Alors la Poésie est venue

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Paul Valéry
Le cimetière marin



Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux!

Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d’imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir!
Quand sur l’abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d’une éternelle cause,
Le Temps scintille et le Songe est savoir.

Stable trésor, temple simple à Minerve,
Masse de calme, et visible réserve,
Eau sourcilleuse, œil qui gardes en toi
Tant de sommeil sous un voile de flamme,
Ô mon silence!. . . Édifice dans l’âme,
Mais comble d’or aux mille tuiles, Toit!

Temple du Temps, qu’un seul soupir résume,
À ce point pur je monte et m’accoutume,
Tout entouré de mon regard marin;
Et comme aux dieux mon offrande suprême,
La scintillation sereine sème
Sur l’altitude un dédain souverain.

Comme le fruit se fond en jouissance,
Comme en délice il change son absence
Dans une bouche où sa forme se meurt,
Je hume ici ma future fumée,
Et le ciel chante à l’âme consumée
Le changement des rives en rumeur.

Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change!
Après tant d’orgueil, après tant d’étrange
Oisiveté, mais pleine de pouvoir,
Je m’abandonne à ce brillant espace,
Sur les maisons des morts mon ombre passe
Qui m’apprivoise à son frêle mouvoir.

L’âme exposée aux torches du solstice,
Je te soutiens, admirable justice
De la lumière aux armes sans pitié!
Je te tends pure à ta place première,
Regarde-toi!. . . Mais rendre la lumière
Suppose d’ombre une morne moitié.

Ô pour moi seul, à moi seul, en moi-même,
Auprès d’un coeur, aux sources du poème,
Entre le vide et l’événement pur,
J’attends l’écho de ma grandeur interne,
Amère, sombre, et sonore citerne,
Sonnant dans l’âme un creux toujours futur!

Sais-tu, fausse captive des feuillages,
Golfe mangeur de ces maigres grillages,
Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,
Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,
Quel front l’attire à cette terre osseuse?
Une étincelle y pense à mes absents.

Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux!

Chienne splendide, écarte l’idolâtre!
Quand solitaire au sourire de pâtre,
Je pais longtemps, moutons mystérieux,
Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
Éloignes-en les prudentes colombes,
Les songes vains, les anges curieux!

Ici venu, l’avenir est paresse.
L’insecte net gratte la sécheresse;
Tout est brûlé, défait, reçu dans l’air
À je ne sais quelle sévère essence. . .
La vie est vaste, étant ivre d’absence,
Et l’amertume est douce, et l’esprit clair.

Les morts cachés sont bien dans cette terre
Qui les réchauffe et sèche leur mystère.
Midi là-haut, Midi sans mouvement
En soi se pense et convient à soi-même. . .
Tête complète et parfait diadème,
Je suis en toi le secret changement.

Tu n’as que moi pour contenir tes craintes!
Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes
Sont le défaut de ton grand diamant. . .
Mais dans leur nuit toute lourde de marbres,
Un peuple vague aux racines des arbres
A pris déjà ton parti lentement.

Ils ont fondu dans une absence épaisse,
L’argile rouge a bu la blanche espèce,
Le don de vivre a passé dans les fleurs!
Où sont des morts les phrases familières,
L’art personnel, les âmes singulières?
La larve file où se formaient les pleurs.

Les cris aigus des filles chatouillées,
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu!

Et vous, grande âme, espérez-vous un songe
Qui n’aura plus ces couleurs de mensonge
Qu’aux yeux de chair l’onde et l’or font ici?
Chanterez-vous quand serez vaporeuse?
Allez! Tout fuit! Ma présence est poreuse,
La sainte impatience meurt aussi!

Maigre immortalité noire et dorée,
Consolatrice affreusement laurée,
Qui de la mort fais un sein maternel,
Le beau mensonge et la pieuse ruse!
Qui ne connaît, et qui ne les refuse,
Ce crâne vide et ce rire éternel!

Pères profonds, têtes inhabitées,
Qui sous le poids de tant de pelletées,
Êtes la terre et confondez nos pas,
Le vrai rongeur, le ver irréfutable
N’est point pour vous qui dormez sous la table,
Il vit de vie, il ne me quitte pas!

Amour, peut-être, ou de moi-même haine?
Sa dent secrète est de moi si prochaine
Que tous les noms lui peuvent convenir!
Qu’importe! Il voit, il veut, il songe, il touche!
Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche,
À ce vivant je vis d’appartenir!

