Les pseudo-portraits

Quel Magnifique êtes-vous ?
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goelandfou
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suffragettes AB a écrit : 14 avr. 2020, 12:06 De jolies plumes sur ce forum
Merci, je suis touché :arrow:
L'ours en cage ne peut que satisfaire l'ambition aventureuse des faibles, tandis que le cerf sauvage évoque une liberté et une vigueur pénétrantes
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Alchimie a écrit : 30 mai 2020, 23:25 Pfff j’y comprends rien dans vôtre dialecte bizarre —-
Grrr c’est pourtant pas compliqué de savoir qui ont est...
Tu vas être servi 😁



CHAPITRE 1
LE DOUTE


Le doute a cette faculté de fracturer les certitudes passées avec autant de force qu’il installe les nouvelles. Il est en soi la condition authentique à toute évolution.



Vendredi
Putain, comme d’habitude, je me suis emballé trop vite. Encore une opportunité de travail qui me passe sous le nez. Je le savais en plus qu’il ne fallait pas que je sorte le Champagne tout de suite, que ça allait me porter la poisse.
On ne se refait pas. Je suis et je resterai toujours le même.

-

Lundi
Bon, regardons-nous dans le miroir comme --- l’a suggéré.

Y en a qui sont vraiment tordus avec leur question « qui suis-je ? ». C’est quand même simple de savoir qui on est. Moi, je m’appelle Arnaud ou Alchimie sur les réseaux mais c’est pareil. C’est une perte de temps que de définir qui je suis. Je le sais, ça suffit.
Inconscience intérieure de l’être extérieur.

--

Mardi
C’est fou ça ! Tout ce qu’elle m’a dit. Je ne savais pas qu’elle pensait ça de moi, qu’elle me voyait comme ça.
« paranoïaque conspirationniste »
J’ai toujours eu à cœur de m’informer, de croiser les sources, de ne pas me faire berner et ose me dire paranoïaque conspirationniste ? Comme si j’aimais fantasmer sur cette situation, comme si j’affabulais tel un vieux fou.
C’est ça qu’elle verrait dans le miroir à ma place, un vieux fou ?

---

Mercredi
Je ne me suis jamais autant regardé dans le miroir que ces derniers temps 😁
C’est vrai que je commence à me dégarnir, elle a raison, ma fille.
Quelle tête j’ai ! Je suis encore beau mais moins qu’avant. C’est la jeunesse qui me fait défaut. J’ai les traits fatigués, il faudrait que je me ménage un peu plus.

C’est con de se regarder dans un miroir. Qu’est-ce que tu veux qu’on y apprenne sur soi ? Et puis, c’est tellement fade.
Ma fille. C’est un peu de moi que je vois quand je la regarde. D’ailleurs, qu’est-ce que je suis beau quand elle me regarde ! Je suis sûr qu’elle ne voit pas l’homme désabusé qui se tient dans le miroir mais un papa aimant et rassurant.
Se voir dans les yeux de son enfant vaut bien tous les miroirs du monde.

-=-

Jeudi

– Bonjour monsieur, que puis-je faire pour vous ?
– Je cherche un costume.
– Pour quelle occasion ?
– Réception d’entreprise.

Un costume, moi. Quelle blague ! J’ai l’impression de mettre un déguisement. Un déguisement pour me transformer en parfait faire-valoir. Une façade, un masque pour aller au bal de l’hypocrisie. Heureusement que je l’aime, sinon je ne serais jamais allé à son dîner d’entreprise. Même les moments conviviaux sont pervertis par ce putain de patronat. En voulant rendre cool la servitude des gens, on arrive à les priver de leurs moments de repos et à pervertir leurs moments de détente. Et non contents d’emmerder les salariés, on assujettit aussi les cons-joints pour bien leur faire comprendre qui dirige ce monde de merde.

– Vous êtes parfait !
– Vous n’auriez pas des masques aussi ?
– Non, désolé. Mais, vous trouverez une pharmacie de l’autre côté de la rue.
– Non je veux dire des masques de mimiques, du type, « c’est passionnant cette évolution de l’entreprise », « ravi de vous rencontrer »…
– Euh, non désolé.

