Alors la Poésie est venue
La plume, seul débris qui restât des deux ailes
De l’archange englouti dans les nuits éternelles,
Etait toujours au bord du gouffre ténébreux.
Les morts laissent ainsi quelquefois derrière eux
Quelque chose d’eux-mêmes au seuil de la nuit triste,
Sorte de lueur vague et sombre, qui persiste.
Cette plume avait-elle une âme ? qui le sait ?
Elle avait un aspect étrange ; elle gisait
Et rayonnait ; c’était de la clarté tombée.
Les anges la venaient voir à la dérobée.
Elle leur rappelait le grand Porte-Flambeau ;
Ils l’admiraient, pensant à cet être si beau
Plus hideux maintenant que l’hydre et le crotale ;
Ils songeaient à Satan dont la blancheur fatale,
D’abord ravissement, puis terreur du ciel bleu,
Fut monstrueuse au point de s’égaler à Dieu.
Cette plume faisait revivre l’envergure
De l’Ange, colossale et hautaine figure ;
Elle couvrait d’éclairs splendides le rocher ;
Parfois les séraphins, effarés d’approcher
De ces bas-fonds où l’âme en dragon se transforme,
Reculaient, aveuglés par sa lumière énorme ;
Une flamme semblait flotter dans son duvet ;
On sentait, à la voir frissonner, qu’elle avait
Fait partie autrefois d’une aile révoltée ;
Le jour, la nuit, la foi tendre, l’audace athée,
La curiosité des gouffres, les essors
Démesurés, bravant les hasards et les sorts,
L’onde et l’air, la sagesse auguste, la démence,
Palpitaient vaguement dans cette plume immense ;
Mais dans son ineffable et sourd frémissement,
Au souffle de l’abîme, au vent du firmament,
On sentait plus d’amour encor que de tempête.
Et sans cesse, tandis que sur l’éternel faîte
Celui qui songe à tous pensait dans sa bonté,
La plume du plus grand des anges, rejeté
Hors de la conscience et hors de l’harmonie,
Frissonnait, près du puits de la chute infinie,
Entre l’abîme plein de noirceur et les cieux.
Tout à coup un rayon de l’œil prodigieux
Qui fit le monde avec du jour, tomba sur elle.
Sous ce rayon, lueur douce et surnaturelle,
La plume tressaillit, brilla, vibra, grandit,
Prit une forme et fut vivante, et l’on eût dit
Un éblouissement qui devient une femme.
Avec le glissement mystérieux d’une âme,
Elle se souleva debout, et, se dressant,
Eclaira l’infini d’un sourire innocent.
Et les anges tremblants d’amour la regardèrent.
Les chérubins jumeaux qui l’un à l’autre adhèrent,
Les groupes constellés du matin et du soir,
Les Vertus, les Esprits, se penchèrent pour voir
Cette sœur de l’enfer et du paradis naître.
Jamais le ciel sacré n’avait contemplé d’être
Plus sublime au milieu des souffles et des voix.
En la voyant si fière et si pure à la fois,
La pensée hésitait entre l’aigle et la vierge ;
Sa face, défiant le gouffre qui submerge,
Mêlant l’embrasement et le rayonnement,
Flamboyait, et c’était, sous un sourcil charmant,
Le regard de la foudre avec l’œil de l’aurore.
L’archange du soleil, qu’un feu céleste dore,
Dit : — De quel nom faut-il nommer cet ange, ô Dieu ?
Alors, dans l’absolu que l’Etre a pour milieu,
On entendit sortir des profondeurs du Verbe
Ce mot qui, sur le front du jeune ange superbe
Encor vague et flottant dans la vaste clarté,
Fit tout à coup éclore un astre : — Liberté
Victor Hugo
La fin de Satan
De l’archange englouti dans les nuits éternelles,
Etait toujours au bord du gouffre ténébreux.
Les morts laissent ainsi quelquefois derrière eux
Quelque chose d’eux-mêmes au seuil de la nuit triste,
Sorte de lueur vague et sombre, qui persiste.
Cette plume avait-elle une âme ? qui le sait ?
Elle avait un aspect étrange ; elle gisait
Et rayonnait ; c’était de la clarté tombée.