Zénon! Cruel Zénon! Zénon d’Êlée!
M’as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas!
Le son m’enfante et la flèche me tue!
Ah! le soleil. . . Quelle ombre de tortue
Pour l’âme, Achille immobile à grands pas!

Non, non!. . . Debout! Dans l’ère successive!
Brisez, mon corps, cette forme pensive!
Buvez, mon sein, la naissance du vent!
Une fraîcheur, de la mer exhalée,
Me rend mon âme. . . Ô puissance salée!
Courons à l’onde en rejaillir vivant.

Oui! Grande mer de délires douée,
Peau de panthère et chlamyde trouée,
De mille et mille idoles du soleil,
Hydre absolue, ivre de ta chair bleue,
Qui te remords l’étincelante queue
Dans un tumulte au silence pareil,

Le vent se lève!. . . Il faut tenter de vivre!
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs!
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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audrey83
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"Cette parole
Que j'attendais sans te connaître
Que j'accrochais à ma fenêtre
Qui traînait pas dans les affaires
Des gens qui me faisaient la guerre
Cette parole
Qui met dans mon vocabulaire
De quoi t'apprendre les manières

LOVE

Cette parole
Qui traîne au nez des catastrophes
Qui vaut bien cent dix mille strophes
Qui te suffit quand je la chante
Qui coule en toi quand je t'enchante
Cette parole Qui fait du vice la vertu
Qui met le pouvoir dans la rue
Cette parole

LOVE

Cette parole
Que tu syllabes après la fête
Qui met la fête dans la tête
Et puis ta tête dans la mienne
Et puis ma tête dans la tienne
Cette parole
Qui s'est barrée du dictionnaire
Où elle n'avait plus rien à faire
Cette parole

LOVE

Cette parole
Qui peuple notre solitude
Qui meurt au seuil de l'habitude
Qui se fait avant de se dire
Qu'on dit quand y'a plus rien à dire
Cette parole
Qui fait les hommes fraternels
Qui sort les filles du bordel
Cette parole

LOVE

Cette parole
Comme une arme contre l'offense
Comme un sourire du silence
Comme un passeur de l'autre monde
Comme un destin qui fait sa ronde
Cette parole
Comme la raison qui pâlit
Comme le prix de la folie
Cette parole

LOVE

Cette parole
Comme une porte sur le large
Comme mon texte dans ta marge
Comme tes yeux dans mon ramage
Comme moi dans ton fuselage
Cette parole
Comme le salaire du rêve
Et comme le pavé qui lève
Cette parole

LOVE "
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Férré


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audrey83
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Sacre de l'avenir de Louis Aragon

""""Vous direz que les mots éperdument me grisent
Et que j'y crois goûter le vin de l'infini
Et que la voix me manque et que mon chant se brise
A ces sortes de litanies

C'est possible après tout que les rimes m'entraînent
Et que mon chapelet soit de grains de pavot
Car tyranniquement si la musique est reine
Qu'est-ce que la parole vaut

C'est possible après tout qu'à parler politique
Sur le rythme royal du vers alexandrin
Le poème se meure et tout soit rhétorique
Dans le langage souverain

C'est possible après tout que j'aie perdu le sens
Qu'au soleil comparer le
Parti soit dément
Qu'il y ait de ma part simplement indécence
A donner ça pour argument

Pourquoi doux
Lucifer en ce siècle où nous sommes
Où la
Vierge et les
Saints ont des habits dorés
Le chant nouveau déjà qui s'élève des hommes
N'aurait-il pas l'accent sacré

J'ai souvent envié le vers de
Paul Claudel
Quand sur nos fusillés se levait le destin
Pourquoi n'auraient-ils pas à leurs épaules d'ailes
Les Martyrs couleur de malin

Ainsi que des oiseaux je clouerai sur nos porches
Pour que l'amour du peuple y soit de flamme écrit
Tes mots ensanglantés comme un coeur qu'on écorche
Thérèse d'Avila tes cris

Nous aurons des métros comme des basiliques
Des gloires flamberont sur les toits ouvriers
Et le bonheur de tous sur les places publiques
Psalmodiera son
Kyrie

Mais non cette espérance énorme cette aurore
N'a pas comme le ciel des
Adorations
Droit à tout le bazar de l'ode aux métaphores
Droit à la disproportion

Elle n'a pas le droit à ces apothéoses
Aux
Mages à ses pieds posant l'or et l'encens
Elle n'a pas le droit au parfum de la rose
Aux sanglots de l'orgue puissant

