Alors la Poésie est venue

Partages sur la littérature, la poésie, ...
Alaric

Mystiques barcarolles,
Romances sans paroles,
Chère, puisque tes yeux,
Couleur des cieux,
Puisque ta voix, étrange
Vision qui dérange
Et trouble l’horizon
De ma raison,
Puisque l’arôme insigne
De la pâleur de cygne,
Et puisque la candeur
De ton odeur,
Ah ! puisque tout ton être,
Musique qui pénètre,
Nimbes d’anges défunts,
Tons et parfums,
A, sur d’almes cadences,
En ces correspondances
Induit mon cœur subtil,
Ainsi soit-il !

À Clymène
Paul Verlaine
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Meduse
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Mon cœur me l'avait dit : toute âme est sœur d'une âme ;
Dieu les créa par couple et les fit homme ou femme ;
Le monde peut en vain un temps les séparer,
Leur destin tôt ou tard est de se rencontrer ;
Et quand ces sœurs du ciel ici-bas se rencontrent,
D'invincibles instincts l'une à l'autre les montrent ;
Chaque âme de sa force attire sa moitié,
Cette rencontre, c'est l'amour ou l'amitié,
Seule et même union qu'un mot différent nomme,
Selon l'être et le sexe en qui Dieu la consomme,
Mais qui n'est que l'éclair qui révèle à chacun
L'être qui le complète, et de deux n'en fait qu'un.

Quand il a lui, le feu du ciel est moins rapide,
L'œil ne cherche plus rien, l'âme n'a plus de vide,
Par l'infaillible instinct le cœur soudain frappé,
Ne craint pas de retour, ni de s'être trompé,
On est plein d'un attrait qu'on n'a pas senti naître,
Avant de se parler on croit se reconnaître,
Pour tous les jours passés on n'a plus un regard,
On regrette, on gémit de s'être vu trop tard,
On est d'accord sur tout avant de se répondre,
L'âme de plus en plus aspire à se confondre ;
C'est le rayon du Ciel, par l'eau répercuté,
Qui remonte au rayon pour doubler sa clarté ;
C'est le son qui revient de l'écho qui répète,
Seconde et même voix, à la voix qui le jette ;
C'est l'ombre qu'avec nous le soleil voit marcher,
Sœur du corps, qu'à nos pas on ne peut arracher.

Lamartine
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suffragettes AB
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Rafael Alberti

Jour de gros temps

Vierge qui sur les eaux rames, le jour déjà
point, toute blancheur, sur les sanglots de la mer!
Et contre mon étrave à demi engloutie
le dogue de la houle s'acharne, rageur.

Ma barque, maintenant sans barre, caracole
dans le tourbillon gris, tumultueux, des hasards.
Laisse de ses autels s'éloigner ton pied nu
et que cette mer noire retrouve ses flots verts.

Permets que mes mains palpent l'hameçon parfait
_mais oui, ton scapulaire, ô vierge du carmel,
et puisque tu le peux, fais de moi un dauphin…

Pour que sur mes épaules, en nageant, je t'emporte
vers les grottes les plus profondes du poisson,
là où jamais n'arrivent nasses et filets.
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Je respire où tu palpites

Je respire où tu palpites,
Tu sais ; à quoi bon, hélas !
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t'en vas ?

A quoi bon vivre, étant l'ombre
De cet ange qui s'enfuit ?
A quoi bon, sous le ciel sombre,
N'être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t'en ailles
Pour qu'il ne reste plus rien.

Tu m'entoures d'Auréoles ;
Te voir est mon seul souci.
Il suffit que tu t'envoles
Pour que je m'envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ;
Mon âme au ciel, son berceau,
Fuira, dans ta main blanche
Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne
Si je n'entends plus ton pas ?
Est-ce ta vie ou la mienne
Qui s'en va ? Je ne sais pas.

Quand mon orage succombe,
J'en reprends dans ton coeur pur ;
Je suis comme la colombe
Qui vient boire au lac d'azur.