Son rire gêné et forcé pour faire plaisir à la clientèle me donne déjà un avant-goût de ce qui m’attend…
Heureusement que je ne vais porter cet accoutrement que le temps d’une soirée, j’aurais peur de me perdre derrière ce masque comme lui a l’air de s’être perdu derrière son obséquiosité.
Et moi, me suis-je déjà perdu dans le passé ? M’est-il arrivé de feindre tellement longtemps, de trop m’adapter aux conventions sociales que j’en ai perdu mes réelles motivations ?


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Suite dans le chapitre 2/4: l'abîme
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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Alchimie
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--- a écrit : 10 juin 2020, 20:22
Alchimie a écrit : 30 mai 2020, 23:25 Pfff j’y comprends rien dans vôtre dialecte bizarre —-
Grrr c’est pourtant pas compliqué de savoir qui ont est...
Tu vas être servi 😁



Vendredi
Putain, comme d’habitude, je me suis emballé trop vite. Encore une opportunité de travail qui me passe sous le nez. Je le savais en plus qu’il ne fallait pas que je sorte le Champagne tout de suite, que ça allait me porter la poisse.
On ne se refait pas. Je suis et je resterai toujours le même.
J'avoue, c'est un peu çà :laughing2: Je susi passé du paradi à l'enfer en moins de 12h . De 2 CDI pottentiel au néant !!

Ca ma mis une bonne claque, mais finalement c'est un mal pour un bien. j'ai pu prendre du recul et voir les choses différement. Désormais, je vais attendre d'être installer à 100% dans ma nouvelle maison, mais également je vais aider ma femme à trouver un djob avant moi. Mais j'ai pleins de nouvelles pistes, et reste trés optimiste pour en trouver d'içi Juillet, voir Aout.

Sinon
Vieux Fou
,
Dégarni
C'est tout à fait celà :grin:


Bon, je n'ai pas tout compris les principes de ce topic, mais merçi c'est sympa :)
Nous sommes la somme de toutes nos pensée, et nous avons pourtant tous une unicité à nous reco-naître...
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Alchimie a écrit : 12 juin 2020, 14:57 Ca ma mis une bonne claque, mais finalement c'est un mal pour un bien. j'ai pu prendre du recul et voir les choses différement.
Comment tu divulgâches la fin de mon récit !

Alchimie a écrit : 12 juin 2020, 14:57 Désormais, je vais attendre d'être installer à 100% dans ma nouvelle maison, mais également je vais aider ma femme à trouver un djob avant moi. Mais j'ai pleins de nouvelles pistes, et reste trés optimiste pour en trouver d'içi Juillet, voir Aout.
Content pour toi ! :arrow:
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Alchimie a écrit : 12 juin 2020, 15:15 Le 16 Juin, je reprend du service sévice !!

CHAPITRE 2
L'ABÎME




Mardi 16 juin
11h02

Encore devant le miroir. Nécessaire pour se préparer un minimum. Tiens, j’ai meilleure mine aujourd’hui. C’est que la flamme jaune ravive mon ardeur. Je suis content de retrouver les copains, d’aller construire un idéal que je croyais impossible.

---

12h26

Toujours là eux. Fidèles aux postes. Obéissance servile à… à quoi, au juste ? J’aimerais vraiment comprendre.
Obéissance sans conscience n’est que ruine de l’âme.
Pourquoi sont-ils là, immobiles, in-reconnaissables.
Lui par exemple. Qui est-il derrière son casque ? Qui est-il derrière son masque ?
À quoi ressemble son visage quand il se regarde dans un miroir ? Il doit avoir une famille comme moi. À quoi pensait-il en se regardant enfiler sa carapace ce matin ? Et en préparant ses armes ?
S’est-il déjà perdu derrière son masque ?

