Alors la Poésie est venue

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Nobody
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J’ai mis la main dans la main de la Mort
Il fallait bien fallait bien fallait bien
Depuis ce jour c’est moi que la Mort tient
Fort par la main par la main par la main

J’ai mis la main dans la main de la Mort
Mais je la tiens autant qu’elle me tient
Et ses doigts d’os craquent entre les miens
Quand je m’endors m’endors m’endors m’endors

Ô belle Mort quand nous unit la nuit
Je vois tes yeux à mes yeux qui ressemblent
Et plus qu’à moi comme le cœur te tremble
Quand nous dormons toutes les deux ensemble

Ô belle Nuit belle Nuit belle Nuit
Je vois tes dents à mes dents qui ressemblent
Et de nous deux laquelle plus fort tremble
Et de nous deux laquelle l’autre fuit

Depuis toujours attendant la relève
Tu t’en allais blanche et noire ma Nuit
Prête toujours à celle qui te suit
D’abandonner ta faux contre son rêve

Tu t’en allais blanche et noire portant
Ce faix promis à la reine suivante
Tu t’en allais et qu’il pleuve ou qu’il vente
Tu me cherchais dans la couleur du temps

Bien me voici tu vas dormir ma chère
À ton chevet je vais tenir ta faux
Et que mes doigts abandonnent s’il faut
À tes doigts d’os cette chair de ma chair

Comme jamais s’il ne fût de moi mort
C’est lui mon cœur qui tremble entre mes doigts
C’est lui c’est lui que je veille et non toi
Mon seul amour mon unique remords

Aragon
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La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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Il pleure dans mon cœur

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !

Paul Verlaine
Romances sans paroles (1874)
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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Meduse
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[...]
Souvent parmi les monts qui dominent la terre
S’ouvre un puits naturel, profond et solitaire ;
L’eau qui tombe du ciel s’y garde, obscur miroir
Où, dans le jour, on voit les étoiles du soir.
Là, quand la villageoise a, sous la corde agile,
De l’urne, au fond des eaux, plongé la frêle argile,
Elle y demeure oisive, et contemple longtemps
Ce magique tableau des astres éclatants,
Qui semble orner son front, dans l’onde souterraine,
D’un bandeau qu’enviraient les cheveux d’une Reine.
Telle, au fond du Chaos qu’observaient ses beaux yeux,
La vierge, en se penchant, croyait voir d’autres Cieux.
Ses regards, éblouis par les Soleils sans nombre,
N’apercevaient d’abord qu’un abîme et que l’ombre.
Mais elle y vit bientôt des feux errants et bleus
Tels que des froids marais les éclairs onduleux ;
Ils fuyaient, revenaient, puis échappaient encore ;
Chaque étoile semblait poursuivre un météore ;
Et l’Ange, en souriant au spectacle étranger,
Suivait des yeux leur vol circulaire et léger.
Bientôt il lui sembla qu’une pure harmonie
Sortait de chaque flamme à l’autre flamme unie :
Tel est le choc plaintif et le son vague et clair
Des cristaux suspendus au passage de l’air,
Pour que, dans son palais, la jeune Italienne
S’endorme en écoutant la harpe éolienne.
Ce bruit lointain devint un chant surnaturel
Qui parut s’approcher de la fille du Ciel ;
Et ces feux réunis furent comme l’aurore
D’un jour inespéré qui semblait près d’éclore.
A sa lueur de rose un nuage embaumé
Montait en longs détours dans un air enflammé,
Puis lentement forma sa couche d’ambroisie,
Pareille à ces divans où dort la molle Asie.
Là, comme un ange assis, jeune, triste et charmant,
Une forme céleste apparut vaguement.
Quelquefois un enfant de la Clyde écumeuse,
En bondissant parcourt sa montagne brumeuse,
Et chasse un daim léger que son cor étonna,
Des glaciers de l’Arven aux brouillards du Crona,
Franchit les rocs mousseux, dans les gouffres s’élance,
Pour passer le torrent aux arbres se balance,
Tombe avec un pied sûr, et s’ouvre des chemins
Jusqu’à la neige encor vierge de pas humains ;
Mais bientôt, s’égarant au milieu des nuages,
Il cherche les sentiers voilés par les orages ;
Là, sous un arc-en-ciel qui couronne les eaux,
S’il a vu, dans la nue et ses vagues réseaux,
Passer le plaid léger d’une Écossaise errante,
Et s’il entend sa voix dans les échos mourante,
Il s’arrête enchanté, car il croit que ses yeux
Viennent d’apercevoir la sœur de ses aïeux,
Qui va faire frémir, ombre encore amoureuse,
Sous ses doigts transparents la harpe vaporeuse ;
Il cherche alors comment Ossian la nomma,
Et, debout sur sa roche, appelle Évir-Coma.
Non moins belle apparut, mais non moins incertaine,
De l’ange ténébreux la forme encor lointaine,
Et des enchantements non moins délicieux
De la vierge céleste occupèrent les yeux.

