
Perso pour être à l'Allianz Arena samedi j'ai fait 2 nuits dans un flixbus, 24h de bus sur un laps de temps de moins de 48h et ça ne m'a pas empêché d'être au Parc des Princes hier soir pour accueillir la coupe. Le tout sans allumer un seul mortier ni cassé une seule vitrine.
Il y a deux évènements qui me donnent cette énergie et peuvent me conduire dans la vie à me déplacer à l'autre bout de la France ou de l'Europe; a rester debout pendant 4h en chantant et battant des mains: Saez et le PSG.
Ça ne se juge pas. C'est une passion et une ferveur intime.
Dès qu'il s'agit de foot, beaucoup tombent avec une déconcertante facilité dans le piège des idées reçues et des clichés paresseux.
Je pense qu'il y a bien plus grave dans notre société que ce qui peut se produire dans un stade ou une arène. Je n'inclus pas dans ma réflexion les échauffourés qui se sont produits et qui n'ont strictement rien a voir avec le foot et les supporters.
Il y a quelques mois j'avais écrit un petit billet pour exprimer cette idée sur mon compte LinkedIn:
Nous rentrons dans l'ère de la société des travées.
Sur LinkedIn et dans les CV, à la rubrique hobbys, il y a une activité que vous ne verrez jamais mise en valeur.
Paradoxalement, il s'agit du sport le plus populaire.
Sans doute trop populaire, le foot représente une culture de masse "bas de gamme" qui exaspère d'autoproclamés intellectuels.
Ce cliché existe depuis toujours : à Rome, ceux qui acclament les jeux du cirque au lieu de s’occuper des questions de la cité sont déconsidérés. Ce spectacle symbolise les émotions futiles qui viennent ternir la "sagesse".
C’est à cette époque que naît la fameuse formule « Du pain et des jeux ».
Les stéréotypes sont des préjugés trompeurs.
J'atteste qu'un père de famille responsable et soucieux de la bonne marche de ce monde peut l'espace d'une soirée s'extraire de la lecture de Baudelaire pour s'égosiller dans une tribune ultra.
Ces gradins inspirent la crainte car ils bouillonnent d'un magma humain ardent, rugissant, exalté et barbare, fusion de corps qui ne pensent plus.
D'où vient ce plaisir fanatique qui consiste à hurler, à sauter, à taper des mains, à exhorter son camp et à fustiger l'adversaire ?
La catharsis.
Dans la liesse et la clameur, le supporter ressent un sentiment grisant d’appartenance à un groupe. Mais surtout il se purge d'un trop plein d'énergie et se libère de pulsions bestiales.
Il éprouve ainsi un allègement de l'âme accompagné de plaisir, un assouvissement que l'on nomme catharsis.
En cherchant à refouler hors de la conscience des instincts naturels, on ne les élimine pas mais on les renvoie dangereusement dans le subconscient.
La catharsis purifie.
Il paraît sain de conserver ces arènes comme un bastion de l'expression des passions humaines. Excepté la dérive marginale du hooliganisme, il n'y a pas danger à débrancher le cerveau et à libérer ses émotions le temps d'un match.
Limitée aux cloisons du stade, cette ferveur régressive me fascine.
Ce qui me terrifie en revanche, c'est d'observer qu'aujourd'hui les rues et le parterre médiatico-politique ne sont plus qu'un vaste stade grondant 24h/24.
L'humain semble s'être allégé de son plus bel outil, sa capacité de réflexion.
Plus personne n'écoute personne.
Tout le monde parle en même temps.
D'ailleurs on ne parle pas: on hurle, on profère, on affirme.
Il n'y a plus de débat, que des combats; plus ni discussion ni réflexion, mais des slogans scandés et des injonctions débitées.
Les drapeaux garnissent l'hémicycle et les noms d'oiseaux descendent des travées.
Le footballeur se convertit politologue tandis que le badaud devient partisan.
Des armées d'adeptes prosélytes défilent par bus entiers sur le pavé.
On vous ordonne de choisir un camp et de détester l'autre.
Et si vous ne détestez pas comme il se doit, vous êtes un rêveur, un naïf, un simplet qui ne se résout pas à considérer l'autre comme un adversaire à éliminer.
Il serait peut-être temps de siffler la fin de la partie et de retrouver notre esprit ?