L'image de la Sainte Vierge chez Damien Saez

Analyse stylistique, références, que nous cache son Art ?
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Nobody
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L'image de la Sainte Vierge chez Damien Saez

Nous avons déjà pu constater que l'Art est très présent dans l’œuvre de Damien Saez. Afin de concentrer un peu le débat, je vous propose ici que nous analysions le traitement de l'image de Marie par rapport à l'art et la religion dans ses chansons et textes.

La thématique de la Madone

Comme @Koolseb, nous l'a déjà fait remarqué, cette thématique est présente dès le début de la chanson Ma magnifique. La femme qui donne le sein, les tableaux des artistes Vinci, Rembrandt, Botticelli. Nous sommes dans l'art baroque et de la renaissance. Vers une image représentative de la femme mais aussi de l'ange. Nous sommes là dans l'iconographie chrétienne.
Damien Saez a écrit :Elle s’envole un peu trop parfois dans les cieux
Damien Saez a écrit :De mes sanglots elle fait le vin comme une ivresse vous prend la main
Pour de la nuit jusqu’au matin faire des bibliques
A en devenir religieux
Outre la Madone de Munch, on pourrait illustrer ces paroles par des tableaux de Vierge à l'Enfant comme celui commencé par Vinci, la Madonne Litta :
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Mais aussi comme la Madone Sixtine qui est au ciel avec l'enfant entourée d'angelots, de Raphaël :
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Cette magnifique c'est la beauté à l'état pure, la Vierge, la douceur incarnée. D'ailleurs le premier vers de la chanson "elle est embuée dans le bain" fait aussi penser à des tableaux d'Ingres comme le bain turc :
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Rappellons que, selon l'une des interprétations, le prénom Marie vient de l'hebreu Mar-Yam qui veut dire goutte d'eau de la mer, l'eau, le bain fait donc partie de l'univers de Marie. La Vénus chretienne, puisqu'elle incarne la Beauté à l'état pure.

Le tableau cinématographique "Tu veux faire des enfants" reprend aussi cette thématique de la Madone, la femme Mère, la Mère, l'écrin, l'origine de l'innocence.
Damien Saez a écrit :Tu veux faire des enfants ? Des enfants du Paradis pour faire le Paradis sur Terre.
Damien Saez a écrit :Tu crois que je serai belle avec un ventre tout rond ? Un bidou tout rond pour un p'tit dans le bidon.
Damien Saez a écrit :Tu veux l'écouter mon ventre ? On entend la Mer-e dedans. La Mère que je serai quand j'aurai un enfant
L'image de la Vierge de façon générale est très souvent reprise dans l’œuvre de Saez, avec des chansons comme Marie, Notre Dame Mélancolie...


La Vierge ou la Putain

L'image de Marie, de la statue religieuse est présente dans la chanson Marie.
Damien Saez a écrit :Et puis t'es si bonne Marie
Avec tes seins qui pointent
Comme des cathédrales
Qu'on dirait Notre-Dame
On dirait les pyramides
Damien Saez a écrit :Me dis pas qu'c'est fini Marie
Que j'suis là comme un con à parler aux statues
Auxquelles j'ai jamais cru
Allez salut Marie
Cette Marie est une Marie inerte, qui dort, à qui le narrateur parle mais qui ne se réveille pas. Les échos à Marie se font entendre dans Notre Dame Mélancolie :
Damien Saez a écrit :J'étais venu pour voir Marie
J'avais parlé à des statues
J'voulais l'emmener voir Broadway
Mais Marie n'était pas venue
Mais aussi dans un autre style dans Marie ou Marilyn : la Vierge ou la Putain ?
Et le thème de la statue de la Vierge revient aussi dans la chanson Ma magnifique :
Damien Saez a écrit :Elle est pourquoi j’ai pas flingué ma tête il y a longtemps tu sais
Pourquoi moi je l’ai statufiée
Ma magnifique
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Madonna del Sacco

Cette image de la femme virginale, de la pureté est une thématique souvent reprise chez les artistes, car la religion est source d'inspiration, elle est la culture. Marie, mère de Jésus, est une sainte dans les grandes religions monothéistes, dans l'Islam elle est même décrite, selon les interprètes, comme LA femme parfaite, la meilleur femme de tous les temps. Et dans l’œuvre de Saez, on se rend compte qu'elle est l'incarnation de la Femme divine par excellence, du fantasme absolu de l'homme.