L'amour fait comprendre à l'âme
L'univers, salubre et béni ;
Et cette petite flamme
Seule éclaire l'infini

Sans toi, toute la nature
N'est plus qu'un cachot fermé,
Où je vais à l'aventure,
Pâle et n'étant plus aimé.

Sans toi, tout s'effeuille et tombe ;
L'ombre emplit mon noir sourcil ;
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.

Je t'implore et réclame ;
Ne fuis pas loin de mes maux,
Ô fauvette de mon âme
Qui chantes dans mes rameaux !

De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie
Si tu n'es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière,
Tu portes dans les buissons,
Sur une aile ma prière,
Et sur l'autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile
L'inconsolable douleur ?
Que ferai-je de l'étoile ?
Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose
Qu'illuminait ta douceur ?
Que répondrai-je à la rose
Disant : « Où donc est ma soeur ? »

J'en mourrai ; fuis, si tu l'oses.
A quoi bon, jours révolus !
Regarder toutes ces choses
Qu'elle ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre,
De la vertu, du destin ?
Hélas ! et, sans ton sourire,
Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche,
Sans toi, du jour et des cieux,
De mes baisers sans ta bouche,
Et de mes pleurs sans tes yeux !

Victor Hugo
Alaric

Il y est des océans d'impudeur
Il y est des vides sadiques
Au tréfonds des cavernes labyrinthiques
Suaves, humides et chaudes
De nos armures ruisselantes nattées
Au noir de tes galathées iris
Sur lit de braise s'annonce un feu sacré
Ruisselant au couchant de tes blonds coteaux
L'irrésistible offrande lente et docile
S'obole ton secret sucré
Christique chrysalide à ma bouche portée
Sublime Séraphin, comblant mes faims
Déploie l'alcalin, d'un asile salin
Mais la mort déjà rôde, elle s'en vient.

— Elle est là.

L'asphalte des apothéoses
Melhorament
Alaric Artaud
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suffragettes AB
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le bon sens de Khalil Gibran

“Lorsque l’Amour vous fait signe, suivez-le,
Bien que ses chemins soient abrupts et escarpés.
Et quand ses ailes vous enveloppent, livrez-vous à lui,
Malgré l’épée cachée dans son plumage qui pourrait vous blesser.
Et s’il vous adresse la parole, croyez en lui,
Même si sa voix fracasse vos rêves, comme le vent du nord dévaste les jardins.
Car autant l’amour peut vous couronner, autant il peut vous crucifier.
Alors même qu’il vous aide à croître, il vous pousse à vous élaguer.
Alors même qu’il s’élève au plus haut de vous-mêmes et caresse les plus tendres de vos branches qui ondoient au soleil,
Il s’enfonce au plus profond de vos racines pour les ébranler dans leurs attaches à la terre.
Comme des gerbes de blé, il vous rassemble en vous serrant contre lui.
Il vous vanne pour vous mettre à nu.
Il vous tamise pour vous libérer de votre bale.
Il vous moud jusqu’à la blancheur.
Et il vous pétrit jusqu’à vous assouplir.
Puis il vous livre à son feu sacré, afin que vous deveniez pain sacré du saint festin de Dieu.
Voilà tout ce que l’amour fera en vous afin que vous puissiez connaître les secrets de votre cœur et devenir ainsi un fragment du cœur de la Vie.
Mais si, dans votre crainte, vous ne recherchiez que la paix et le plaisir de l’amour,
Mieux vaut alors couvrir votre nudité et quitter l’aire de battage de l’amour pour vous retirer dans un monde sans saisons,
Où vous pourrez rire mais non pas aux éclats, où vous pourrez pleurer mais non pas de toutes vos larmes.
L’amour n’a d’autre désir que de s’accomplir.
Mais si vous aimez et devez éprouver des désirs, faites que ces désirs soient les vôtres:
Fondre en un ruisseau qui chante sa mélodie à la nuit.
Éprouver la douleur d’un débordement de tendresse.
Être blessé par votre propre compréhension de l’amour;
Et en laisser couler le sang joyeusement.
Vous réveiller à l’aube avec un cœur ailé et rendre grâces pour cette nouvelle journée d’amour.
Vous reposer à midi en méditant sur l’extase de l’amour.
Revenir chez vous au crépuscule avec gratitude.
Puis vous endormir avec, en votre cœur, une prière pour l’être aimé et, sur vos lèvres, un chant de louanges.
Aimez-vous les uns les autres, mais ne ligotez pas l’amour avec des cordes.
Que l’amour soit une mer houleuse entre les rives de vos âmes.”
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Meduse
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suffragettes AB a écrit : 17 févr. 2020, 21:38 le bon sens de Khalil Gibran