Et lui là, à quoi il pense quand il me braque avec son LBD, ce con ? Il me fait peur. Les jeunes banlieusards ont peur, les frisés ont peur, les jaunes ont peur. Putain, si Coluche était là, on en rigolerait au moins.

-=-

15h49

Le cortège est arrêté depuis 15 minutes déjà, sans raison. Les policiers ont refermé la nasse et voilà tous les manifestants bloqués sur la grand place.
Les esprits s’échauffent, les sprays répliquent aux insultes, les grenades lacrymogènes font échos aux bruits des pavés. La nasse est semblable à une cocotte-minute qui monte en pression. Beaucoup de gilets jaunes cherchent la soupape avant l’affrontement inéluctable.

– Arnaud, dépêche-toi, par là !
– J’te suis.
Tout le monde avance rapidement, fuyant les explosions. Les mégaphones se sont tus, la parole est aux LBD et autres éléments d’artillerie, leur bruit rythme et motive la marche. Bientôt la cohue s’arrête. Incompréhension, doute.
Un mur. Un mur devant, un mur derrière. La tenaille policière s’est refermée sur le groupe de gilets jaunes.
Immobile. Immobiles.
Le bruit sourd des tonfas percutant les boucliers transpercent de part en part.
PAH PAH PAH PAH PAH PAH.
Rythme régulier à la fois apaisant et inquiétant.
Un nouveau bruit vient s’ajouter, plus discret, plus sec. Un bruit de bottes claquant sur le bitume.
PAH CLAP PAH CLAP PAH CLAP PAH CLAP PAH CLAP PAH.
La pulsation martiale accélère le pouls des manifestants. Une odeur aigre s’élève du cortège, une fébrilité prête à exploser s’intensifie.
Premiers coups, premiers cris.


-|-


Allez Arnaud, tiens. La lâche pas Arnaud où il va la démolir. Retiens-la. Putain, il fait mal ce con. Allez viens par là. Putain, mais il la lâchera pas ce con. Et il va me fracasser le crâne, en plus.[/i]
— LÂCHE-NOUS !
Putain, défonce-le, Arnaud, où on va y rester tous les deux. Un bon coup dans la glotte et ça peut le faire.
— ARRÊTE PUTAIN ! TU VAS LA TUER !
Allez Arnaud, frappe, t’as plus le choix là. FRAPPE PUTAIN.
Allez frappe, encore, ENCORE !
Défonce-lui le bide, plus fort, PLUS FORT ! Encore, il a pas eu son compte. Démolis-le.
RAAAAH ! Tu sens comment ça fait du bien, il l’a bien mérité cet enculé. Oh putain c’est bon, plus tu tapes, plus ça fait du bien, tu sens comment ça fait du bien ? Tu sens comment la tension retombe ? Laisse-toi remplir par le vide ! Évacue ta colère ! pas juste celle d’aujourd’hui mais aussi ta colère latente, celle qui traîne, aigrie, depuis si longtemps déjà au fond de toi. Appelle-la, fais la sortir une bonne fois pour toutes ! Oui, vas-y !
Vise la tête, la tête maintenant ! Ne t’inquiète pas du sang qui coule, continue ! Écoute ton instinct primitif.
Reconnecte avec ta nature profonde.
Oublie toute marque de ta domestication, de ta servitude aux normes sociales.
Redeviens enfant sans conscience.
Animal sans morale.
Sois l’être féral suprême.
Élève-toi en homme libre.

-&-

C’est fou comme on ne fait pas attention aux détails en temps normal. Trop pris par le temps. Maintenant, j’men fous, il peut bien s’égrainer, qu’est-ce que ça peut me faire. Je suis bien là. Vide.
C’est beau ce craquellement dans le goudron. Et cette flaque, noire comme un trou sans fin, comme un puits où l’on se noie, elle est belle. Captivante. Un miroir d’anthracite baigné du reflet d’un homme ; il me ressemble. Je ne saurais dire si c’est mon âme troublée qui donne toute la noirceur à cette eau ou si c’est la profondeur de cet apparent abîme qui comble mon être d’un vide vertigineux. Mon regard se perd dans l’abîme comme celui de mon reflet se perd en moi. Conscience en externe de l’étranger en interne.