Comme un cygne endormi qui seul, loin de la rive,
Livre son aile blanche à l’onde fugitive,
Le jeune homme inconnu mollement s’appuyait
Sur ce lit de vapeurs qui sous ses bras fuyait.
Sa robe était de pourpre, et, flamboyante ou pâle,
Enchantait les regards des teintes de l’opale.
Ses cheveux étaient noirs, mais pressés d’un bandeau ;
C’était une couronne ou peut-être un fardeau :
L’or en était vivant comme ces feux mystiques
Qui, tournoyants, brûlaient sur les trépieds antiques.
Son aile était ployée, et sa faible couleur
De la brume des soirs imitait la pâleur.
Des diamants nombreux rayonnent avec grâce
Sur ses pieds délicats qu’un cercle d’or embrasse ;
Mollement entourés d’anneaux mystérieux,
Ses bras et tous ses doigts éblouissent les yeux.
Il agite sa main d’un sceptre d’or armée,
Comme un roi qui d’un mont voit passer son Armée,
Et, craignant que ses vœux ne s’accomplissent pas,
D’un geste impatient accuse tous ses pas :
Son front est inquiet ; mais son regard s’abaisse,
Soit que, sachant des yeux la force enchanteresse,
Il veuille ne montrer d’abord que par degrés
Leurs rayons caressants encor mal assurés,
Soit qu’il redoute aussi l’involontaire flamme
Qui dans un seul regard révèle l’âme à l’âme.
Tel que dans la forêt le doux vent du matin
Commence ses soupirs par un bruit incertain
Qui réveille la terre et fait palpiter l’onde ;
Élevant lentement sa voix douce et profonde,
Et prenant un accent triste comme un adieu,
Voici les mots qu’il dit à la fille de Dieu :

« D’où viens-tu, bel Archange ? où vas-tu ? quelle voie
Suit ton aile d’argent qui dans l’air se déploie ?
Vas-tu, te reposant au centre d’un Soleil,
Guider l’ardent foyer de son cercle vermeil ;
Ou, troublant les amants d’une crainte idéale,
Leur montrer dans la nuit l’Aurore boréale ;
Partager la rosée aux calices des fleurs,
Ou courber sur les monts l’écharpe aux sept couleurs ?
Tes soins ne sont-ils pas de surveiller les âmes
Et de parler, le soir, au cœur des jeunes femmes ;
De venir comme un rêve en leurs bras te poser,
Et de leur apporter un fils dans un baiser ?
Tels sont tes doux emplois, si du moins j’en veux croire
Ta beauté merveilleuse et tes rayons de gloire.
Mais plutôt n’es-tu pas un ennemi naissant
Qu’instruit à me haïr mon rival trop puissant ?
Ah ! peut-être est-ce toi qui, m’offensant moi-même,
Conduiras mes Païens sous les eaux du baptême ;
Car toujours l’ennemi m’oppose triomphant
Le regard d’une vierge ou la voix d’un enfant.
Je suis un exilé que tu cherchais peut-être :
Mais, s’il est vrai, prends garde au Dieu jaloux ton maître ;
C’est pour avoir aimé, c’est pour avoir sauvé,
Que je suis malheureux, que je suis réprouvé.
Chaste beauté ! viens-tu me combattre ou m’absoudre ?
Tu descends de ce Ciel qui m’envoya la foudre,
Mais si douce à mes yeux, que je ne sais pourquoi
Tu viens aussi d’en haut, bel Ange, contre moi. »