Les anges la venaient voir à la dérobée.
Elle leur rappelait le grand Porte-Flambeau ;
Ils l’admiraient, pensant à cet être si beau
Plus hideux maintenant que l’hydre et le crotale ;
Ils songeaient à Satan dont la blancheur fatale,
D’abord ravissement, puis terreur du ciel bleu,
Fut monstrueuse au point de s’égaler à Dieu.
Cette plume faisait revivre l’envergure
De l’Ange, colossale et hautaine figure ;
Elle couvrait d’éclairs splendides le rocher ;
Parfois les séraphins, effarés d’approcher
De ces bas-fonds où l’âme en dragon se transforme,
Reculaient, aveuglés par sa lumière énorme ;
Une flamme semblait flotter dans son duvet ;
On sentait, à la voir frissonner, qu’elle avait
Fait partie autrefois d’une aile révoltée ;
Le jour, la nuit, la foi tendre, l’audace athée,
La curiosité des gouffres, les essors
Démesurés, bravant les hasards et les sorts,
L’onde et l’air, la sagesse auguste, la démence,
Palpitaient vaguement dans cette plume immense ;
Mais dans son ineffable et sourd frémissement,
Au souffle de l’abîme, au vent du firmament,
On sentait plus d’amour encor que de tempête.
Et sans cesse, tandis que sur l’éternel faîte
Celui qui songe à tous pensait dans sa bonté,
La plume du plus grand des anges, rejeté
Hors de la conscience et hors de l’harmonie,
Frissonnait, près du puits de la chute infinie,
Entre l’abîme plein de noirceur et les cieux.
Tout à coup un rayon de l’œil prodigieux
Qui fit le monde avec du jour, tomba sur elle.
Sous ce rayon, lueur douce et surnaturelle,
La plume tressaillit, brilla, vibra, grandit,
Prit une forme et fut vivante, et l’on eût dit
Un éblouissement qui devient une femme.
Avec le glissement mystérieux d’une âme,
Elle se souleva debout, et, se dressant,
Eclaira l’infini d’un sourire innocent.
Et les anges tremblants d’amour la regardèrent.
Les chérubins jumeaux qui l’un à l’autre adhèrent,
Les groupes constellés du matin et du soir,
Les Vertus, les Esprits, se penchèrent pour voir
Cette sœur de l’enfer et du paradis naître.
Jamais le ciel sacré n’avait contemplé d’être
Plus sublime au milieu des souffles et des voix.
En la voyant si fière et si pure à la fois,
La pensée hésitait entre l’aigle et la vierge ;
Sa face, défiant le gouffre qui submerge,
Mêlant l’embrasement et le rayonnement,
Flamboyait, et c’était, sous un sourcil charmant,
Le regard de la foudre avec l’œil de l’aurore.
L’archange du soleil, qu’un feu céleste dore,
Dit : — De quel nom faut-il nommer cet ange, ô Dieu ?