— Arnaud, faut qu’on s’arrache !

Nul narcisse ne naîtra ici, seule l’innocente enfance s’en est allée.
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Alchimie
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--- a écrit : 12 juin 2020, 20:41
Alchimie a écrit : 12 juin 2020, 15:15 Le 16 Juin, je reprend du service sévice !!

CHAPITRE 2
L'ABÎME




Pourquoi sont-ils là, immobiles, in-reconnaissables.
Des Playmobiles :)

--- a écrit : 12 juin 2020, 20:41 15h49

Le cortège est arrêté depuis 15 minutes déjà, sans raison. Les policiers ont refermé la nasse et voilà tous les manifestants bloqués sur la grand place.
Les esprits s’échauffent, les sprays répliquent aux insultes, les grenades lacrymogènes font échos aux bruits des pavés. La nasse est semblable à une cocotte-minute qui monte en pression. Beaucoup de gilets jaunes cherchent la soupape avant l’affrontement inéluctable.

– Arnaud, dépêche-toi, par là !
– J’te suis.
Tout le monde avance rapidement, fuyant les explosions. Les mégaphones se sont tus, la parole est aux LBD et autres éléments d’artillerie, leur bruit rythme et motive la marche. Bientôt la cohue s’arrête. Incompréhension, doute.
Un mur. Un mur devant, un mur derrière. La tenaille policière s’est refermée sur le groupe de gilets jaunes.
Immobile. Immobiles.
Le bruit sourd des tonfas percutant les boucliers transpercent de part en part.
PAH PAH PAH PAH PAH PAH.
Rythme régulier à la fois apaisant et inquiétant.
Un nouveau bruit vient s’ajouter, plus discret, plus sec. Un bruit de bottes claquant sur le bitume.
PAH CLAP PAH CLAP PAH CLAP PAH CLAP PAH CLAP PAH.
La pulsation martiale accélère le pouls des manifestants. Une odeur aigre s’élève du cortège, une fébrilité prête à exploser s’intensifie.
Premiers coups, premiers cris.
On s'y croirais vraiment :)
Nous sommes la somme de toutes nos pensée, et nous avons pourtant tous une unicité à nous reco-naître...
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Kaio
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Meduse a écrit : 01 févr. 2020, 15:40 Allez... le 1er portrait de la série.
L'exercice est très stimulant, vous y passerez donc tous ! ;-)

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Caché dans les méandres de la toile rouge et noir depuis x années, sous diverses formes, il n'était pas évident de le rencontrer. Lui et ses complices aimaient multiplier les comptes et les jeux de plumes. Rien de bien méchant, du mystère et de la poésie saupoudrées de culture.

La porte semblait donc obscure, opaque, et peu rassurante pour tout être de lumière. En revanche, elle séduisait par son lugubre les vampires et autres oiseaux de nuit.

Maniaque de la lettre, il ne dira jamais au curieux d'un autre temps : "Passes ton chemin, crotte de dinosaure !"

Non, cet érudit trouvera un mot inconnu du commun des mortels pour augmenter son aura. Ainsi il vous dira plutôt : " Ma sérendipité t'absout coprolithe ! Tu peux continuer ton chemin."

Peu enclin à se soumettre à une quelconque idole, ni même à se ramollir l'esprit par quelques croyances romantiques, il joue de la plume comme d'autres croisent l'épée. Avec polysémie et enfumage.

Mais ne vous y trompez pas ! Derrière ce sévère décor se cache un coeur en quête d'onirie joyeuse, peuplée d'amour et d'amitié, et ne rechigne alors pas à se métamorphoser en petit nid douillet pour l'oiseau bleu, en paravent pour l'ami Z, ou en fantasme pour les amazones.
J'etais tjs passé a côté de ce topic. Tres amusant. Tu devais pas faire passer tout le monde à la casserole @Meduse ?
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Meduse
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Kaio a écrit : 12 juin 2020, 21:52 J'etais tjs passé a côté de ce topic. Tres amusant. Tu devais pas faire passer tout le monde à la casserole Meduse ?
Oui Maître des cailloux.
J'ai commencé à ébaucher par ici ...
https://meduses.fr/lile-des-magnifiques
Ça s'étoffera probablement le moment venu.