Cependant on lui tend comme au
Christ des peintures
Cette éponge de fiel dont les soldats riaient
Cependant elle montre au milieu des tortures
Un
Beloyannis à l'oeillet

Si les premiers
Chrétiens aux murs des
Catacombes
Dessinaient d'une main malhabile un poisson
Nous portons dans la rue à nos pas des palombes
Comme on en voit dans les chansons

Nous avons devant nous des voûtes cathédrales
Voyez voyez déjà le seuil et le parvis
Et serve à l'avenir la langue magistrale
Qui
Dieu si bien servit

Le travail et l'amour changent le chant mystique
Et tout dépend vers qui s'élève l'hosanna
Je ne crains pas les mots dont on fit des cantiques
On boit dans le verre qu'on a

Tu marches devant toi sur la route des princes
Avenir à qui rien n'est lointain paradis
Tu construiras ta vie aussi belle que
Reims
Quand
Jeanne y vint un samedi

La nouvelle parole et les anciens poèmes
Marieront la lumière à travers leurs vitraux
Voici tout ce que j'ai voici tout ce que j'aime
C'est peu mais l'on dit que c'est trop

Qu'importe ce qu'on dit lorsque l'avenir sonne
Prends tout ce que tu veux
Avenir sous mon toit
Ouvre cette poitrine et prends
Je te le donne

Cela s'appelle un coeur c'est rouge et c'est à toi

Elle rêvait
Rêver est souvent une étude
Je la voyais aller venir dans la maison
Dans la maison tout se faisait à l'habitude
L'habitude aux rêveurs est seconde raison

Elle rêvait allait venait mettait la table
S'inquiétait de tout avec des mots absents
Semblait comme toujours de tout être comptable
Et sa main caressait les chiens noirs en passant

Elle rêvait
Je lui connais cet air du rêve
On ne fait que la voir alors qu'elle est partie
Et quand le hasard veut que son regard se lève
Elle a ses yeux d'enfant pour un jour de sortie

Elle a ses plus grands yeux elle a ses yeux du soir
Elle a ses yeux du soir quand personne n'est là
Ceux que comme un voleur je surprends au miroir
Et dont m'apercevant elle voile l'éclat

Elle rêvait secrète et c'était par excuse
Qu'elle parlait d'un coeur indifférent à soi
Elle avait à me fuir l'invention des ruses
Et sa robe n'était qu'un murmure de soie

Elle rêvait
Son rêve est parfois une fièvre
Une aventure un drame un roman jamais lu
Et qui devinerait au tremblement des lèvres
La musique muette et dont je suis exclu

Et donc elle rêvait
Je ne sais quelle image
Habitait sa semblance et l'anima soudain
Où t'en vas-tu mon âme où t'en vas-tu sauvage
Je l'ai prise à pleurer dans le fond du jardin

Et donc elle rêvait de quelque histoire triste
Le ciel traîtreusement fraîchissait sur ses pas
Tu n'as pas mis ton châle
II faut rentrer
J'insiste
Où donc es-tu mon coeur que tu ne m'entends pas

Elle rêvait d'ailleurs mais préféra prétendre
Qu'elle était allée voir comment vont les semis
Elle rêvait des lendemains couleur de cendres
Et parlait des châssis qu'on n'ouvre qu'à demi

Elle a pris à regret ma main pour revenir
Un ver luisant brilla dans l'herbe devant nous
Je rêvais dit
Eisa tantôt de l'avenir
C'était qu'elle écrivait tout bas
Le
Cheval
Roux



Rêver de l'avenir est chose singulière
Il fallait qu'y rêvât cette main qui tissait
Y rêvait-il aussi quand s'attacha le lierre
L'avenir mais qu'est-ce que c'est

Tout rêve d'avenir est un rêve de vivre
La
Belle au
Bois dormant s'éveille après cent ans
Au bas des feuilletons toujours on lit
A suivre
L'homme croit régner sur le temps

Il va parfois pourtant chez la cartomancienne
Une lettre un voyage et nous nous étonnons
Que l'avenir ressemble à la fortune ancienne
Qui n'a fait que changer de nom

Ton avenir rêve éveillé rêve qui dort
On jugerait tout simplement que tu l'oublies
Est-ce que ce n'est pas tout simplement toi mort
Mort dans la rue ou dans ton lit