Alors, dans l’absolu que l’Etre a pour milieu,
On entendit sortir des profondeurs du Verbe
Ce mot qui, sur le front du jeune ange superbe
Encor vague et flottant dans la vaste clarté,
Fit tout à coup éclore un astre : — Liberté
Victor Hugo
La fin de Satan
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
Sacre et Massacre de L'Amour
I
À l'orient pâle où l'éther agonise
À l'occident des nuits des grandes eaux
Au septentrion des tourbillons et des tempêtes
Au sud béni de la cendre des morts
Aux quatre faces bestiales de l'horizon
Devant la face du taureau
Devant la face du lion
Devant la face de l'aigle
Devant la face d'homme inachevée toujours
Et sans trêve pétrie par la douleur de vivre
Au cœur de la colombe
Dans l'anneau du serpent
Du miel du ciel au sel des mers
Seul symbole vivant de l'espace femelle
Corps de femme étoile
Urne et forme des mondes
Corps d'azur en forme de ciel
II
Territoire fantôme des enfants de la nuit
Lieu de l'absence du silence et des ombres
Tout l'espace et ce qu'il enserre
Est un trou noir dans le blanc plein
Comme la caverne des mondes
Tout le corps de la femme est un vide à combler
III
L'aube froide
Des ténèbres pâles
Inonde les pôles
Du ciel et de la chair
Des courants souterrains de la chair et des astres
Au fond des corps de terre
Les tremblements de terre
Et les failles où vont les volcans du délire
Tonner
Entez sur le trépied
Celle qui hurle
La bouche mangée
Par l'amertume
En flammes du laurier de gloire
Écume
De la colère des mers
La femme à chevelure
D'orages
Aux yeux d'éclipsé
Aux mains d'étoiles rayonnantes
À la chair tragique vêtue de la soie des frissons
À la face sculptée au marbre de l'effroi
Aux pieds de lune et de soleil
À la démarche d'océan
Aux reins mouvants de vive houle
Ample et palpitante
Son corps est le corps de la nuit
Flamme noire et double mystère
De son inverse identité qui resplendit
Sur le miroir des grandes eaux
IV
Visitation blême au désert de l'amour
Aveugle prophétesse au regard de cristal
Que les oreilles de ton cœur
Entendent rugir les lions intérieurs
Du cœur
Le grand voile de brume rouge et la rumeur
Du sang brûlé par le poison des charmes
Et les prestiges du désir
Suscitant aux détours de ta gorge nocturne
La voracité des vampires
Danse immense des gravitations nuptiales
Aux palpitations des mondes et des mers
Au rythme des soleils du cœur et des sanglots
Vers le temple perdu dans l'abîme oublié
Vers la caverne médusante qu'enfanta
L'ombre panique dans la première nuit du monde
Voici l'appel la trombe et le vol des semences
L'appel au fond de tout du centre souterrain
Danseuse unissant la nuit à l'eau-mère
Végétal unissant la terre au sang du ciel
V
Comme
Antée reprend vie au contact de la terre
Le vide reprend vie au contact de la chair
Je viens dans ton sein accomplir le rite
Le rythmique retour au pays d'avant-naître
Le signe animal de l'extase ancienne
Je viens dans ton sein déposer l'offrande
Du baume et du venin
Aveugle anéanti dans les caves de l'être
VI
Mais qui saurait forcer le masque de ta face
Et l'opaque frontière des peaux
Atteindre le point nul en soi-même vibrant
Au centre le point mort et père des frissons
Roulant à l'infini leurs ondes circulaires
Tout immobile au fond du cœur l'astre absolu
Le point vide support de la vie et des formes
Qui deviennent selon le cercle des tourments
Le secret des métamorphoses aveugles
D'où vient l'espoir désespéré
D'amour anéanti dans une double absence
Au sommet foudroyé du délire
Acte androgyne d'unité
Que l'homme avait à jamais oublié
Avant la naissance du monde
Avant l'hémorragie
Avant la tête
VII
Paroles du
Thibet
Il est dit autrefois
Qu'errant éperdue dans l'informe
Éparse dans l'obscurité
La pauvre ombre sans graisse du mort
La bouche pleine de terre
Dans le noir sans mémoire tourbillonne il fait froid
L'espace ne connaît que le glissement glacé des larves
Soudain
Si phalène que tente une lueur lointaine
Elle aperçoit la caverne enchantée
Le paradis illuminé des gemmes chaudes
Le règne des splendeurs et des béatitudes
Aux confins du désir essentiel
Qui jamais satisfait perpétuel se comble
À l'appel enivrant d'odeurs vertigineuses
Qu'elle y entre
Ombre morte
Et s'endorme
Pour se réveiller à jamais enchaînée
Engluée aux racines d'un ventre
Fœtus hideux voué pour une vie encore
Au désespoir des générations
Roulé par la roue de l'horreur de vivre
Du vieux fœtus aïeul À notre mère putride
La pourriture aïeule
En robe de phosphore
La reine démente
Qui fait et défait
Les destins et les formes
Et du corps étoile
De l'éternelle femme
Livre les ossements à l'honneur de la cendre
Impose à l'orgueil de statue des chairs