Mais comme je me mets pas la pression et ne prendrai pas le risque d'un burn out avec tout ce qui m'occupe en ce moment, amusez donc vous aussi ...

Y avait pas un délicieux cadavre en attente de plumes quelque part ?

;)

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Ç yest, j'ai enfin pu peaufiner la partie 3/4:
Alchimie a écrit : 12 juin 2020, 22:45 Je connais que trop bien ces situations, et suis tellement conscients des risques nombreux encouru, surtout face à une milice policière meurtrière, en roue libre, bénéficiant d'une impunité judiciaire pratiquement total.

CHAPITRE 3
LE PROCÈS



LE JUGE — Accusé, levez-vous. Je suis le juge Ment et voici Maître Profont.
LE MAÎTRE — Avec un t comme Dupont, évidemment.
LE JUGE — Évidemment.
LE MAÎTRE — Monsieur le juge, j’observe que votre perruque vous sied à merveille aujourd’hui.
LE JUGE — Merci Maître. Quant à vous, votre élégance dans cette robe n’a de pair qu’avec votre aisance à servir la justice.
LE MAÎTRE — Merci, monsieur le Juge.
LE JUGE — Monsieur Nyme, avez-vous quelque chose à ajouter?
ALCHIMIE — Euh, non.
LE MAÎTRE (railleur) — Évidemment.
LE JUGE — Évidemment.
ALCHIMIE — Je ne comprends pas. Où est mon avocat ?
LE JUGE (sèchement interrogateur)— Vous ne comprenez pas ? (il marque une pause) C’est pourtant vous qui avez souhaité que justice soit faite en toute transparence, qu’elle révèle un visage vrai ?
ALCHIMIE (perplexe) — Oui ?
LE JUGE (cassant) — Oui, votre honneur !
ALCHIMIE — Oui, votre honneur.
LE JUGE — La Justice ... Soyez rassuré, la voici, sans son bandeau mais toujours armée de sa balance et de son glaive. (pause) Évidemment.
LE MAÎTRE — Évidemment.
LE JUGE (complice) — D’ailleurs, Monsieur Nyme, saviez-vous que le mot justice vient de la déesse Justitia, épouse et conseillère de ... Jupiter ?
ALCHIMIE — Non, je ne le savais pas.
LE MAÎTRE (railleur) — Évidemment.
LE JUGE — Évidemment.

-_-

LE JUGE – Commençons. Vous êtes monsieur Nyme Arnaud, né le 3 août 1976 à Sartrouville dans les Yvelines, fils de madame Nyme Dominique et de monsieur Pivot Bernard, lequel vous a renié quand vous étiez alors âgé de 9 ans. Ces informations sont-elles exactes ?
ALCHIMIE — Oui.
LE JUGE — Oui, Votre Honneur !
ALCHIMIE — Oui, votre honneur.
LE JUGE — Vous avez grandi sans difficulté particulière, suivi une scolarité normale. Vous étiez, ces derniers temps, chauffeur routier pour l’industrie nucléaire. Vous transportiez des caissons en plomb pour gagner de l’argent. Est-ce exact ?
ALCHIMIE — Oui, votre honneur.
LE JUGE — Bien. Maître, vous pouvez commencer.