Sans doute et que veut-on qu'à gémir on y fasse
Oui tout le monde meurt un jour et puis après
L'avenir justement c'est ce qui nou6 dépasse
C'est ce qui vit quand je mourrai

Mais si la vie un jour l'homme et la primerose
Et tout ce qui palpite et l'oiseau que l'on voit
Si tout allait mourir de cette mort des choses
Tout allait mourir à la fois

Certains hommes diront que ça leur indiffère
Et que tout se termine avec leur propre vin
J'entends leur qu'est-ce que cela peut bien me faire
Rome brûle quand c'est ma fin

Faut-il que cela soit gens de mince nature
Qui n'aiment pas la vie assez pour s'oublier
Comme si celui-là qui dort sous la toiture
En était toujours l'ouvrier

Ce coeur recommencé qui bat dans les apôtres
Ou comme le héros s'appellera pour vous
Il sait que plus que lui l'avenir c'est les autres
D aime
On dit qu'il se dévoue

C'est affaire du sang que l'on a dans les veines
Rien n'est plus naturel que ne pas le compter
Ou restez tout le jour à regarder vos peines
Petite et pâle humanité

Ceux qui n'y rêvent pas sont des briseurs de grève
Ils sont les ennemis de l'avenir nombreux
Comment se pourrait-il qu'à l'avenir ils rêvent
Puisque l'avenir est contre eux

Ils sont le loup de l'homme et l'assassin vulgaire
Comme ils misent toujours sur le mauvais tableau
Ils jouent à quitte ou double et vont de guerre en guerre
Retarder demain c'est leur lot

Un jour viendra bien sûr dans leur peur légitime
Qu'ils abattront l'atout monstrueux préférant
Au triomphe du bien l'énormité du crime

A l'homme heureux la mort en grand

Un
Autre menaçait d'une ombre millénaire
D'un linceul collectif pour s'y envelopper
Et dans son trou de rat il se passait les nerfs
Sur les tronçons de son épée

Ah s'il avait connu le secret de l'atome
Il aurait fait beau voir le monde où nous vivons
Mais il n'est pas besoin d'évoquer les fantômes
Voyez comme on meurt au
Japon

L'avenir est l'enjeu de cette banqueroute
Qui commence et qu'on croit arrêter dans le sang
Mais les hommes parqués dans la nuit sur les routes
Parlent entre eux du jour naissant

Rien pourtant n'est si simple et poussez chaque porte
Et vous y trouverez des problèmes nouveaux
Les visages humains sont de diverses sortes
Et celui que l'on aime est un souci plus haut

Il régnait un parfum de grillons et de menthes
Un silence d'oiseaux frôlait les eaux dormantes

Où près des fauchaisons montrant leur sol secret
L'iris jaune trahit l'avance des marais

Du coeur profond de l'herbe impénétrable au jour
Les roseaux élevaient leurs épis de velours

C'était à la fin mai quand rougit l'ancolie

La terre était mouillée au pied des fleurs cueillies

Et mes doigts s'enfonçaient plus bas que le soleil
Et je songeais qu'il y aura des temps pareils

Et je songeais qu'un jour pareil dans pas longtemps
Je ne reviendrai plus vers toi le cour battant

Portant de longs bouquets pâles aux tiges vertes
Je ne te verrai plus prenant les fleurs offertes

Et le bleu de ta robe et le bleu de tes yeux
Et la banalité d'y comparer les cieux

Je n'irai plus criant ton nom sous les fenêtres

Je ne chercherai plus tes pas sous les grands hêtres

Ni tout le long du bief sous les saules pleurant
Ni dans la cour pavée à tout indifférent

Les miroirs n'auront plus l'accent de ton visage
Je ne trouverai plus ton ombre et ton sillage

Un jour dans pas longtemps par l'escalier étroit
Et je ne craindrai plus jamais que tu aies froid

Je ne toucherai plus ta chevelure au soir
Je ne souffrirai pas de ne jamais te voir

Je ne sentirai plus le coeur me palpiter

Pour un mot de ta voix dans la chambre à côté

J'ignorerai toujours ma profonde misère
Et je ne dirai pas que le monde est désert

Sans l'anneau de tes bras dormant au grand jamais
J'ignorerai toujours combien je les aimais

Vois-tu comme la vie et la mort sont bien faites
L'enfant pleure au retour que s'achève la fête

L'homme a sur lui cet avantage merveilleux
De ne pas emporter ses regrets dans ses yeux