“Lorsque l’Amour vous fait signe, suivez-le,
Bien que ses chemins soient abrupts et escarpés.
Et quand ses ailes vous enveloppent, livrez-vous à lui,
Malgré l’épée cachée dans son plumage qui pourrait vous blesser.
Et s’il vous adresse la parole, croyez en lui,
Même si sa voix fracasse vos rêves, comme le vent du nord dévaste les jardins.
Car autant l’amour peut vous couronner, autant il peut vous crucifier.
Alors même qu’il vous aide à croître, il vous pousse à vous élaguer.
Alors même qu’il s’élève au plus haut de vous-mêmes et caresse les plus tendres de vos branches qui ondoient au soleil,
Il s’enfonce au plus profond de vos racines pour les ébranler dans leurs attaches à la terre.
Comme des gerbes de blé, il vous rassemble en vous serrant contre lui.
Il vous vanne pour vous mettre à nu.
Il vous tamise pour vous libérer de votre bale.
Il vous moud jusqu’à la blancheur.
Et il vous pétrit jusqu’à vous assouplir.
Puis il vous livre à son feu sacré, afin que vous deveniez pain sacré du saint festin de Dieu.
Voilà tout ce que l’amour fera en vous afin que vous puissiez connaître les secrets de votre cœur et devenir ainsi un fragment du cœur de la Vie.
Mais si, dans votre crainte, vous ne recherchiez que la paix et le plaisir de l’amour,
Mieux vaut alors couvrir votre nudité et quitter l’aire de battage de l’amour pour vous retirer dans un monde sans saisons,
Où vous pourrez rire mais non pas aux éclats, où vous pourrez pleurer mais non pas de toutes vos larmes.
L’amour n’a d’autre désir que de s’accomplir.
Mais si vous aimez et devez éprouver des désirs, faites que ces désirs soient les vôtres:
Fondre en un ruisseau qui chante sa mélodie à la nuit.
Éprouver la douleur d’un débordement de tendresse.
Être blessé par votre propre compréhension de l’amour;
Et en laisser couler le sang joyeusement.
Vous réveiller à l’aube avec un cœur ailé et rendre grâces pour cette nouvelle journée d’amour.
Vous reposer à midi en méditant sur l’extase de l’amour.
Revenir chez vous au crépuscule avec gratitude.
Puis vous endormir avec, en votre cœur, une prière pour l’être aimé et, sur vos lèvres, un chant de louanges.
Aimez-vous les uns les autres, mais ne ligotez pas l’amour avec des cordes.
Que l’amour soit une mer houleuse entre les rives de vos âmes.”
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J’ai mis la main dans la main de la Mort
Il fallait bien fallait bien fallait bien
Depuis ce jour c’est moi que la Mort tient
Fort par la main par la main par la main

J’ai mis la main dans la main de la Mort
Mais je la tiens autant qu’elle me tient
Et ses doigts d’os craquent entre les miens
Quand je m’endors m’endors m’endors m’endors

Ô belle Mort quand nous unit la nuit
Je vois tes yeux à mes yeux qui ressemblent
Et plus qu’à moi comme le cœur te tremble
Quand nous dormons toutes les deux ensemble

Ô belle Nuit belle Nuit belle Nuit
Je vois tes dents à mes dents qui ressemblent
Et de nous deux laquelle plus fort tremble
Et de nous deux laquelle l’autre fuit

Depuis toujours attendant la relève
Tu t’en allais blanche et noire ma Nuit
Prête toujours à celle qui te suit
D’abandonner ta faux contre son rêve

Tu t’en allais blanche et noire portant
Ce faix promis à la reine suivante
Tu t’en allais et qu’il pleuve ou qu’il vente
Tu me cherchais dans la couleur du temps

Bien me voici tu vas dormir ma chère
À ton chevet je vais tenir ta faux
Et que mes doigts abandonnent s’il faut
À tes doigts d’os cette chair de ma chair

Comme jamais s’il ne fût de moi mort
C’est lui mon cœur qui tremble entre mes doigts
C’est lui c’est lui que je veille et non toi
Mon seul amour mon unique remords

Aragon
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La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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Il pleure dans mon cœur

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !

Paul Verlaine
Romances sans paroles (1874)
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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[...]
Souvent parmi les monts qui dominent la terre
S’ouvre un puits naturel, profond et solitaire ;
L’eau qui tombe du ciel s’y garde, obscur miroir
Où, dans le jour, on voit les étoiles du soir.
Là, quand la villageoise a, sous la corde agile,
De l’urne, au fond des eaux, plongé la frêle argile,
Elle y demeure oisive, et contemple longtemps
Ce magique tableau des astres éclatants,
Qui semble orner son front, dans l’onde souterraine,
D’un bandeau qu’enviraient les cheveux d’une Reine.
Telle, au fond du Chaos qu’observaient ses beaux yeux,
La vierge, en se penchant, croyait voir d’autres Cieux.
Ses regards, éblouis par les Soleils sans nombre,
N’apercevaient d’abord qu’un abîme et que l’ombre.
Mais elle y vit bientôt des feux errants et bleus
Tels que des froids marais les éclairs onduleux ;
Ils fuyaient, revenaient, puis échappaient encore ;
Chaque étoile semblait poursuivre un météore ;
Et l’Ange, en souriant au spectacle étranger,
Suivait des yeux leur vol circulaire et léger.
Bientôt il lui sembla qu’une pure harmonie
Sortait de chaque flamme à l’autre flamme unie :
Tel est le choc plaintif et le son vague et clair
Des cristaux suspendus au passage de l’air,
Pour que, dans son palais, la jeune Italienne
S’endorme en écoutant la harpe éolienne.
Ce bruit lointain devint un chant surnaturel
Qui parut s’approcher de la fille du Ciel ;
Et ces feux réunis furent comme l’aurore
D’un jour inespéré qui semblait près d’éclore.
A sa lueur de rose un nuage embaumé
Montait en longs détours dans un air enflammé,
Puis lentement forma sa couche d’ambroisie,
Pareille à ces divans où dort la molle Asie.
Là, comme un ange assis, jeune, triste et charmant,
Une forme céleste apparut vaguement.
Quelquefois un enfant de la Clyde écumeuse,
En bondissant parcourt sa montagne brumeuse,
Et chasse un daim léger que son cor étonna,
Des glaciers de l’Arven aux brouillards du Crona,
Franchit les rocs mousseux, dans les gouffres s’élance,
Pour passer le torrent aux arbres se balance,
Tombe avec un pied sûr, et s’ouvre des chemins
Jusqu’à la neige encor vierge de pas humains ;
Mais bientôt, s’égarant au milieu des nuages,
Il cherche les sentiers voilés par les orages ;
Là, sous un arc-en-ciel qui couronne les eaux,
S’il a vu, dans la nue et ses vagues réseaux,
Passer le plaid léger d’une Écossaise errante,
Et s’il entend sa voix dans les échos mourante,
Il s’arrête enchanté, car il croit que ses yeux
Viennent d’apercevoir la sœur de ses aïeux,
Qui va faire frémir, ombre encore amoureuse,
Sous ses doigts transparents la harpe vaporeuse ;
Il cherche alors comment Ossian la nomma,
Et, debout sur sa roche, appelle Évir-Coma.
Non moins belle apparut, mais non moins incertaine,
De l’ange ténébreux la forme encor lointaine,
Et des enchantements non moins délicieux
De la vierge céleste occupèrent les yeux.