L'horizontalité effroyable de l'eau
Roger Gilbert-Lecomte
I
À l'orient pâle où l'éther agonise
À l'occident des nuits des grandes eaux
Au septentrion des tourbillons et des tempêtes
Au sud béni de la cendre des morts
Aux quatre faces bestiales de l'horizon
Devant la face du taureau
Devant la face du lion
Devant la face de l'aigle
Devant la face d'homme inachevée toujours
Et sans trêve pétrie par la douleur de vivre
Au cœur de la colombe
Dans l'anneau du serpent
Du miel du ciel au sel des mers
Seul symbole vivant de l'espace femelle
Corps de femme étoile
Urne et forme des mondes
Corps d'azur en forme de ciel
II
Territoire fantôme des enfants de la nuit
Lieu de l'absence du silence et des ombres
Tout l'espace et ce qu'il enserre
Est un trou noir dans le blanc plein
Comme la caverne des mondes
Tout le corps de la femme est un vide à combler
III
L'aube froide
Des ténèbres pâles
Inonde les pôles
Du ciel et de la chair
Des courants souterrains de la chair et des astres
Au fond des corps de terre
Les tremblements de terre
Et les failles où vont les volcans du délire
Tonner
Entez sur le trépied
Celle qui hurle
La bouche mangée
Par l'amertume
En flammes du laurier de gloire
Écume
De la colère des mers
La femme à chevelure
D'orages
Aux yeux d'éclipsé
Aux mains d'étoiles rayonnantes
À la chair tragique vêtue de la soie des frissons
À la face sculptée au marbre de l'effroi
Aux pieds de lune et de soleil
À la démarche d'océan
Aux reins mouvants de vive houle
Ample et palpitante
Son corps est le corps de la nuit
Flamme noire et double mystère
De son inverse identité qui resplendit
Sur le miroir des grandes eaux
IV
Visitation blême au désert de l'amour
Aveugle prophétesse au regard de cristal
Que les oreilles de ton cœur
Entendent rugir les lions intérieurs
Du cœur
Le grand voile de brume rouge et la rumeur
Du sang brûlé par le poison des charmes
Et les prestiges du désir
Suscitant aux détours de ta gorge nocturne
La voracité des vampires
Danse immense des gravitations nuptiales
Aux palpitations des mondes et des mers
Au rythme des soleils du cœur et des sanglots
Vers le temple perdu dans l'abîme oublié
Vers la caverne médusante qu'enfanta
L'ombre panique dans la première nuit du monde
Voici l'appel la trombe et le vol des semences
L'appel au fond de tout du centre souterrain
Danseuse unissant la nuit à l'eau-mère
Végétal unissant la terre au sang du ciel
V
Comme
Antée reprend vie au contact de la terre
Le vide reprend vie au contact de la chair
Je viens dans ton sein accomplir le rite
Le rythmique retour au pays d'avant-naître
Le signe animal de l'extase ancienne
Je viens dans ton sein déposer l'offrande
Du baume et du venin
Aveugle anéanti dans les caves de l'être
VI
Mais qui saurait forcer le masque de ta face
Et l'opaque frontière des peaux
Atteindre le point nul en soi-même vibrant
Au centre le point mort et père des frissons
Roulant à l'infini leurs ondes circulaires
Tout immobile au fond du cœur l'astre absolu
Le point vide support de la vie et des formes
Qui deviennent selon le cercle des tourments
Le secret des métamorphoses aveugles
D'où vient l'espoir désespéré
D'amour anéanti dans une double absence
Au sommet foudroyé du délire
Acte androgyne d'unité
Que l'homme avait à jamais oublié
Avant la naissance du monde
Avant l'hémorragie
Avant la tête
VII
Paroles du
Thibet
Il est dit autrefois
Qu'errant éperdue dans l'informe
Éparse dans l'obscurité
La pauvre ombre sans graisse du mort
La bouche pleine de terre
Dans le noir sans mémoire tourbillonne il fait froid
L'espace ne connaît que le glissement glacé des larves
Soudain
Si phalène que tente une lueur lointaine
Elle aperçoit la caverne enchantée
Le paradis illuminé des gemmes chaudes
Le règne des splendeurs et des béatitudes
Aux confins du désir essentiel
Qui jamais satisfait perpétuel se comble
À l'appel enivrant d'odeurs vertigineuses
Qu'elle y entre
Ombre morte
Et s'endorme
Pour se réveiller à jamais enchaînée
Engluée aux racines d'un ventre
Fœtus hideux voué pour une vie encore
Au désespoir des générations
Roulé par la roue de l'horreur de vivre
Du vieux fœtus aïeul À notre mère putride
La pourriture aïeule
En robe de phosphore
La reine démente
Qui fait et défait
Les destins et les formes
Et du corps étoile
De l'éternelle femme
Livre les ossements à l'honneur de la cendre
Impose à l'orgueil de statue des chairs
L'horizontalité effroyable de l'eau
Roger Gilbert-Lecomte
Je contemple souvent le ciel de ma mémoire
Le temps efface tout comme effacent les vagues
Les travaux des enfants sur le sable aplani
Nous oublierons ces mots si précis et si vagues
Derrière qui chacun nous sentions l’infini.