Par un effacement immense et raisonnable
Et béni soit le vent qui balayera le sable

Et béni soit le feu brûlant la lettre lue

Mon amour mon amour que voulais-tu de plus

Il est des mots que ne peut suivre qu'un silence
Et quel autre bonheur aurait ta violence

O nuage changeant nuage échevelé
Qui se disperse enfin sur le ciel étoilé

Décrochez mes amis ces tentures funèbres
Qu'un autre à sa douleur abandonne sa main
Le parfum de la vie est au fond des ténèbres
Où sans voir on la suit à ses pas de jasmin
Sion n'est plus assise au milieu des concombres
Sion ne ronge plus veuve plaintive et sombre
Son coeur comme un grain de cumin

Nos ancêtres géants avaient peur de leur ombre
ils craignaient que le ciel sur leur tête tombât
La nue humiliait leur échine et les nombres
Les entrailles d'oiseaux les faisaient parler bas
Les superstitions ont fini par se taire
Et rien ne glace plus le sang de nos artères
Que la tombe au bout du combat

Je ne suis pas de ceux qu'affolent ses mystères
Je ne suis pas de ceux que rend tristes la pluie
Je l'entends pénétrer avidement la terre
J'aime le vent j'aime le gel j'aime la nuit
La lueur de l'orage et le bruit de la grêle
J'aime le changement des choses naturelles
Comme le grain aime le muid



A quoi sert de chercher aux saisons des querelles

Que mûrir et mourir soient la même chanson

En pleurons-nous la fleur quand nous cueillons l'airelle

Pourquoi mener partout ce deuil où nous passons

Au rougir de l'automne on lit le printemps vert

Et la nécessité neigeuse des hivers

Est déjà grosse des moissons

Poètes dispersez vos symboles pervers
A la camarde ôtez l'usage bleu des faux
Cessez de sangloter tout le long de vos vers
Dont chaque pied semble monter à l'échafaud
Par le chemin de croix de vos épithalames
Je vous dis que celui qui brûle aime la flamme
Et que c'est le feu qu'il lui faut

Et le noyé qui part emporté par les lames
Comme pour une fête entend le carillon
A la poubelle enfin flanquez le vague-à-l'âme
On va nous prendre pour des chiens si nous crions
A la mort
Fût-ce avec l'excuse de la rime
Par le soleil des dents nul que nous ne s'exprime
La bête pleure et nous rions

Nous rions seuls au monde et notre rire prime
Sur la peur animale et le cour accablé
Nous rions de parler
De ce que nous apprîmes
De l'auroch dessiné
De cultiver le blé
Nous rions de compter d'écrire et la victoire
Est plus d'avoir ouvert le livre de l'Histoire
Qu'au firmament savoir voler

La vitesse du train non le heurt au butoir
Voilà qui fait l'ivresse à la masse lancée
Et ce n'est pas le cri du bouf à l'abattoir
Qui s'échappe de l'homme et qu'il nomme pensée
Qu'est notre vie au prix de tout ce qu'elle est elle
Vienne ou ne vienne pas le temps des immortels
C'est le sépulcre dépassé

Mourir n'est plus mourir à ceux-là qui s'attellent
Au grand rêve de tous qui ne peut avorter
Ils sont hommes d'avoir secoué la tutelle
D'une vie à soi seul chichement limitée
Et le héros d'hier lui donnant sa mesure
Chaque jour plus nombreuse à l'assaut de l'azur
C'est la nouvelle humanité""""

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Soleils couchants

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées ;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !

Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.

Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.

Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde immense et radieux !

Victor Hugo, Les Feuilles d'Automne
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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audrey83
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Les Hommes Creux
par T. S. Eliot


I

Nous sommes les hommes creux
Les hommes empaillés
Cherchant appui ensemble
La caboche pleine de bourre. Hélas !
Nos voix desséchées, quand
Nous chuchotons ensemble
Sont sourdes, sont inanes
Comme le souffle du vent parmi le chaume sec
Comme le trottis des rats sur les tessons brisés
Dans notre cave sèche.

Silhouette sans forme, ombre décolorée,
Geste sans mouvement, force paralysée ;

Ceux qui s’en furent
Le regard droit, vers l’autre royaume de la mort
Gardent mémoire de nous – s’ils en gardent – non pas
Comme de violentes âmes perdues, mais seulement
Comme d’hommes creux
D’hommes empaillés.