Dans la Maria, c'est la face cachée de Marie, à l'image de la fausse Maria dans Metropolis de Fritz Lang qui reprend aussi cette thématique de la Vierge dans son film. Elle est la femme qui trompe, qui fuit, mais elle reste Marie, celle qu'on oublie pas, celle qui nous condamne à l'aimer éternellement. C'est la prostituée, Eva Maria de la Webcam de Nos Amours, la Marilyn de Marie ou Marilyn. La face vicieuse, l'autre aspect de la femme. La Maria ne va pas sans la Marie et inversement, elle perd sa stature, Maria c'est la Marie humaine, celle qui n'a plus ses ailes blanches mais c'est Marie tout de même.
Damien Saez a écrit :À moins que si la Maria elle doit tenir de Marie
Quand on lui sortira des reins l’avenir de la Terre
Quand elle fera un gamin on connaîtra pas le père
Dans Ma religieuse, la Vierge est désacralisée, une religieuse c'est une femme de foi, c'est la femme de Dieu, là elle est pêcheresse mais elle garde son habit sacré. C'est la femme dont l'habit ne fait pas le moine. Comme pour signifier qu'elle est double. N'oublions pas que le diable à le visage d'un ange. La femme est aussi bien belle et bonne que vicieuse et pernicieuse.

Et là, avec la figure du vice, si nous reprenons l'histoire de Jésus, nous voyons apparaitre Marie-Madeleine, Marie de Magdala, celle que la légende populaire désigne comme prostituée. Megaddela, son surnom, veut dire "la magnifiée". Ceci fait écho à La magnifique, de part le surnom mais aussi par ce vers :
Damien Saez a écrit :Elle est l’essence des parfums
Puisque Marie-Madeleine serait, selon certains historiens, la même Madeleine, pécheresse, qui a oint les pieds du Christ de parfum lors d'un repas. Et serait, toujours selon certains historiens, mais aussi de part une vieille tradition et attestée par de très nombreux documents anciens, en réalité la mère de Jésus, soit : la Vierge Marie. La boucle est bouclée. La légitimité de Marie en tant que vierge ayant aussi été contesté afin de contesté le caractère divin de l'enfant Jésus. Cette dualité du christianisme entre la Vierge et la Prostituée est donc entièrement reprise dans l’œuvre de Damien Saez.

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Marie Madeleine pénitente par Titien.

On remarquera aussi que le "Ma" de Marie revient souvent ces derniers temps dans les titres : Ma gueule, Ma religieuse, Ma vieille, Ma populaire, Ma magnifique.


Voici un petit aperçu de ce qu'on peut en dire, peut-être pensez-vous à d'autres textes ou d'autres aspects des textes cités, n'hésitez pas à compléter et à venir enrichir ce topic.
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suffragettes AB
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joli topic, oui l'habit ne fait pas le moine :)

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pour ma part les pages 185 à 235 (édition le livre de poche) de la faute de l'abbé mouret de Zola m'ont fait pensé à "notre dame mélancolie", c'est comme si la chanson était une reformulation de ces 50 pages où la vierge fait halluciner le personnage de l'abbé tourmenté qui parle à la statue :). Citation: "Heure de volupté divine. Les livres de dévotion à la Vierge brûlaient entre ses mains. Ils lui parlait une langue d'amour qui fumait comme l'encens"

http://www.litteratureaudio.com/livre-a ... ouret.html

chapitre 14/15/16/17 du livre un

http://www.litteratureaudio.net/mp3/Emi ... Chap14.mp3
Dernière modification par suffragettes AB le 26 oct. 2020, 18:12, modifié 1 fois.
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CellarDoor
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J'ajoute quelques pensées :
Marie Brunaud était la muse aux yeux bleus/verts de Baudelaire (particulièrement dans les Fleurs du Mal).