Le temps efface tout il n’éteint pas les yeux
Qu’ils soient d’opale ou d’étoile ou d’eau claire
Beaux comme dans le ciel ou chez un lapidaire
Ils brûleront pour nous d’un feu triste ou joyeux.
Les uns joyaux volés de leur écrin vivant
Jetteront dans mon coeur leurs durs reflets de pierre
Comme au jour où sertis, scellés dans la paupière
Ils luisaient d’un éclat précieux et décevant.
D’autres doux feux ravis encor par Prométhée
Étincelle d’amour qui brillait dans leurs yeux
Pour notre cher tourment nous l’avons emportée
Clartés trop pures ou bijoux trop précieux.
Constellez à jamais le ciel de ma mémoire
Inextinguibles yeux de celles que j’aimai
Rêvez comme des morts, luisez comme des gloires
Mon coeur sera brillant comme une nuit de Mai.
L’oubli comme une brume efface les visages
Les gestes adorés au divin autrefois,
Par qui nous fûmes fous, par qui nous fûmes sages
Charmes d’égarement et symboles de foi.
Le temps efface tout l’intimité des soirs
Mes deux mains dans son cou vierge comme la neige
Ses regards caressants mes nerfs comme un arpège
Le printemps secouant sur nous ses encensoirs.
D’autres, les yeux pourtant d’une joyeuse femme,
Ainsi que des chagrins étaient vastes et noirs
Épouvante des nuits et mystère des soirs
Entre ces cils charmants tenait toute son âme
Et son coeur était vain comme un regard joyeux.
D’autres comme la mer si changeante et si douce
Nous égaraient vers l’âme enfouie en ses yeux
Comme en ces soirs marins où l’inconnu nous pousse.
Mer des yeux sur tes eaux claires nous naviguâmes
Le désir gonflait nos voiles si rapiécées
Nous partions oublieux des tempêtes passées
Sur les regards à la découverte des âmes.
Tant de regards divers, les âmes si pareilles
Vieux prisonniers des yeux nous sommes bien déçus
Nous aurions dû rester à dormir sous la treille
Mais vous seriez parti même eussiez-vous tout su
Pour avoir dans le coeur ces yeux pleins de promesses
Comme une mer le soir rêveuse de soleil
Vous avez accompli d’inutiles prouesses
Pour atteindre au pays de rêve qui, vermeil,
Se lamentait d’extase au-delà des eaux vraies
Sous l’arche sainte d’un nuage cru prophète
Mais il est doux d’avoir pour un rêve ces plaies
Et votre souvenir brille comme une fête.
Marcel Proust
Le temps efface tout comme effacent les vagues
Les travaux des enfants sur le sable aplani
Nous oublierons ces mots si précis et si vagues
Derrière qui chacun nous sentions l’infini.
Le temps efface tout il n’éteint pas les yeux
Qu’ils soient d’opale ou d’étoile ou d’eau claire
Beaux comme dans le ciel ou chez un lapidaire
Ils brûleront pour nous d’un feu triste ou joyeux.
Les uns joyaux volés de leur écrin vivant
Jetteront dans mon coeur leurs durs reflets de pierre
Comme au jour où sertis, scellés dans la paupière
Ils luisaient d’un éclat précieux et décevant.