Comme un cygne endormi qui seul, loin de la rive,
Livre son aile blanche à l’onde fugitive,
Le jeune homme inconnu mollement s’appuyait
Sur ce lit de vapeurs qui sous ses bras fuyait.
Sa robe était de pourpre, et, flamboyante ou pâle,
Enchantait les regards des teintes de l’opale.
Ses cheveux étaient noirs, mais pressés d’un bandeau ;
C’était une couronne ou peut-être un fardeau :
L’or en était vivant comme ces feux mystiques
Qui, tournoyants, brûlaient sur les trépieds antiques.
Son aile était ployée, et sa faible couleur
De la brume des soirs imitait la pâleur.
Des diamants nombreux rayonnent avec grâce
Sur ses pieds délicats qu’un cercle d’or embrasse ;
Mollement entourés d’anneaux mystérieux,
Ses bras et tous ses doigts éblouissent les yeux.
Il agite sa main d’un sceptre d’or armée,
Comme un roi qui d’un mont voit passer son Armée,
Et, craignant que ses vœux ne s’accomplissent pas,
D’un geste impatient accuse tous ses pas :
Son front est inquiet ; mais son regard s’abaisse,
Soit que, sachant des yeux la force enchanteresse,
Il veuille ne montrer d’abord que par degrés
Leurs rayons caressants encor mal assurés,
Soit qu’il redoute aussi l’involontaire flamme
Qui dans un seul regard révèle l’âme à l’âme.
Tel que dans la forêt le doux vent du matin
Commence ses soupirs par un bruit incertain
Qui réveille la terre et fait palpiter l’onde ;
Élevant lentement sa voix douce et profonde,
Et prenant un accent triste comme un adieu,
Voici les mots qu’il dit à la fille de Dieu :

« D’où viens-tu, bel Archange ? où vas-tu ? quelle voie
Suit ton aile d’argent qui dans l’air se déploie ?
Vas-tu, te reposant au centre d’un Soleil,
Guider l’ardent foyer de son cercle vermeil ;
Ou, troublant les amants d’une crainte idéale,
Leur montrer dans la nuit l’Aurore boréale ;
Partager la rosée aux calices des fleurs,
Ou courber sur les monts l’écharpe aux sept couleurs ?
Tes soins ne sont-ils pas de surveiller les âmes
Et de parler, le soir, au cœur des jeunes femmes ;
De venir comme un rêve en leurs bras te poser,
Et de leur apporter un fils dans un baiser ?
Tels sont tes doux emplois, si du moins j’en veux croire
Ta beauté merveilleuse et tes rayons de gloire.
Mais plutôt n’es-tu pas un ennemi naissant
Qu’instruit à me haïr mon rival trop puissant ?
Ah ! peut-être est-ce toi qui, m’offensant moi-même,
Conduiras mes Païens sous les eaux du baptême ;
Car toujours l’ennemi m’oppose triomphant
Le regard d’une vierge ou la voix d’un enfant.
Je suis un exilé que tu cherchais peut-être :
Mais, s’il est vrai, prends garde au Dieu jaloux ton maître ;
C’est pour avoir aimé, c’est pour avoir sauvé,
Que je suis malheureux, que je suis réprouvé.
Chaste beauté ! viens-tu me combattre ou m’absoudre ?
Tu descends de ce Ciel qui m’envoya la foudre,
Mais si douce à mes yeux, que je ne sais pourquoi
Tu viens aussi d’en haut, bel Ange, contre moi. »