_-_

LE MAÎTRE — Vous êtes accusé de violences aggravées sur un représentant des forces de l’ordre. Qu’avez-vous à répondre à cela ?
ALCHIMIE — C’était de la légitime défense.
LE MAÎTRE — NON ! Monsieur Nyme. Seul l’État est détenteur de la violence légitime. La brutalité dont vous avez témoignée ce jour-là est indiscutable et inexcusable. Vous n’aviez aucun droit de perpétrer de tels actes, qui plus est sur un gardien de la paix, Homme qui a dévoué sa vie à protéger la société de toute barbarie humaine. La question aujourd’hui, Votre Honneur, n’est pas tant de savoir si oui ou non, son acte est compréhensible, mais de savoir si cet (il réfléchit puis lâche dédaigneux) « énergumène » est apte à vivre dans une société civilisée et à se conformer à ses normes.
LE JUGE (intéressé) — Poursuivez.
LE MAÎTRE — Pour étayer mes propos, il nous faut d’abord comprendre qui se cache réellement derrière cet individu. Voyez-vous, j’ai de solides raisons de croire que les agissements inqualifiables de cet homme ne sont que l’aboutissement d’un long processus de radicalisation et qu’ils témoignent, tels la partie émergée d’un iceberg, d’une violence bien plus profonde à l’égard même des fondements de nos institutions et des valeurs de notre chère république. Je pense que la déchéance de cet enragé commence dès son adolescence.
Un professeur de littérature vous a-t-il fait découvrir « Mort d’un clone » de Pierre Bordage, livre pour lequel vous avez avoué à de multiples témoins qu’il vous avait fait un électrochoc ?
ALCHIMIE — Oui, mais je ne vois pas bien le rapport ni le bien-fondé de votre démarche.
LE MAÎTRE (irrité) — Vous ne voyez pas le rapport parce que vous êtes incapable d’appréhender les choses au-delà de votre propre réalité et sachez que ma démarche n’a pour bien-fondé que la recherche de la vérité par les faits. Et les faits vous concernant sont accablants ! Entendez plutôt:
Vous continuez votre décadence morale en écoutant des chanteurs dissidents et dépravés tel que Keny Arkana ou Damien Saez. Avouez-vous écouter de tels chanteurs ?
ALCHIMIE — Oui.
LE MAÎTRE (très irrité) — Oui, Maître !
ALCHIMIE — Oui, Maître.
LE MAÎTRE — Vous continuez à déshonorer nos institutions en vous engageant dans un mouvement de personnes réfractaires appelé les gilets jaunes. Vous proclamez demander et vouloir construire un meilleur avenir alors que votre mouvance, porte-parole de ceux qui ne sont rien et porte ouverte à l’anarchie monstrueuse des misérables qui voudraient s’élever à un rang qu’ils ne méritent pas et qui seraient bien incapables d’en porter les responsabilités ! Avouez-vous être membre actif des gilets jaunes?
ALCHIMIE — Oui.
LE MAÎTRE (au juge) — Il me semble que ces éléments sont suffisants pour comprendre qui est réellement ce misérable. Il serait trop facile pour lui de se cacher derrière une prétendue légitime défense ou une quelconque perte de contrôle, quand, depuis des années, il s’échine à remettre en question les fondements de notre société républicaine. En vérité, je vous le dis Monsieur le Juge, cet individu est un danger pour nos institutions, un ennemi de la démocratie qui ne peut pas, en l’état, retrouver sa place parmi nous.
LE JUGE (satisfait) — Merci, Maître, pour ce réquisitoire éclairant. Peut-être monsieur Nyme souhaite-t-il apporter des informations supplémentaires sur ces faits troublants ?
ALCHIMIE — Je suis … las.
CHŒUR DE GILETS JAUNES — ON EST LÀ ! ON EST LÀ ! MÊME SI LE JUGE NE VEUT PAS, NOUS ON EST LÀ !
LE JUGE — SILENCE DANS LA SALLE !
CHŒUR DE GILETS JAUNES — On est là.

--/

ALCHIMIE (désabusé) — Je suis lassé de tout ça. Toute cette comédie politique, cette société de spectacle, où de l’homme politique en passant par le simple policier jusqu’aux idéalistes, trop oublient les valeurs simples d’humanisme, d’écoute, de respect et de tolérance pour se cacher derrière un masque emprunté, teinté d’égo, de vanité et d’indifférence.
Je suis fatigué de cette hypocrisie d’état, de ses violences langagière et institutionnelle qui se drapent de belles robes et belles perruques quand elle n’est que pourriture intérieure.