Dans l'invitation au voyage :
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Il lui propose de partir dans une contrée lointaine et idéale, par ailleurs en bateau. L'Amérique ? (qui est un anagramme de marie)

Dans A une madone :
Je veux bâtir pour toi, Madone, ma maîtresse,
Un autel souterrain au fond de ma détresse,
Et creuser dans le coin le plus noir de mon coeur,
Loin du désir mondain et du regard moqueur,
Une niche, d'azur et d'or tout émaillée,
Où tu te dresseras, Statue émerveillée.
Avec mes Vers polis, treillis d'un pur métal
Dans Ciel brouillé :
On dirait ton regard d'une vapeur couverte
Ton oeil mystérieux (est-il bleu, gris ou vert ?)
Alternativement tendre, rêveur, cruel
Réfléchis l'indolence et la pâleur du ciel
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...
Ce bleu et ce vert, chez Damien :
Dans le bleu de l'absinthe (verte) :
Dans le bleu de l'absinthe,
Chez les putes, chez les saintes,
...
Accroché à ton sein
...
Sous les voiles ou les croix
Dans So gorgeous :
Si la grâce avait un nom
Elle porterait le tien
C'est écrit dans nos yeux
C'est écrit dans nos mains
...
Mais pourvu que toujours
Reste l'Immaculé
...
Ne baisse pas les yeux
Et laisse les destins
Et le vert et le bleu
Se marient si bien
...
Qui sait on s'aimerait
Sous le souffle divin
...
Mon Dieu que tu es belle
Mon Dieu que tu es douce
et le cœur et le ciel
et mon âme à genou
...
Si l'amour est un temple
Et qu'il y faut prier
Comme on prierait le ciel
Si l'amour est un temple
Toi tu seras ma religion
Marie, la "vierge au serpent" :
Charles, A une madone a écrit :Je mettrai le Serpent qui me mord les entrailles
Dans Putains vous m'aurez plus :
Damien a écrit :De remettre ma tête dans la gueule du serpent
De me laisser encore crucifier le cœur
...
Elle avait les yeux noirs desquels on voit du bleu
Qu’on prend pour l’océan, dans lesquels on voit Dieu
Charles a écrit :O Beauté, dur fléau des âmes, tu le veux !
Avec tes yeux de feu, brillants comme des fêtes,
Calcine ces lambeaux qu'ont épargnés les bêtes !
Damien a écrit :Au milieu des serpents
Tu partages le sang
Avec moi
Tu verras
Dans tes yeux
Y'a la flamme
Y'a le feu

...
Que s'allume le ciel
Que se fende la terre
Devenir éternel
Charles, L'irréparable a écrit :Une fée allumer dans un ciel infernal
Une miraculeuse aurore ;
J'ai vu parfois au fond d'un théâtre banal

Un être, qui n'était que lumière, or et gaze,
Terrasser l'énorme Satan ;
Mais mon coeur, que jamais ne visite l'extase,
Est un théâtre où l'on attend
Toujours, toujours en vain, l'Être aux ailes de gaze !
Damien, Dans le bleu de l'absinthe a écrit :Ne me laisse pas
Au milieu de la pièce,
Théâtre de l'absurde,
Les comment dis pourquoi
On s'en sortira pas ?
Dans la beauté du mal,
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Meduse
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" Puisque Marie-Madeleine serait, selon certains historiens, la même Madeleine, pécheresse, qui a oint les pieds du Christ de parfum lors d'un repas. Et serait, toujours selon certains historiens, mais aussi de part une vieille tradition et attestée par de très nombreux documents anciens, en réalité la mère de Jésus, soit : la Vierge Marie. La boucle est bouclée. "

:sad1: genre la grand mère immortelle ? Pauvre Jésus, même pas l'droit d'avoir une épouse ?! Je sais pas d'où tu sors tes historiens, probablement nostalgiques des incestes mythologiques grecques ou romains, mais cette version résonne pas du tout en moi !