II

Les yeux que je n’ose pas rencontrer dans les rêves
Au royaume de rêve de la mort
Eux, n’apparaissent pas:
Là, les yeux sont
Du soleil sur un fût de colonne brisé
Là, un arbre se balance
Et les voix sont
Dans le vent qui chante
Plus lointaines, plus solennelles
Qu’une étoile pâlissante.

Que je ne sois pas plus proche
Au royaume de rêve de la mort
Qu’encore je porte
Pareils francs déguisements: robe de rat,
Peau de corbeau, bâtons en croix
Dans un champ
Me comportant selon le vent
Pas plus proche –

Pas cette rencontre finale
Au royaume crépusculaire.

III

C’est ici la terre morte
Une terre à cactus
Ici les images de pierre
Sont dressées, ici elles reçoivent
La supplication d’une main de mort
Sous le clignotement d’une étoile pâlissante.

Est-ce ainsi
Dans l’autre royaume de la mort:
Veillant seuls
A l’heure où nous sommes
Tremblants de tendresse
Les lèvres qui voudraient baiser
Esquissent des prières à la pierre brisée.

IV

Les yeux ne sont pas ici
Il n’y a pas d’yeux ici
Dans cette vallée d’étoiles mourantes
Dans cette vallée creuse
Cette mâchoire brisée de nos royaumes perdus

En cet ultime lieu de rencontre
Nous tâtonnons ensemble
Evitant de parler
Rassemblés là sur cette plage du fleuve enflé

Sans regard, à moins que
Les yeux ne reparaissent
Telle l’étoile perpétuelle
La rose aux maints pétales
Du royaume crépusculaire de la mort
Le seul espoir
D’hommes vides.

V

Tournons autour du fi-guier
De Barbarie, de Barbarie
Tournons autour du fi-guier
Avant qu’le jour se soit levé.

Entre l’idée
Et la réalité
Entre le mouvement
Et l’acte
Tombe l’Ombre

Car Tien est le Royaume

Entre la conception
Et la création
Entre l’émotion
Et la réponse
Tombe l’Ombre

La vie est très longue

Entre le désir
Et le spasme
Entre la puissance
Et l’existence
Entre l’essence
Et la descente
Tombe l’Ombre

Car Tien est le Royaume

Car Tien est
La vie est
Car Tien est

C’est ainsi que finit le monde
C’est ainsi que finit le monde
C’est ainsi que finit le monde
Pas sur un Boum, sur un murmure.
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Ce qui luit
Par Paul Celan

Le corps silencieux
tu reposes près de moi dans le sable,
étoilée au-dessus de toi.

Est-ce un rayon
qui perça jusqu’à moi ?
Ou bien était-ce la sentence
que l’on rendit contre nous ?
Qui répand cette lumière ?
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“The Hill We Climb”

When day comes we ask ourselves,
where can we find light in this never-ending shade?
The loss we carry,
a sea we must wade
We’ve braved the belly of the beast
We’ve learned that quiet isn’t always peace
And the norms and notions
of what just is
Isn’t always just-ice
And yet the dawn is ours
before we knew it
Somehow we do it
Somehow we’ve weathered and witnessed
a nation that isn’t broken
but simply unfinished
We the successors of a country and a time
Where a skinny Black girl
descended from slaves and raised by a single mother
can dream of becoming president
only to find herself reciting for one
And yes we are far from polished
far from pristine
but that doesn’t mean we are
striving to form a union that is perfect
We are striving to forge a union with purpose
To compose a country committed to all cultures, colors, characters and
conditions of man
And so we lift our gazes not to what stands between us
but what stands before us
We close the divide because we know, to put our future first,
we must first put our differences aside
We lay down our arms
so we can reach out our arms
to one another
We seek harm to none and harmony for all
Let the globe, if nothing else, say this is true:
That even as we grieved, we grew
That even as we hurt, we hoped
That even as we tired, we tried
That we’ll forever be tied together, victorious
Not because we will never again know defeat
but because we will never again sow division
Scripture tells us to envision
that everyone shall sit under their own vine and fig tree
And no one shall make them afraid
If we’re to live up to our own time
Then victory won’t lie in the blade
But in all the bridges we’ve made
That is the promised glade
The hill we climb
If only we dare
It’s because being American is more than a pride we inherit,
it’s the past we step into
and how we repair it
We’ve seen a force that would shatter our nation
rather than share it
Would destroy our country if it meant delaying democracy
And this effort very nearly succeeded
But while democracy can be periodically delayed
it can never be permanently defeated
In this truth
in this faith we trust
For while we have our eyes on the future
history has its eyes on us
This is the era of just redemption
We feared at its inception
We did not feel prepared to be the heirs
of such a terrifying hour
but within it we found the power
to author a new chapter
To offer hope and laughter to ourselves
So while once we asked,
how could we possibly prevail over catastrophe?
Now we assert
How could catastrophe possibly prevail over us?
We will not march back to what was
but move to what shall be
A country that is bruised but whole,
benevolent but bold,
fierce and free
We will not be turned around
or interrupted by intimidation
because we know our inaction and inertia
will be the inheritance of the next generation
Our blunders become their burdens
But one thing is certain:
If we merge mercy with might,
and might with right,
then love becomes our legacy
and change our children’s birthright
So let us leave behind a country
better than the one we were left with
Every breath from my bronze-pounded chest,
we will raise this wounded world into a wondrous one
We will rise from the gold-limbed hills of the west,
we will rise from the windswept northeast
where our forefathers first realized revolution
We will rise from the lake-rimmed cities of the midwestern states,
we will rise from the sunbaked south
We will rebuild, reconcile and recover
and every known nook of our nation and
every corner called our country,
our people diverse and beautiful will emerge,
battered and beautiful
When day comes we step out of the shade,
aflame and unafraid
The new dawn blooms as we free it
For there is always light,
if only we’re brave enough to see it
If only we’re brave enough to be it
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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audrey83
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SUITE VIII des contemplations VICTOR HUGO

"Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant.
La main du songeur vibre et tremble en l’écrivant ;
La plume, qui d’une aile allongeait l’envergure,
Frémit sur le papier quand sort cette figure,
Le mot, le terme, type on ne sait d’où venu,
Face de l’invisible, aspect de l’inconnu ;
Créé, par qui ? forgé, par qui ? jailli de l’ombre ;
Montant et descendant dans notre tête sombre,
Trouvant toujours le sens comme l’eau le niveau ;
Formule des lueurs flottantes du cerveau.
Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses.
Ils roulent pêle-mêle au gouffre obscur des proses,
Ou font gronder le vers, orageuse forêt. :)
Du sphinx Esprit Humain le mot sait le secret.
Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou bacchante,
S’offre, se donne ou fuit ; devant Néron qui chante
Ou Charles-Neuf qui rime, il recule hagard ;
Tel mot est un sourire, et tel autre un regard ;
De quelque mot profond tout homme est le disciple
;
Toute force ici-bas a le mot pour multiple ;
Moulé sur le cerveau, vif ou lent, grave ou bref,
Le creux du crâne humain lui donne son relief ;
La vieille empreinte y reste auprès de la nouvelle ;
Ce qu’un mot ne sait pas, un autre le révèle ;
Les mots heurtent le front comme l’eau le récif ;
Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif
Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ;
Comme en un âtre noir errent des étincelles,
Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,
Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous ;
Les mots sont les passants mystérieux de l’âme.

Chacun d’eux porte une ombre ou secoue une flamme ;

Chacun d’eux du cerveau garde une région ;
Pourquoi ? c’est que le mot s’appelle Légion ;
C’est que chacun, selon l’éclair qui le traverse, :)
Dans le labeur commun fait une œuvre diverse ;

C’est que de ce troupeau de signes et de sons
Qu’écrivant ou parlant, devant nous nous chassons,
Naissent les cris, les chants, les soupirs, les harangues ;
C’est que, présent partout, nain caché sous les langues,
Le mot tient sous ses pieds le globe et l’asservit ;
Et, de même que l’homme est l’animal où vit
L’âme, clarté d’en haut par le corps possédée,
C’est que Dieu fait du mot la bête de l’idée.

Le mot fait vibrer tout au fond de nos esprits.
Il remue, en disant : Béatrix, Lycoris,
Dante au Campo-Santo, Virgile au Pausilippe.
De l’océan pensée il est le noir polype.
Quand un livre jaillit d’Eschyle ou de Manou,
Quand saint Jean à Patmos écrit sur son genou,
On voit parmi leurs vers pleins d’hydres et de stryges,
Des mots monstres ramper dans ces œuvres prodiges.