Ainsi l’esprit parlait. À sa voix caressante,
Prestige préparé contre une âme innocente,
À ces douces lueurs, au magique appareil
De cet ange si doux, à ses frères pareil,
L’habitante des Cieux, de son aile voilée,
Montait en reculant sur sa route étoilée,
Comme on voit la baigneuse au milieu des roseaux
Fuir un jeune nageur qu’elle a vu sous les eaux.
Mais en vain ses deux pieds s’éloignaient du nuage,
Autant que la colombe en deux jours de voyage
Peut s’éloigner d’Alep et de la blanche tour
D’où la sultane envoie une lettre d’amour :
Sous l’éclair d’un regard sa force fut brisée ;
Et, dès qu’il vit ployer son aile maîtrisée,
L’ennemi séducteur continua tout bas :
« Je suis celui qu’on aime et qu’on ne connaît pas.
Sur l’homme j’ai fondé mon empire de flamme,
Dans les désirs du cœur, dans les rêves de l’âme,
Dans les liens des corps, attraits mystérieux,
Dans les trésors du sang, dans les regards des yeux.
C’est moi qui fais parler l’épouse dans ses songes ;
La jeune fille heureuse apprend d’heureux mensonges ;
Je leur donne des nuits qui consolent des jours,
Je suis le Roi secret des secrètes amours.
J’unis les cœurs, je romps les chaînes rigoureuses,
Comme le papillon sur ses ailes poudreuses
Porte aux gazons émus des peuplades de fleurs,
Et leur fait des amours sans périls et sans pleurs.
J’ai pris au Créateur sa faible créature ;
Nous avons, malgré lui, partagé la Nature :
Je le laisse, orgueilleux des bruits du jour vermeil,
Cacher des astres d’or sous l’éclat d’un Soleil ;
Moi, j’ai l’ombre muette, et je donne à la terre
La volupté des soirs et les biens du mystère.
[...]

Éloa ou la Sœur des anges, Alfred de Vigny
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IL MEURT LENTEMENT

Il meurt lentement
Celui qui ne voyage pas,
Celui qui ne lit pas,
Celui qui n’écoute pas de musique,
Celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux.

Il meurt lentement
Celui qui détruit son amour-propre,
Celui qui ne se laisse jamais aider.

Il meurt lentement
Celui qui devient esclave de l’habitude
Refaisant tous les jours les mêmes chemins,
Celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
De ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu.

Il meurt lentement
Celui qui évite la passion
Et son tourbillon d’émotions
Celles qui redonnent la lumière dans les yeux
Et réparent les cœurs blessés.

Il meurt lentement
Celui qui ne change pas de cap
Lorsqu’il est malheureux
Au travail ou en amour,
Celui qui ne prend pas de risques
Pour réaliser ses rêves,
Celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
N’a fui les conseils sensés.

Vis maintenant

Risque-toi aujourd’hui !

Agis tout de suite !

Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d’être heureux !

MARTHA MEDEIROS
MUERE LENTAMENTE

Muere lentamente
quien se transforma en esclavo del hábito,
repitiendo todos los días los mismos trayectos,
quien no cambia de marca.
No arriesga vestir un color nuevo y no le habla a quien no conoce.

Muere lentamente
quien hace de la televisión su gurú.

