville on te bâtisse encore ;
Signe amoureux, duquel Amour s’honore,
Représentant l’Androgyne lien,
Combien et toi, mon mignon, et combien
Tes flancs jumeaux folâtrement j’honore !
Ni ce beau chef, ni ces yeux, ni ce front,
Ni ce doux ris ; ni cette main qui fond
Mon coeur en source, et de pleurs me fait riche,
Ne me sauraient de leur beau contenter,
Sans espérer quelquefois de tâter
Ton paradis, où mon plaisir se niche.
Ronsard
Le miroir représente son propre reflet, par extension, la même âme.Damien Saez a écrit :Si tu es mon miroir je serai l’impossible
Narcisse par Caravage
Une interprétation du mythe de Narcisse est qu'en regardant son reflet il recherche sa sœur décédée, Narcisse serait alors en quête de son être unifié.
Puisque leurs âmes se ressemblent, le sexe est le même, pour en conclure que l’amour n’a pas de sexe, l’amour n’a pas de genre, il est androgyne.Damien Saez a écrit :Pour toi qui me ressembles du même sexe que moi
Oh non Anatoline l’amour n’a pas de sexe
Dans le mythe platonicien, il existe trois espèces d’Hommes :
- Le mâle, qui vient du soleil
- La femelle, qui vient de la terre
- L’espèce mixte, qui vient de la lune
Ce mythe signifie que l’Amour véritable est tout simplement le fait de retrouver sa moitié et de se rassembler.
Ici nous avons la référence au papillon, animal symbolisant l'âme dans de nombreuses cultures, on peut notamment y voir une référence à Psyché, la princesse aux ailes de papillons et terme employé en grec ancien pour désigné l'âme humaine. La lune peut sous-entendre la troisième espèce du mythe platonicien, celle mixte, la réincarnation pour soigner la blessure symbolise la renaissance en un être unique pour être réparé et complet, et enfin l’étreinte est le geste qui permet cette fusion et donc cette atteinte de l’Amour, au-delà de chaque moitié désunie, chaque Moi séparé peut donc s’élever vers un Surmoi unique.Damien Saez a écrit :Qu’en papillons de lune là dans le clair-obscur
Nous nous réincarnions pour soigner la blessure
Et que l’étreinte nous mène bien plus loin que nous-mêmes
Au-delà des âmes, le cœur ne fait qu’un de par l’amour, puisque Anatoline est le lever du jour qui permet la renaissance vers un nouvel être complet et par essence meilleur puisque divin. C’est en fusionnant son Moi dans cet autre Moi que cela est possible.Damien Saez a écrit :D’un seul cœur unifié oui mais d’un feu d’amour
Qui sait faire de l’éternité lever du jour
Quoi de mieux pour renaître ouais bien meilleur que soi
Que de perdre son être à l’intérieur de toi
L'Amour des âmes par Jean Delville
Anatoline est l’Aurore qui fait apparaître la Lumière et c’est dans ses bras que la Renaissance de l’être se fera et permettra l’atteinte de l’Amour, et au-delà celle de la Vérité, ou dans une autre philosophie, du Nirvana.
Bien entendu, ceci est une interprétation personnelle, je vous invite à la compléter ou à partager la vôtre en commentaire