J’accuse l’État, prétendu garant de l’État de droit, de faillir à ses devoirs et les plus fondamentaux, même quand ce ne serait que ceux instruits par la Déclaration des Droits de l’Homme, stipulant que nous sommes tous égaux devant la loi. J’accuse la politique étatique de n’être que ce qu’elle est, une oligarchie politicarde à des années-lumière du sens politis du terme grec et dont la pratique serait au service de la cité. J’accuse cette même oligarchie ploutocrate de nous contraindre à la pensée unique par induction de planification culturelle, sociale, économique, historique.
J’accuse les parlementaires de n’être que des marionnettes de figuration aux mains de l’Élysée. Je vous accuse, vous, la justice, de complicité dans votre complaisance à laisser vos enfants se faire manipuler, mutiler et tuer. J’accuse les institutions de pervertir les valeurs même de notre démocratie, de confisquer le sens des mots pour tuer la pensée, de violenter les citoyens impliqués au lieu d’écouter leurs doléances.

Vous êtes la honte de mon pays. La honte à la solde des plus puissants, à la solde de nos réels dirigeants, les maîtres des actions et du pognon. Vous avez laissé pour compte tous vos enfants, de nos quartiers populaires ou de nos classes moyennes. Vous nous avez roulés dans la suie. Vous avez piétiné votre propre drapeau comme on marche sur des fleurs.
Vous voulez savoir qui je suis ? Je suis Arnaud Nyme, enfant de France, fils libertaire, frère égalitaire, ami fraternel. Nous sommes légion, nous ne pardonnons pas, nous n’oublions pas, nous

-'-

LE JUGE (criant) — ASSEZ ! Assez de ce gloubi-boulga verbeux. (calmé) Vous êtes un enfant de France, soit. La vérité est que vous êtes un enfant ingrat et capricieux, incapable d’être reconnaissant de l’État français qui a offert une éducation, des soins, une place confortable dans son giron. Vous crachez sur la main qui vous nourrit et vous souhaiteriez qu’on vous en donne plus ! Ne vous méprenez pas, pauvre sot, si vous avez su transformer tout ce plomb que vous transportez en argent et ainsi devenir un petit bourgeois envieux, vous ne le transformerez jamais en or. La noblesse n’est pas pour vous, on ne change pas qui on naît ! Incapable de vous satisfaire de tout ce qui vous est proposé, vous agissez comme un cancer, semant la discorde et salissant notre beau pays. Vous êtes malade monsieur Nyme, un malade dangereux qu’il convient de soigner ou d’abattre pour le bien de tous !
(Le juge s’arrête, le silence se fait, libérateur, pesant)
LE JUGE (parlant lentement) — Mais, voyez-vous, dans ma grande mansuétude, je vais vous aider à vous conformer à cette société dans laquelle vous n’arrivez pas à vous complaire. Je vous condamne donc, immédiatement, À RENTRER DANS LE MOULE ! QU’ON APPORTE LE MOULE !
LE MAÎTRE — QU’ON APPORTE LE MOULE !



-&-

Charlie Bauer
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Tant de talent d'écriture, sur ce forum...

Parfois, j'en viens à me dire que mes mots viennent rompre à chaque fois, la magie de ce que je peux lire ici.

Je t' applaudis toi, ici, mais je pourrais en faire autant pour les autres ,chacun dans son domaine, avec sa personnalité, masqué ou dévêtu.

Merci, une fois ici, mais elles valent pour toutes les fois ,où je ne viens pas faire écho, à vos mots ,souvent remplis de la magie des âmes et des coeurs.

