La première représentation a eu lieu à Paris, au Théâtre du Châtelet en 1911. C’est Nijinski qui dansait le rôle de Petrouchka et Karsavina celui de la Ballerine.
En premier lieu, il est utile de savoir que Petrouchka, peut être traduit par Pierrot en français puisque c’est le diminutif affectueux de Pyotr / Piotr, l’équivalent russe de Pierre. C’est un personnage masculin du théâtre de marionnette traditionnel russe. Il a le rôle d’un bouffon, l’équivalent du Polichinelle italien ou du Guignol lyonnais. C’est donc celui qui se fait battre.
Pour en revenir au ballet, il est décomposé en 4 tableaux :
- Tableau I « La foire du Mardi gras » : L’action se déroule à Saint-Pétersbourg en 1830 pendant une fête populaire du carnaval qui se déroule durant la semaine de Mardi gras (Maslenitsa en Russie). La foule se presse à la foire, et au milieu de multiples attractions, un magicien attire l’attention. Il joue de la flûte et donne vie à trois pantins, Petrouchka, la Ballerine et le Maure, qui entament une danse russe.
- Tableau II « Chez Petrouchka » : Après le spectacle, les trois poupées retournent à leur vie de simples pantins, reclus dans un petit théâtre. Dans sa cellule, Petrouchka, doté de sentiments humains, se lamente sur son sort que seul adoucit son amour pour la Ballerine. Mais celle-ci le rejette.
- Tableau III « Chez le Maure » : Dans la chambre du Maure, la Ballerine cherche à séduire le pantin en dansant. Petrouchka, jaloux, tente d’attaquer le Maure qui le met dehors.
- Tableau IV « La foire du Mardi gras (la nuit) » : Le soir, la fête populaire bat son plein. Mais soudain, Petrouchka surgit, poursuivi par le Maure qui le tue. Le magicien cherche à calmer les esprits en rappelant que ce n’était qu’un pantin. Alors que la foule se disperse, le fantôme de Petrouchka apparaît. Le magicien l’aperçoit et, apeuré, il s’enfuit.
Analyse des personnages principaux :
- Petrouchka : c’est le rêveur sensible, l’amoureux malheureux.
- La Ballerine : elle est la parodie de la danseuse étoile, dénuée d’âme.
- Le Maure : c’est le méchant ridiculisé.
Nijinski en Petrouchka
Ce ballet plonge le spectateur dans le folklore russe, avec de nombreuses danses populaires représentées, on peut notamment noter en clin d’œil celle du paysan et son ours dansant.
En 1935, Stravinski, dans Chroniques de ma vie s’est exprimé sur la création du ballet :
Igor Stravinsky a écrit :« En composant cette musique, j’avais nettement la vision d’un pantin subitement déchaîné qui, par ses cascades d’arpèges diaboliques, exaspère la patience de l’orchestre, lequel, à son tour, lui réplique par des fanfares menaçantes. Il s’ensuit une terrible bagarre qui, arrivée à son paroxysme, se termine par l’affaissement douloureux et plaintif du pauvre pantin. Ce morceau bizarre achevé, je cherchai pendant des heures, en me promenant au bord du Léman, le titre qui exprimerait en un seul mot le caractère de ma musique et, conséquemment, la figure de mon personnage. Un jour, je sursautai de joie. Petrouchka ! L’éternel et malheureux héros de toutes les foires, de tous les pays ! C’était bien ça, j’avais trouvé mon titre ! »
Les parallèles avec la chanson de Damien Saez
Petrushka chez Damien est féminisé, mais c’est une poupée au même titre que le Petrouchka du ballet :
La Petrushka de Damien est russe de par son physique et de par le lieu de la rencontre « les bars russes », on pourrait même dire russe ex-URSS incluse, car il cite Bratislava qui se trouve en actuelle Slovaquie.Damien Saez a écrit :« Sortie du cirque Gruss ma poupée russe à moi »
« Qu’on monte, qu’on démonte, ma porcelaine en bois »
Le ballet de Stravinsky est clairement évoqué avec le fait de citer Stravinsky lui-même, ainsi que Nijinski, et Noureïev qui est aussi cité a aussi incarné le personnage tout au long de sa carrière.Damien Saez a écrit :« Elle avait les yeux clairs de ces pays là-bas
Qui font fondre les neiges des terres de la toundra
Elle avait le regard des sibéries je crois »
La thématique de la danse, des ballets, de l’opéra est nettement présente.
Et le fait que Petrushka danse avec d’autres évoque la Ballerine du ballet qui ne veut pas de Petrouchka, Damien devient alors Petrouchka, l’amoureux malheureux.
Il est très intéressant que le personnage soit devenu femme et que Damien fasse des allusions au fait de devenir lui-même danseur (Nijinski, Noureïev) ou danseuse (Plissetskaïa). Il joue sur le mélange des sexes, d’ailleurs sa Petrushka elle-même prend « Les garçons puis les filles, tout ce qui passe par là ».
Si on raccroche le lien que le nom Petrouchka a avec Pierrot et l’utilisation principale d’un personnage féminin pour incarner les Monologues, on peut dire que l’échange des genres continu d’être présent dans l’œuvre du Manifeste. On pourrait alors rebondir sur la thématique de l’Androgyne dans son art, mais point trop n’en faut