S'il faut aboutir à l'unitė, l'émancipation ultime des archétypes féminins reste pachamama, la déesse mère, pourvoyeuse de vie, fertile, multiple, organique ;-)
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Nobody
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Meduse a écrit : 27 oct. 2020, 01:05 " Puisque Marie-Madeleine serait, selon certains historiens, la même Madeleine, pécheresse, qui a oint les pieds du Christ de parfum lors d'un repas. Et serait, toujours selon certains historiens, mais aussi de part une vieille tradition et attestée par de très nombreux documents anciens, en réalité la mère de Jésus, soit : la Vierge Marie. La boucle est bouclée. "

:sad1: genre la grand mère immortelle ? Pauvre Jésus, même pas l'droit d'avoir une épouse ?! Je sais pas d'où tu sors tes historiens, probablement nostalgiques des incestes mythologiques grecques ou romains, mais cette version résonne pas du tout en moi !
Merci pour ce genre d'irrespect envers Thierry Murcia notamment.
Les textes : "À travers les Évangiles, certains passages du Talmud, des sources patristiques, manichéennes, gnostiques et mandéennes"
Son livre : http://mediatheque-diocesedegap.com/mar ... -de-jesus/
Un article illustratif : http://marie-la-magdaleenne.over-blog.c ... yrien.html

La théorie de Marie femme de Jésus est une autre théorie plus populaire, c'est pas pour autant qu'il n'en existe pas d'autres et si ça résonne pas en toi, ça résonne assez ailleurs. Et y'a aucune histoire d'inceste. Ce sont des interprétation de personnages, qui apparaissent dans des textes.
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Nobody a écrit : 27 oct. 2020, 05:06 Et y'a aucune histoire d'inceste.
S'il faut bien reconnaître un miracle à Jesus, c'est d'être le seul homme à avoir défloré sa mère.

Maintenant que mon petit blasphème matinal est fait, je peux vous remercier pour votre travail d'analyse, toujours intéressant :arrow:
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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Nobody
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--- a écrit : 27 oct. 2020, 08:28
Nobody a écrit : 27 oct. 2020, 05:06 Et y'a aucune histoire d'inceste.
S'il faut bien reconnaître un miracle à Jesus, c'est d'être le seul homme à avoir défloré sa mère.
C'est sûr que vu comme ça... Paix à ton âme, elle sera sacrément brûlée :ugeek:
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Koolseb
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Belle inspiration Nobody.

Puisque tu me tend une perche, je vais saisir l'occasion d'expliquer en quoi je considère le tableau d'Edvard Munch intitulé La Madone comme une source d'inspiration de la chanson Ma magnifique de Damien Saez.

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Edvard Munch, La Madone

× × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × ×

"Elle est embuée dans le bain
Elle est l’essence des parfums

Elle est la rosée du matin
Ma magnifique
Faut voir quand elle donne le sein que je redeviens comme un bambin
Il y a qu’elle qui fait que j’ai peur de rien
Ma magnifique
Elle est la beauté des Vinci, des Rembrandt, des Botticelli
C’est pas Picasso, pas Dali

Ma magnifique
Dessous les draps quand elle me dit le chuchotement d’une eau de pluie
[...]
Elle a les yeux d’une hirondelle à faire rougir les Gabriel
[...]
Le soleil peut se recoucher, puis toi tu peux te rhabiller
Puisque rien ne peut égaler
Ma magnifique
[...]
Tableau d’un instant quand les crues viennent inonder son cœur perdu
C’est la Vérité dévêtue
Ma magnifique
Elle est comme un fruit défendu quand soudain elle se défend plus
Elle est l’automne quand il a plu
Ma magnifique
Elle est de toutes les saisons, elle a le corps de l’horizon
Qu’on veut juste remplir son bidon
D’un magnifique

C’est comme un big bang dans mon cœur
Un moine qui mari la bonne sœur
[...]
Je crois qu’elle est le saint des saints
De toutes les saintes femmes
les putains
Elle est la vieillesse d’un bon vin
Ma magnifique
Elle dit des bêtises grosses comme elle
Puis elle rougie comme une chandelle
Qu’avec elle le superficiel est magnifique
Elle est de mes yeux la prunelle
A la prune ou la mirabelle
Elle est le meilleur fruit du ciel
La magnifique
[...]
Elle s’envole un peu trop parfois dans les cieux
Ou bien dans les draps des rivières
pour noyer je crois des atlantiques
[...]
Pour de la nuit jusqu’au matin faire des bibliques
A en devenir religieux
A genoux à prier ses yeux