D’autres doux feux ravis encor par Prométhée
Étincelle d’amour qui brillait dans leurs yeux
Pour notre cher tourment nous l’avons emportée
Clartés trop pures ou bijoux trop précieux.
Constellez à jamais le ciel de ma mémoire
Inextinguibles yeux de celles que j’aimai
Rêvez comme des morts, luisez comme des gloires
Mon coeur sera brillant comme une nuit de Mai.
L’oubli comme une brume efface les visages
Les gestes adorés au divin autrefois,
Par qui nous fûmes fous, par qui nous fûmes sages
Charmes d’égarement et symboles de foi.
Le temps efface tout l’intimité des soirs
Mes deux mains dans son cou vierge comme la neige
Ses regards caressants mes nerfs comme un arpège
Le printemps secouant sur nous ses encensoirs.
D’autres, les yeux pourtant d’une joyeuse femme,
Ainsi que des chagrins étaient vastes et noirs
Épouvante des nuits et mystère des soirs
Entre ces cils charmants tenait toute son âme
Et son coeur était vain comme un regard joyeux.
D’autres comme la mer si changeante et si douce
Nous égaraient vers l’âme enfouie en ses yeux
Comme en ces soirs marins où l’inconnu nous pousse.
Mer des yeux sur tes eaux claires nous naviguâmes
Le désir gonflait nos voiles si rapiécées
Nous partions oublieux des tempêtes passées
Sur les regards à la découverte des âmes.
Tant de regards divers, les âmes si pareilles
Vieux prisonniers des yeux nous sommes bien déçus
Nous aurions dû rester à dormir sous la treille
Mais vous seriez parti même eussiez-vous tout su
Pour avoir dans le coeur ces yeux pleins de promesses
Comme une mer le soir rêveuse de soleil
Vous avez accompli d’inutiles prouesses
Pour atteindre au pays de rêve qui, vermeil,
Se lamentait d’extase au-delà des eaux vraies
Sous l’arche sainte d’un nuage cru prophète
Mais il est doux d’avoir pour un rêve ces plaies
Et votre souvenir brille comme une fête.
Marcel Proust
Federico García Lorca : Je prononce ton nom
Je prononce ton nom
Pendant les nuits obscures,
Lorsque les astres viennent
S’abreuver à la lune
Et que dorment les branches
Des frondaisons cachées.
Et je me sens miné
D’amour et de musique.
Folle montre qui chante
De vieilles heures mortes !
Je prononce ton nom
Dans cette nuit obscure
Et ton nom me paraît
Plus lointain que jamais.
Plus lointain que toutes les étoiles
Et plus dolent que la pluie docile.
T’aimerai-je comme hier
De nouveau ? Quelle faute
Mon cœur a-t-il commise ?
Si se lève la brume,
Quel autre amour m’attend ?
Sera-t-il calme et pur ?
Que ne peuvent mes doigts
Ah ! effeuiller la lune !
Je prononce ton nom
Pendant les nuits obscures,
Lorsque les astres viennent
S’abreuver à la lune
Et que dorment les branches
Des frondaisons cachées.
Et je me sens miné
D’amour et de musique.
Folle montre qui chante
De vieilles heures mortes !
Je prononce ton nom
Dans cette nuit obscure
Et ton nom me paraît
Plus lointain que jamais.
Plus lointain que toutes les étoiles
Et plus dolent que la pluie docile.
T’aimerai-je comme hier
De nouveau ? Quelle faute
Mon cœur a-t-il commise ?
Si se lève la brume,
Quel autre amour m’attend ?
Sera-t-il calme et pur ?
Que ne peuvent mes doigts
Ah ! effeuiller la lune !
L’affaire se complique de Jean Tardieu
Qu’est-ce que c’est
que tout ceci
Qui va d’ici
Jusque là-bas ?
Ho-ho par ci !
Hou-hou par là !
Qui est ici ?
Et qui va là ?
Je dis : hé-là !
Mais c’est pour qui ?
Et pourquoi qui
Et pourquoi quoi ?
Quoi est à qui ?
A vous ? A lui ?
Qui vous l’a dit ?
Ce n’est pas moi
(ni moi non plus)
ni moi ni moi
Qu’est-ce que c’est
que tout ceci
Qui va d’ici
Jusque là-bas ?