Ô main de l’impalpable ! ô pouvoir surprenant !
Mets un mot sur un homme, et l’homme frissonnant
Sèche et meurt, pénétré par la force profonde ;
Attache un mot vengeur au flanc de tout un monde,
Et le monde, entraînant pavois, glaive, échafaud,
Ses lois, ses mœurs, ses dieux, s’écroule sous le mot.
Cette toute-puissance immense sort des bouches.
La terre est sous les mots comme un champ sous les mouches.
Le mot dévore, et rien ne résiste à sa dent.
À son haleine, l’âme et la lumière aidant,
L’obscure énormité lentement s’exfolie.
Il met sa force sombre en ceux que rien ne plie ;
Caton a dans les reins cette syllabe : NON.
Tous les grands obstinés, Brutus, Colomb, Zénon,
Ont ce mot flamboyant qui luit sous leur paupière :
ESPÉRANCE ! — Il entr’ouvre une bouche de pierre
Dans l’enclos formidable où les morts ont leur lit,
Et voilà que don Juan pétrifié pâlit !
Il fait le marbre spectre, il fait l’homme statue.
Il frappe, il blesse, il marque, il ressuscite, il tue.
Nemrod dit : « Guerre ! » Alors, du Gange à l’Ilissus,
Le fer luit, le sang coule. « Aimez-vous ! » dit Jésus,
Et se mot à jamais brille et se réverbère
Dans le vaste univers, sur tous, sur toi, Tibère,
Dans les cieux, sur les fleurs, sur l’homme rajeuni,
Comme le flamboiement d’amour de l’infini !

Quand, aux jours où la terre entr’ouvrait sa corolle,
Le premier homme dit la première parole,
Le mot né de sa lèvre, et que tout entendit,
Rencontra dans les cieux la lumière, et lui dit :
« Ma sœur !

« Envole-toi ! plane ! sois éternelle !

« Allume l’astre ! emplis à jamais la prunelle !
« Échauffe éthers, azurs, sphères, globes ardents ;
« Éclaire le dehors, j’éclaire le dedans.
« Tu vas être une vie, et je vais être l’autre.
« Sois la langue de feu, ma sœur, je suis l’apôtre.
« Surgis, effare l’ombre, éblouis l’horizon,
« Sois l’aube ; je te vaux, car je suis la raison ;
« À toi les yeux, à moi les fronts. Ô ma sœur blonde,
« Sous le réseau Clarté tu vas saisir le monde ;
« Avec tes rayons d’or tu vas lier entre eux
« Les terres, les soleils, les fleurs, les flots vitreux,
« Les champs, les cieux ; et moi, je vais lier les bouches ;
« Et sur l’homme, emporté par mille essors farouches,
« Tisser, avec des fils d’harmonie et de jour,
« Pour prendre tous les cœurs, l’immense toile Amour.
« J’existais avant l’âme, Adam n’est pas mon père.
« J’étais même avant toi ; tu n’aurais pu, lumière,
« Sortir sans moi du gouffre où tout rampe enchaîné ;
« Mon nom est FIAT LUX, et je suis ton aîné ! »

Oui, tout-puissant. Tel est le mot. Fou qui s’en joue !
Quand l’erreur fait un nœud dans l’homme, il le dénoue.
Il est foudre :) dans l’ombre et ver dans le fruit mûr.
Il sort d’une trompette, il tremble sur un mur,
Et Balthazar chancelle, et Jéricho s’écroule.
Il s’incorpore au peuple, étant lui-même foule.
Il est vie, esprit, germe, ouragan, vertu, feu ;
Car le mot, c’est le Verbe, et le Verbe, c’est Dieu.


Jersey, juin 1835"
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audrey83
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Cent fois

"""Cent fois j’ai voulu écrire un poème

cent fois je me suis arrêté au premier mot

et j’ai commencé à vivre le poème

en imagination

alors il se déployait en musique intérieure

en images sans bride de circonlocutions

en incantations lyriques sans paroles

et quand je revenais à moi

et regardais la page blanche

il n’y avait plus rien à écrire

Le poème était déjà parti

bouteille à la mer

météorite du partage"""

Abdellatif Laâbi

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audrey83
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l' équation du feu

l'équation du feu n'est pas linéaire
un mot un seul mot suffit
à perturber l'espace
il annule d'une saison
le cercle de la lumière

il emmène ses bagages
vers l'infra-rouge probable
étire son miroir
jusqu'aux limites extrêmes
où fleurit la genèse

tout devient si jeune et si vaste
les jeux de mots et des jets d'eau
les pierres fondues dans la rivière
comme des bêtes familières
venues d'un autre monde

Jean-marc debenedetti
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