A vous faire croire oui au bon dieu
La magnifique
[...]
Elle aime souvent se faire la belle, elle est colombe à tire d’aile
Tu sais qu’importe sous quel ciel
Ma magnifique
[...]
Comme un instant fait l’éternel
Elle est pourquoi la Terre est belle
[...]
dans le ventre du destin
A mettre des coups de pieds, des coups de poings
A se battre comme un galérien
Dans l’Atlantique

Un bout d’amour, un bout de rien pour combattre les lendemains
Qui font que la vie tous les matins c’est pas magnifique
[...]
Un jour je lui ferai un gamin
Un p’tit amour, un p’tit Damien
[...]
Mais qu’il sera beau notre chérubin
Mais qu’il sera beau le petit bambin
[...]
Quand je vois son ventre comme un dessin
A faire pâlir tous les Rodin

J’arrive même à me dire que l’humain
C’est magnifique"

Damien Saez, Ma Magnifique

× × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × × ×

Ce qui interpelle dans l'oeuvre d'Edvard Munch, derrière cette esthétique suave et vaporeuse, c'est l'ambivalence de la scène qui nous est présentée. Douleur ou extase, agonie ou jouissance, abandon sur la croix ou dans les draps, vierge à l'enfant ou fille de joie, tout semble incertain au premier regard. Ce mélange ambiguë entre l'amour et la mort, les deux passions humaine, est déjà en soit très représentatif du leitmotiv créatif de Damien Saez.

Dans la chanson Ma Magnifique, Saez nous mène à visualiser sa magnifique de façon picturale: "Tableau d’un instant", "un instant fait l’éternel", "Elle est la beauté des Vinci, des Rembrandt, des Botticelli C’est pas Picasso, pas Dali", ainsi que cette évocation aux représentations de la Vérité sortant du puits de Jean-Leon Gerôme ou de Edouard Debat-Ponsan ("C’est la Vérité dévêtue").

L'impression générale a la vue de la Madone de Munch, c'est qu'elle baigne dans des eaux calmes avec ces rondeurs, ces circonvolutions et ces couleurs pastels qui donnent une atmosphère de légèreté à la scène. En considérant cette Madone avec une posture jouissive, on peut tout aussi bien l'imaginer étendue lascivement et lovée dans les ondulations d'un drap. On retrouve cette ambiance generale de légèreté et d'evocation de l'atmosphère aqueuse ou du lit dans les paroles de Saez: "Elle est embuée dans le bain Elle est l’essence des parfums Elle est la rosée du matin", "Dessous les draps quand elle me dit le chuchotement d’une eau de pluie", "quand les crues viennent inonder son cœur perdu". Dans le couplet "Elle s’envole un peu trop parfois dans les cieux Ou bien dans les draps des rivières pour noyer je crois des atlantiques" on y retrouve carrément la dualité de l'oeuvre de Munch avec soit la vision d'une sainte, d'une vierge Marie, soit celle d'une fille de joie étendue dans son bain ou dans des draps. La simple phrase "Elle s’envole un peu trop parfois dans les cieux" est à elle seule équivoque puisqu'elle renvoie soit à la spiritualité soit à la bagatelle (s'envoyer en l'air).

Dans Ma Magnifique, Saez dit: "Elle est comme un fruit défendu quand soudain elle se défend plus". Comment mieux qualifier la Madone de Munch qu'avec ces quelques mots? Le fruit défendu fait référence a l'aspect biblique, on peut y voir cette Madone au visage de Christ agonisant sur la croix, à l'article de la mort elle ne semble plus combattre, se défendre, et s'abandonne à l'inéluctable. Mais ce fruit défendu peut aussi évoquer le péché charnel, cette femme impudique entièrement offerte au spectateur. On retrouve cette même image antithètique dans les phrases "de toutes les saintes femmes les putains", dans "Un moine qui mari la bonne sœur", dans "pour de la nuit jusqu’au matin faire des bibliques" et dans "à faire rougir les Gabriel".