Muere lentamente
quien evita una pasión,
quien prefiere el negro sobre blanco
y los puntos sobre las “íes” a un remolino de emociones,
justamente las que rescatan el brillo de los ojos,
sonrisas de los bostezos,
corazones a los tropiezos y sentimientos.

Muere lentamente
quien no voltea la mesa cuando está infeliz en el trabajo,
quien no arriesga lo cierto por lo incierto para ir detrás de un sueño,
quien no se permite por lo menos una vez en la vida,
huir de los consejos sensatos.

Muere lentamente
quien no viaja,
quien no lee,
quien no oye música,
quien no encuentra gracia en si mismo.

Muere lentamente
quien destruye su amor propio,
quien no se deja ayudar.

Muere lentamente,
quien pasa los días quejándose de su mala suerte
o de la lluvia incesante.

Muere lentamente,
quien abandona un proyecto antes de iniciarlo,
no preguntando de un asunto que desconoce
o no respondiendo cuando le indagan sobre algo que sabe.

Evitemos la muerte en suaves cuotas,
recordando siempre que estar vivo exige un esfuerzo mucho mayor
que el simple hecho de respirar.
Solamente la ardiente paciencia hará que conquistemos
una espléndida felicidad.
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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@Meduse

J'aime bien cette version de Invictus:


Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbowed.

Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate :
I am the captain of my soul.
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière.

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé.

En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur.

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
Pour la VF, à part le doubleur de Morgan Freeman dans le film Invictus, je n'ai pas trouvé de récitation très sympathique
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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Meduse
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--- a écrit : 01 mars 2020, 10:52 Meduse
J'aime bien cette version de Invictus:
👍
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Aux arbres

Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme !
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous ! - vous m'avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour.
La contemplation m'emplit le coeur d'amour.
Vous m'avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l'esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l'oeil dans l'herbe profonde,
L'étude d'un atome et l'étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu !
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s'élance,
Et je suis plein d'oubli comme vous de silence !
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel ! -
J'ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère !

Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds,
Ravins où l'on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives !
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime !
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt ! c'est dans votre ombre et dans votre mystère,
C'est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m'endormirai.

Victor Hugo
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BEATITUDE DES LIMBES !

La nuit est une nappe d’huile silencieuse et parfumée qui s’écoule oindre les pieds pâles de la veilleuse de ma lampe allumée par les aveugles.

Ma merveilleuse tient dans sa blancheur les fils de la vierge, avec ses doigts de cire onglée de lumière elle tient comme un cierge une quenouille de lait dans les ténèbres.

Ma fileuse étoilée verse avec ses mains d’or et d’argent les flammes touffues de la laine qui se tord sur le rouet des images, comme on voit dans les nuages une lampe au fil de l’eau qui tourne et file toute vie sans rien dire.

Eternelle sur la côte bat la mer, sur la côte bat l’horloge de la mer qui roule les galets du temps perdu, qui déroule avec des mensonges, avec des songes, le fil des heures du glauque radical de l’être : l’œuf de perle qui tourne en silence son cocon.

Les fileuses légendaires ont mis en veilleuse leurs rouets de hasard dans l’aurore, le chœur des fileuses chante parmi les lampes d’or sur le sable écoulé.

Stan
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LLAGAS DE AMOR
Plaies d’amour


Esta luz, este fuego que devora.
Cette lumière, ce feu qui dévore.
Este paisaje gris que me rodea.
Ce paysage gris tout autour de moi.
Este dolor por una sola idea.
Cette douleur pour une seule idée.
Esta angustia de cielo, mundo y hora.
Cette angoisse du ciel, du monde et du temps.