Ho-ho par ci !
Hou-hou par là !
Qui est ici ?
Et qui va là ?
Je dis : hé-là !
Mais c’est pour qui ?
Et pourquoi qui
Et pourquoi quoi ?
Quoi est à qui ?
A vous ? A lui ?
Qui vous l’a dit ?
Ce n’est pas moi
(ni moi non plus)
ni moi ni moi
"Je chante ce soir non ce que nous devons combattre
Mais ce que nous devons défendre.
Les plaisirs de la vie.
Le vin qu'on boit avec des camarades.
L'amour.
Le feu en hiver.
La rivière fraîche en été.
La viande et le pain de chaque repas.
Le refrain que l'on chante en marchant sur la route.
Le lit où l'on dort.
Le sommeil, sans réveils en sursaut, sans angoisse du lendemain.
Le loisir.
La liberté de changer de ciel.
Le sentiment de la dignité et beaucoup d'autres choses
Dont on ose refuser la possession aux hommes."
ROBERT DESNOS, Extrait de "Chant pour la belle saison" , 1938
Mais ce que nous devons défendre.
Les plaisirs de la vie.
Le vin qu'on boit avec des camarades.
L'amour.
Le feu en hiver.
La rivière fraîche en été.
La viande et le pain de chaque repas.
Le refrain que l'on chante en marchant sur la route.
Le lit où l'on dort.
Le sommeil, sans réveils en sursaut, sans angoisse du lendemain.
Le loisir.
La liberté de changer de ciel.
Le sentiment de la dignité et beaucoup d'autres choses
Dont on ose refuser la possession aux hommes."
ROBERT DESNOS, Extrait de "Chant pour la belle saison" , 1938
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
« Ne fais pas attention à moi
Je viens d’une autre planète
Je vois toujours des horizons où tu dessines des frontières »
[Frida Kahlo]
Je viens d’une autre planète
Je vois toujours des horizons où tu dessines des frontières »
[Frida Kahlo]
"la vie dans les siècles comme une étoile filante"
" je resterai là comme est celui qui rêve sans dommage sur les bords de la mer où recommence la vie, seul ou presque sur le vieux littoral parmi les ruines d'anciennes civilisations (...)je commencerai peu à peu à me décomposer à la lumière déchirante de cette mer, poètes et citoyens oubliés..."
" je resterai là comme est celui qui rêve sans dommage sur les bords de la mer où recommence la vie, seul ou presque sur le vieux littoral parmi les ruines d'anciennes civilisations (...)je commencerai peu à peu à me décomposer à la lumière déchirante de cette mer, poètes et citoyens oubliés..."
.
.
Ils s’aiment – Daniel Lavoie – Reprise de Pomme et Safia Nolin
Les enfants qui s’aiment – Jacques Prévert
Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout
Contre les portes de la nuit
Et les passants qui passent les désignent du doigt
Mais les enfants qui s’aiment
Ne sont là pour personne
Et c’est seulement leur ombre
Qui tremble dans la nuit
Excitant la rage des passants
Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie
Les enfants qui s’aiment ne sont là pour personne
Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit
Bien plus haut que le jour
Dans l’éblouissante clarté de leur premier amour.
A cœur perdu – Jindrich Streit
La croisade des enfants – Jacques Higelin
.
.
.
Ils s’aiment – Daniel Lavoie – Reprise de Pomme et Safia Nolin
Les enfants qui s’aiment – Jacques Prévert
Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout
Contre les portes de la nuit
Et les passants qui passent les désignent du doigt
Mais les enfants qui s’aiment
Ne sont là pour personne
Et c’est seulement leur ombre
Qui tremble dans la nuit
Excitant la rage des passants
Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie
Les enfants qui s’aiment ne sont là pour personne
Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit
Bien plus haut que le jour
Dans l’éblouissante clarté de leur premier amour.
A cœur perdu – Jindrich Streit
La croisade des enfants – Jacques Higelin
.
.
"""Proche et insaisissable
(Hommage à Hölderlin)
Joconde sourire
au déchirement paisible
& Christ amour à sauver.