Comme Munch fait référence a une figure pieuse dans son oeuvre, Saez en parle avec ces mots: "elle est le saint des saints
De toutes les saintes femmes", "Elle est le meilleur fruit du ciel", "A en devenir religieux A genoux à prier ses yeux A vous faire croire oui au bon dieu". Dans la toile de Munch, la piété contraste avec la sensualité, on remarque de quelle façon la Madone exhibe sa poitrine. On peut y voir le sein nourricier maternelle tout aussi bien que le sein sensuelle et séducteur. Dans cette toile, l'oeil par un jeu de lumière est attiré vers l'abdomen, un abdomen dont les rondeurs évoquent une grossesse. Les rondeurs maternelles du ventre blafard s'opposent à l'aureole vermeille qui coiffe la Madone, représentation suggestive de la vierge Marie. Et la aussi la maternité tranche avec la pose aguichante de la Madone, celle de l'amante et pas de la mère. Saez joue lui aussi sur cette ambivalence sein nourricier/sein sensuelle et mère/épouse, les mots qui composent sa chanson paraissent se superposer aux touches de peinture étalés par Munch, on glisse de la description à la mère à celui de l'epouse: "Faut voir quand elle donne le sein que je redeviens comme un bambin Il y a qu’elle qui fait que j’ai peur de rien" puis à la fin "Un jour je lui ferai un gamin Un p’tit amour, un p’tit Damien Mais qu’il sera beau notre chérubin Mais qu’il sera beau le petit bambin". A noter que cette grande confusion entre la mère et l'épouse se retrouve dans les textes bibliques eux même, ou Marie la mère de Jésus se retrouve parfois confondue avec Marie Madeleine, la supposée épouse de Jésus, celle qui accompagne Jesus sur la croix et au tombeau, ou c'est elle qui amène le parfum pour l'onction du Christ mort mais pas encore ressuscité ("Elle est l’essence des parfums").

(A suivre...)
Dernière modification par Koolseb le 27 oct. 2020, 19:23, modifié 7 fois.
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Nobody
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:happy5: merci d'avoir partager ton analyse ici. Tout ceci se complète bien.

Mais quel sera donc le prochain thème de débrumage ?
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suffragettes AB
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toujours un régal tes analyses picturales kooseb.

Quant à l'historien que tu as cité nobody, il vient de l'université Provence alors forcément les petits santons de provence ne peuvent qu'accorder du crédit à ses investigations :).

Du coup avec tes liens, j'ai atterri chez George de La tour. Après débrumage du château de brumes qu'est cette énigme biblique (qui était Marie?) on voit s'esquisser le personnage de Madeleine derrière celui de Marie, Madeleine à la veilleuse, madeleine la pénitente, madeleine au miroir :).

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La bougie sur le dernier album :), la flamme qui ne s'éteint pas! Que dit cette bougie? Dans le dernier tableau analysé dans cette vidéo (st joseph charpentier), il y a " l'audelà du brouillard" :)


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Nobody a écrit : 27 oct. 2020, 09:43 C'est sûr que vu comme ça... Paix à ton âme, elle sera sacrément brûlée :ugeek:
"Nos âmes sont tordues, pour pêcher, c'est le pied."
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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goelandfou
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--- a écrit : 28 oct. 2020, 06:11
Nobody a écrit : 27 oct. 2020, 09:43 C'est sûr que vu comme ça... Paix à ton âme, elle sera sacrément brûlée :ugeek:
"Nos hamecons tordues, pour pêcher, c'est le pied."
Ahah :laughing:
L'ours en cage ne peut que satisfaire l'ambition aventureuse des faibles, tandis que le cerf sauvage évoque une liberté et une vigueur pénétrantes
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Tsoin tsoin
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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Digitalis
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hyper intéressant ce topic !!! merci
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goelandfou
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Digitalis a écrit : 02 nov. 2020, 15:34 hyper intéressant ce topic !!! merci
Merci, j'ai également noté que le niveau se relevait vers la fin :bear1:
L'ours en cage ne peut que satisfaire l'ambition aventureuse des faibles, tandis que le cerf sauvage évoque une liberté et une vigueur pénétrantes
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Digitalis
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goelandfou a écrit : 02 nov. 2020, 16:21
Digitalis a écrit : 02 nov. 2020, 15:34 hyper intéressant ce topic !!! merci
Merci, j'ai également noté que le niveau se relevait vers la fin :bear1:
Non mais tout à fait, c'était bien sûr sous-entendu ! :bear1: :bear1:
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