Ainsi l’esprit parlait. À sa voix caressante,
Prestige préparé contre une âme innocente,
À ces douces lueurs, au magique appareil
De cet ange si doux, à ses frères pareil,
L’habitante des Cieux, de son aile voilée,
Montait en reculant sur sa route étoilée,
Comme on voit la baigneuse au milieu des roseaux
Fuir un jeune nageur qu’elle a vu sous les eaux.
Mais en vain ses deux pieds s’éloignaient du nuage,
Autant que la colombe en deux jours de voyage
Peut s’éloigner d’Alep et de la blanche tour
D’où la sultane envoie une lettre d’amour :
Sous l’éclair d’un regard sa force fut brisée ;
Et, dès qu’il vit ployer son aile maîtrisée,
L’ennemi séducteur continua tout bas :
« Je suis celui qu’on aime et qu’on ne connaît pas.
Sur l’homme j’ai fondé mon empire de flamme,
Dans les désirs du cœur, dans les rêves de l’âme,
Dans les liens des corps, attraits mystérieux,
Dans les trésors du sang, dans les regards des yeux.
C’est moi qui fais parler l’épouse dans ses songes ;
La jeune fille heureuse apprend d’heureux mensonges ;
Je leur donne des nuits qui consolent des jours,
Je suis le Roi secret des secrètes amours.
J’unis les cœurs, je romps les chaînes rigoureuses,
Comme le papillon sur ses ailes poudreuses
Porte aux gazons émus des peuplades de fleurs,
Et leur fait des amours sans périls et sans pleurs.
J’ai pris au Créateur sa faible créature ;
Nous avons, malgré lui, partagé la Nature :
Je le laisse, orgueilleux des bruits du jour vermeil,
Cacher des astres d’or sous l’éclat d’un Soleil ;
Moi, j’ai l’ombre muette, et je donne à la terre
La volupté des soirs et les biens du mystère.
[...]

Éloa ou la Sœur des anges, Alfred de Vigny
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IL MEURT LENTEMENT

Il meurt lentement
Celui qui ne voyage pas,
Celui qui ne lit pas,
Celui qui n’écoute pas de musique,
Celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux.

Il meurt lentement
Celui qui détruit son amour-propre,
Celui qui ne se laisse jamais aider.

Il meurt lentement
Celui qui devient esclave de l’habitude
Refaisant tous les jours les mêmes chemins,
Celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
De ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu.

Il meurt lentement
Celui qui évite la passion
Et son tourbillon d’émotions
Celles qui redonnent la lumière dans les yeux
Et réparent les cœurs blessés.

Il meurt lentement
Celui qui ne change pas de cap
Lorsqu’il est malheureux
Au travail ou en amour,
Celui qui ne prend pas de risques
Pour réaliser ses rêves,
Celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
N’a fui les conseils sensés.

Vis maintenant

Risque-toi aujourd’hui !

Agis tout de suite !

Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d’être heureux !

MARTHA MEDEIROS
MUERE LENTAMENTE

Muere lentamente
quien se transforma en esclavo del hábito,
repitiendo todos los días los mismos trayectos,
quien no cambia de marca.
No arriesga vestir un color nuevo y no le habla a quien no conoce.

Muere lentamente
quien hace de la televisión su gurú.

Muere lentamente
quien evita una pasión,
quien prefiere el negro sobre blanco
y los puntos sobre las “íes” a un remolino de emociones,
justamente las que rescatan el brillo de los ojos,
sonrisas de los bostezos,
corazones a los tropiezos y sentimientos.

Muere lentamente
quien no voltea la mesa cuando está infeliz en el trabajo,
quien no arriesga lo cierto por lo incierto para ir detrás de un sueño,
quien no se permite por lo menos una vez en la vida,
huir de los consejos sensatos.

Muere lentamente
quien no viaja,
quien no lee,
quien no oye música,
quien no encuentra gracia en si mismo.

Muere lentamente
quien destruye su amor propio,
quien no se deja ayudar.

Muere lentamente,
quien pasa los días quejándose de su mala suerte
o de la lluvia incesante.

Muere lentamente,
quien abandona un proyecto antes de iniciarlo,
no preguntando de un asunto que desconoce
o no respondiendo cuando le indagan sobre algo que sabe.

Evitemos la muerte en suaves cuotas,
recordando siempre que estar vivo exige un esfuerzo mucho mayor
que el simple hecho de respirar.
Solamente la ardiente paciencia hará que conquistemos
una espléndida felicidad.
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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@Meduse

J'aime bien cette version de Invictus:


Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbowed.

Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate :
I am the captain of my soul.
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière.

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé.

En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur.

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
Pour la VF, à part le doubleur de Morgan Freeman dans le film Invictus, je n'ai pas trouvé de récitation très sympathique
La lutte elle-même suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
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Meduse
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--- a écrit : 01 mars 2020, 10:52 Meduse
J'aime bien cette version de Invictus:
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