Bravo.
A toi monsieur renard ,
A vous qui partageais vos écrits ,vos pensées, vos talents.
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merci 😳
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il était sont md le monsieur?
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Alchimie
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Merçi Camarade pour cette belle plaidoirie de Mr Nyme :happy1: :happy1:

Tu m'à bien fait rire avec le fils de Pivot Bernard :laughing1: Ou du transport de Nucléaire :happy5:

Mais le Moule, NONNN pas la moule !!!



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Des plumes de qualité se cachent ici!
@--- ne serais-tu pas écrivain ? En tout cas, c'est très bien écrit, très original!
~
"Un jour viendra, nous aurons des rêves à nouveau. Et le cœur vierge de tout passé nous ouvrirons les yeux sur un nouveau monde..."
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Alchimie a écrit : 19 juin 2020, 11:51 Mais le Moule, NONNN pas la moule !!!
Tout va bien se passer. Aie confiance.
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Alchimie a écrit : 12 juin 2020, 14:57 Ca ma mis une bonne claque, mais finalement c'est un mal pour un bien. j'ai pu prendre du recul et voir les choses différement.

ÉPILOGUE

Jeudi matin

— Arnaud, ça va ?
— Oui ? Ça fait longtemps que je dors ?
— Un jour et demi ! Stéphanie et Jérôme t’ont ramené de la manif… Tu étais … dans un état second, complètement perché.
— On est jeudi ?
— Oui.
[…]
— Je me suis inquiétée, tu avais l’air délirant dans ton sommeil, très tendu et angoissé.
— Ah oui ! Faut que je te raconte.
[…]
— Décidément ! T’es vraiment parano !
Elle explose de rire. Puis me sourit, tendrement.
Si certains sourires vous cachent un cri, quel baume celui-ci m’apporte. Je lui souris et ris.
[…]
« Parano ». Encore.
Peut-être est-ce elle qui me connaît mieux que moi-même ?
Est-ce notre alter ego le plus à même de définir notre propre être ?

---

Jeudi soir

— Au fait, Arnaud, le miroir de l’entrée s’est brisé.
— Ah bon ?
— Oui, en mille morceaux, on dirait un kaléidoscope !
— Comment ça se fait ?
— Aucune idée, je l’ai retrouvée comme ça mardi soir, toujours accroché au mur. Je voulais attendre que tu reviennes pour savoir si on le jette, comme c’est un cadeau de ta mère.
— Non, gardons-le, j’aime bien son côté cubiste.
— Mais on ne se reconnaît plus dedans.
— Hum…

Au contraire, je m’y retrouve tout entier. Multiples facettes de moi-même, d’autres que je ne suis plus et d’autres que je serai. Je suis Arnaud Nyme parmi les Arnaud Nyme, anonyme parmi les anonymes.Je est un autre, et l'autre sont multiples.

Sois tel que tu as appris à te connaître.

Si, aujourd'hui, j'ai du mal à définir qui je suis exactement ni de quoi je suis capable, je sais quelles valeurs me guident et définissent la personne que je veux être. Nous pouvons nous découvrir autant que nous pouvons perdre une part de nous-même dans des circonstances exceptionnelles. La connaissance de soi est une lutte de chaque instant qui répond à une question pourtant simple : que reflètent mes pensées et mes actions de moi-même ?
Ce questionnement de soi est une balance aux mille plateaux dont l’équilibre fragile nous ouvre à une existence aux multiples ramifications possibles.
À être trop sûr de soi, il est aisé de se perdre en chemin. À trop douter, il est difficile de trouver sa route. Se connaître en toutes circonstances est un art martial que peu maîtrisent. C’est la voie que j’ai décidée d’emprunter ; par volonté d’intégrité, de simplicité et de générosité.
C’est ainsi que je continuerai à tirer du positif de chaque situation terrible qui m’assaillira ; c’est ainsi que je continuerai à transformer tous les plombs que je prendrai en pépites d’or.
Voici mon credo.
Voici mon manifeste.
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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Alchimie
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Merçi Frangin, pour ce beau reflet.

Trés touchant :)
Nous sommes la somme de toutes nos pensée, et nous avons pourtant tous une unicité à nous reco-naître...
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