Entre la distance & l’écart ;
la proximité aveuglée
par le tissu de la mer.
Trop évident ciel
sa beauté d’être bleu
inonde celui qui voit.
Proche
insaisissable
en épiphanies qui brûlent.
La présence d’un ciel
dans l’éclat de ces yeux
fera-t-elle retour ?
Dans l’attente parmi
les oiseaux bavards de l’aube
qui signe & veille
sur les montagnes du temps
chose nouvelle ; amour ?
Si la proximité n’existe que dans l’écart
chaque ici séjourne
dans le lointain.
Seul et jamais seul
dans le trait que laisse le retrait ;
amour comme
surprise de l’événement.
Le surcroît qui ne peut être demandé
répond pourtant à un désir.
Science des couleurs & des sons
qu’est l’absence quand le cœur au secret
acquiesce à la beauté ;
bouche belle d’un baiser
sous l’œil peint d’eau pure.
Le son réconcilié d’une voix
le baiser
au bord du silence
& la caresse ne se saisit de rien
elle sollicite ce qui s’échappe.
Se simplifier
en oubliant son ombre
en offrant :
transparence
légèreté
absence
& le retour
à la lumière du jour."""
Pascal Boulanger
(Hommage à Hölderlin)
Joconde sourire
au déchirement paisible
& Christ amour à sauver.
Entre la distance & l’écart ;
la proximité aveuglée
par le tissu de la mer.
Trop évident ciel
sa beauté d’être bleu
inonde celui qui voit.
Proche
insaisissable
en épiphanies qui brûlent.
La présence d’un ciel
dans l’éclat de ces yeux
fera-t-elle retour ?
Dans l’attente parmi
les oiseaux bavards de l’aube
qui signe & veille
sur les montagnes du temps
chose nouvelle ; amour ?
Si la proximité n’existe que dans l’écart
chaque ici séjourne
dans le lointain.
Seul et jamais seul
dans le trait que laisse le retrait ;
amour comme
surprise de l’événement.
Le surcroît qui ne peut être demandé
répond pourtant à un désir.
Science des couleurs & des sons
qu’est l’absence quand le cœur au secret
acquiesce à la beauté ;
bouche belle d’un baiser
sous l’œil peint d’eau pure.
Le son réconcilié d’une voix
le baiser
au bord du silence
& la caresse ne se saisit de rien
elle sollicite ce qui s’échappe.
Se simplifier
en oubliant son ombre
en offrant :
transparence
légèreté
absence
& le retour
à la lumière du jour."""
Pascal Boulanger
Îl est une lune
Perdue dans un désert
Son coeur rouge flamme
Aime l'orange amère
Elle est un Soleîl
Perdu dans son Désir
Elle est son paysage
Et l'air qu'îl respire
Îl si loin d'elle
Regarde son dilemme
Malgré sa solitude
C'est la seule qu'îl aime
Toi qui m'entends
Toi qui m'entends
Toi qui mens
Tant
Îl s'affole et griffe
Au fond des haut-parleurs
Les aigus qui grésillent
C'est pour toucher ton coeur
Toi qui m'entends
Toi qui m'entends
Toi qui mens
Tant
Entends ce son qui monte
Îl fait monter mes larmes
Sais-tu ce qu'îl raconte?
Sais-tu ce qui se trame?
Toi qui m'entends
- M -
Perdue dans un désert
Son coeur rouge flamme
Aime l'orange amère
Elle est un Soleîl
Perdu dans son Désir
Elle est son paysage
Et l'air qu'îl respire
Îl si loin d'elle
Regarde son dilemme
Malgré sa solitude
C'est la seule qu'îl aime
Toi qui m'entends
Toi qui m'entends
Toi qui mens
Tant
Îl s'affole et griffe
Au fond des haut-parleurs
Les aigus qui grésillent
C'est pour toucher ton coeur
Toi qui m'entends
Toi qui m'entends
Toi qui mens
Tant
Entends ce son qui monte
Îl fait monter mes larmes
Sais-tu ce qu'îl raconte?
Sais-tu ce qui se trame?
Toi qui m'entends
- M -
Une poignée d'abeilles vaut mieux qu'un sac de mouches.
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