Este llanto de sangre que decora
Ces pleurs de sang qui décorent
lira sin pulso ya, lúbrica tea.
Une lyre sans pouls, torche lascive,
Este peso del mar que me golpea.
Ce poids de la mer qui me frappe,
Este alacrán que por mi pecho mora.
Ce scorpion qui vit, lové dans ma poitrine,

Son guirnalda de amor, cama de herido,
Ce sont guirlande d’amour, lit de malheur,
donde sin sueño, sueño tu presencia
Où sans rêver, je rêve ta présence
entre las ruinas de mi pecho hundido.
Parmi les ruines de ma poitrine engloutie.

Y aunque busco la cumbre de prudencia
Et pendant que je cherche le sommet de la prudence
me da tu corazón valle tendido
Ton cœur ne me donne que des vallées envahies
con cicuta y pasión de amarga ciencia.
De ciguës et la passion de l’amère science.

Federico García Lorca
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C'est la saint Stanislas

Magie de la solitude

Je repasserai une autre fois Bord de l’eau, insomnie, crépuscule des prés Prairie, torturante exiguïté Moi, Domino, la dernière parque sur la pente fatale c’est là où je commence, parqué d’une

L’eau, surface étonnante, dernière extrêmité, branche morte de mes regards commence mon personnage, depuis des fleurs mortes Ligne d’eucalyptus mensongère Je me suis enfermé dans une image Pentacle de l’existence, aussi secret que le tango, perspective absolue.

Vodoo vodoo image de la magie, la nymphomort.

Les espaces blancs commencent, Point des brumes, le mystère du malheur, souvenir de ces heures inquiètes, clair de terre dont il reste les lucioles
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Sourire dans la Mort

Le charme maladif des musiques moroses
Ici ne convient point à l’auguste trépas.
Venez, il faut couvrir de rythmes et de roses
La maison du Poète, où le deuil n’entre pas !

Que, parmi le reflux des clartés, se déploie
La pompe des parfums, des chants et des couleurs :
Avec des cris d’orgueil, d’espérance et de joie,
Jetez à pleines mains les fleurs, les fleurs, les fleurs !

Dédaignant le reflet de l’amertume ancienne,
Son front large rayonne avec sérénité…
Il dort divinement sa nuit olympienne,
Et son baiser d’amour étreint l’éternité.

Renée Vivien
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LE POISON

Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D'un luxe miraculeux
Et fait surgir plus d'un portique fabuleux
Dans l'or de sa vapeur rouge,
Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.

L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes
Allonge l'illimité,
Approfondit le temps, creuse la volupté,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l'âme au-delà de sa capacité.

Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.

Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
De ta salive qui mord,
Qui plonge dans l'oubli mon âme sans remord,
Et, charriant le vertige,
La roule défaillante aux rives de la mort !

Charles Baudelaire
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Ils sont venus avec des fleurs

Ils sont venus avec des fleurs
Avec des chansons de voleurs
Et des étoffes de couleur
Le jour les fuit la nuit les craint
Plus pâle que leurs tambourins
Leur lèvre a goût de romarin
Et leurs baisers saignent la mûre
A peine il frappe la mesure
Leur pied a perdu sa chaussure
Dansant déjà comme on gémit
Entre les bras de son amie
Et déjà la terre en frémit
La voix leur sort on dirait l'âme
On dirait du fourreau la lame
On dirait du ventre la flamme
Ils ont les yeux de l'Arabie
Ces garçons pareils au pain bis
Si prompts à quitter leurs habits
Comme un fleuve sort de ses rives
Qu'on les prendrait pour la chaux vive
Car l'eau même leur est lascive
Ô trouble d'un soir étoilé
Vous qui semblez vous qui semblez
Cruelle ivraie à qui s'enivre
rien qu'à vous voir le cœur se livre
Le cœur se meurt à vous voir vivre

Louis Aragon / Gérard-André Gaillard
Alaric

Place de la Gare, à Charleville.

Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

- L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînant leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : " En somme !..."

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d'où le tabac par brins
Déborde - vous savez, c'est de la contrebande ; -

Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...

- Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.

J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
- Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
- Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres.

Arthur Rimbaud
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